Guy Bouchard
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Guy Bouchard

Même si j’ai pris quelques semaines de vacances à l’extérieur du Québec, le mois dernier, je n’ai pu m’empêcher de suivre l’actualité économique régionale à partir de mon téléphone portable. Une nouvelle, publié le 13 août, m’a particulièrement interpelé alors qu’elle faisait référence au dossier de la minière Arianne Phosphate et du projet de terminal maritime en rive-nord, dont le promoteur est Port de Saguenay.

Il s’agit du texte publié dans le quotidien Le Devoir, sous la plume d’Alexandre Shields, un journaliste spécialisé en environnement. Le texte était intitulé « Des doutes sérieux sur le mégaprojet Arianne Phosphate ». L’article, au titre très évocateur, s’appuie sur un avis rédigé par Dick McCollough, un économiste rattaché au ministère de l’Environnement du Québec (MDDELCC), qui se trouve en annexe d’un rapport d’analyse déposé par le MDDELCC dans le cadre des consultations publiques de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) sur le projet de terminal maritime en rive nord, prévu notamment pour permettre à la minière d’exporter son concentré d’apatite.

Le journaliste Alexandre Shields reprend essentiellement les arguments de l’économiste sur la rentabilité incertaine du projet d’Arianne, propos qui se résument à ceci : « le projet pris dans son ensemble ne semble pas justifiable économiquement à court ou moyen terme, sur un horizon d’au moins 10 ans ». Le scribe du Devoir fait, par la suite, la démonstration que le projet du terminal multiusage de Port de Saguenay constituerait par conséquent un éléphant blanc si l’ACEE l’autorisait et que les travaux allaient de l’avant.

Le texte a rapidement fait le tour du Québec et son contenu à été repris par certains médias régionaux, sans que les conclusions de l’étude de l’économiste du MDDELCC ne soient vraiment remises en question. Il s’agit-là d’une négligence journalistique qui laisse malheureusement une impression d’amateurisme et d’improvisation de la part des promoteurs.

J’ai donc tenté d’y voir plus clair. Selon ma connaissance du projet, la consultation du rapport concerné et les experts que j’ai consultés, plusieurs des arguments de Dick McCollough laissent penser que leur auteur s’appuie sur des données incomplètes ou partielles et traduisent une méconnaissance évidente du contexte du projet d’Arianne Phosphate.

D’ailleurs, les données très complexes sur lesquelles il construit la majeure partie de son analyse et de ses conclusions sont de compétences exclusives de professionnels reconnus du domaine minier mondial. Précisons également qu’Arianne est une entreprise publique dont les actions sont cotées à la Bourse de Toronto. À ce titre, toutes les données géologiques et financières rendues disponibles par la minière sont continuellement et scrupuleusement vérifiées et validées par les experts mondiaux de la discipline. C’est une des seules manières pour les syndicats financiers de s’assurer du sérieux des projets dans lesquels ils investissent.

Cela dit, évitons d’entrer dans les détails techniques et comptables complexes et attardons-nous essentiellement à quelques arguments qu’il soulève et pour lesquels la plupart d’entre nous sommes à même d’estimer la pertinence. Lorsque McCollough avance que la situation financière d’Arianne est précaire, il a raison d’une certaine façon. Toutefois, ce que M. Shields omet de rapporter dans l’article (et que McCollough mentionne dans son analyse), c’est que cette situation est normale et habituelle pour une minière junior, qui est continuellement en déficit d’opération en période de démarrage. Ç’est comme ça que ça fonctionne. Point.

Prix du phosphate

Quand il parle de la faiblesse des prix du phosphate et du prix de la tonne d’apatite sur les marchés mondiaux, il passe sous silence, volontairement ou non, le fait que l’apatite du Lac-à-Paul est d’une pureté et d’une qualité exceptionnelle. En fait, le minéral possède plusieurs caractéristiques qui font que les producteurs d’engrais sont prêts à le payer beaucoup plus cher. À titre d’exemple, son pourcentage de phosphate
« P2O5 » est beaucoup plus élevé (39 %) que la moyenne des gisements sur la planète. Mais surtout, l’apatite du Lac-à-Paul ne contient pas de métaux lourds et d’éléments radioactifs présents naturellement dans beaucoup de gisement de phosphate à travers le monde.

Avouons que, pour cet intrant essentiel à la production d’engrais destiné à la culture des aliments, il s’agit d’un avantage de premier ordre! Et qui se paye. La comparaison peut paraître grossière, mais c’est un peu comme pour le marché de l’aluminium, où le prix mondial de la tonne de métal gris sur le LMS est rarement le prix vendu sur le marché par les producteurs. De nombreuses primes s’ajoutent en fonction de la pureté du métal, ou des « recettes » d’alliages qui sont développés par les entreprises.

Mentionnons également que Dick McCollough base une partie de son analyse sur le fait que le rapport de gestion d’Arianne Phosphate pour l’année 2017 fait mention seulement de ressources mesurées et indiquées, alors qu’on parlait de réserves dans les précédents (les réserves étant les ressources reconnues comme économiquement exploitable) par le passé. L’économiste laisse ainsi croire que les ressources ne peuvent plus être considérées comme des actifs de mine en développement, nuisant à la recherche de financement. Or, il s’agit d’une information erronée, puisque le rapport de gestion (qui est public, soulignons-le) fait toujours mention de réserves minérales en plus des ressources mesurées et indiquées… Il suffit de lire le paragraphe suivant!

Impacts environnemental faible

Mais revenons à cet article du très sérieux Devoir qui discrédite gravement le projet d’Arianne Phosphate, mais surtout du terminal maritime, qui y est étroitement associé. Rappelons tout d’abord que le document de McCollough, sur lequel se base Alexandre Shields pour rédiger son article, faisait partie de l’ensemble d’un vaste dossier déposé par le MDDELLCC auprès de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Le ministère de l’Environnement n’était par ailleurs qu’une des 41 parties prenantes à déposer un mémoire sur le projet de terminal maritime, puisque la décision d’autoriser le projet revient exclusivement au fédéral.

J’ai par ailleurs appris que l’ACEE a déposé son rapport final le 13 septembre dernier auprès de la ministre McKenna et que celle-ci devrait notamment conclure, tel que le disais le rapport provisoire rendu public il y a quelques semaines, que la construction du terminal en rive-nord aurait un faible impact environnemental. Donc qu’il devrait être autorisé, en tout ou en partie. Dans ce contexte, il faut donc se demander si et le contenu de l’article du Devoir et le momentum de sa publication n’ont pas été souhaités par une organisation ou des individus qui voulaient influencer la ministre à la veille du dépôt d’un rapport final de l’ACEE? Poser la question, c’est y répondre.

Malgré ces « distractions », il est indéniable que le projet d’Arianne Phosphate et du terminal maritime qui y est associé, sont, à mon avis, largement justifiés. S’ils se concrétisent, ils vont constituer une formidable occasion de développement et de création de richesse pour la région. Bien entendu, j’invite les acteurs et décideurs du milieu économique régional à appuyer les promoteurs de toutes les façons, tout en demeurant vigilants en regard des impacts environnementaux et sociaux inhérents à tout projet de cette envergure.

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