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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Si l’implantation d’une démarche de développement durable est parfois plus complexe dans une entreprise manufacturière ou industrielle que dans d’autres types d’organisations, les gains potentiels y sont aussi très importants.

C’est du moins le constat fait par plusieurs intervenants dans le domaine du développement durable (DD), qui soulignent que de plus en plus d’entreprises se tournent vers ce type de démarche. « Il y a une mouvance globale. Les grands donneurs d’ordres intègrent de plus en plus de critères en lien avec le DD dans leurs appels d’offres pour leurs fournisseurs. Certains grands acteurs vont revoir leurs pratiques […] sur pression des actionnaires, des consommateurs et même des bailleurs de fonds. Ça a un impact sur les fournisseurs », indique Nicolas Gagnon, directeur du Centre québécois de développement durable.

Le DD constitue une vision stratégique du développement d’une entreprise, puisque l’approche prend en compte de façon globale les quatre volets que sont l’environnement, le social, la gouvernance et l’économie. « Il faut regarder l’ensemble des volets de façon simultanée, pas juste un élément ou de façon séquentielle », rappelle de son côté André Boily, directeur général de la SADC du Haut-Saguenay, qui a pris un virage vers la promotion du DD en 2007. L’organisme a accompagné depuis ce moment quelque 70 entreprises dans leur démarche, en plus de créer un fonds dédié aux projets de ce créneau.

La démarche est donc applicable dans tout type d’entreprise, dans tous les secteurs d’activité. Elle exige toutefois l’engagement des décideurs et la consultation des employés et des différentes parties prenantes. « Souvent, les organisations font plein de bonnes choses, mais ce n’est pas structuré. La démarche en DD permet de se doter d’une structure avec des cibles et des actions pour travailler en conséquence », précise M. Gagnon. Il n’est pas non plus toujours nécessaire de se lancer dans des investissements importants. « Ce n’est pas quelque chose de plus, c’est quelque chose de différent. Ça n’exige pas forcément des ressources supplémentaires », renchérit M. Boily.

Exemples concrets

Pour illustrer la nécessité de prendre en compte tous les facteurs, André Boily donne l’exemple d’une organisation qui a choisi d’installer un système d’air climatisé dans son atelier. De prime abord, l’air climatisé consomme plus d’énergie et peut avoir des impacts environnementaux plus importants, mais il permet aux employés de travailler dans de meilleures conditions et, comme ils ont moins chaud, ils ont moins besoin de s’arrêter souvent, ce qui entraîne une meilleure productivité et une meilleure rentabilité, en plus de contribuer à fidéliser les employés.

D’autres exemples de mesures pouvant être mises en œuvre par des entreprises manufacturières incluent l’implantation d’une chaudière à la biomasse, la mise en place d’un système de récupération de chaleur pour les eaux grises, la modernisation d’éclairage, l’optimisation de la logistique de transport ou l’isolation d’un bâtiment.

Meilleure rentabilité

La prise en compte des différents aspects économique, social, de gouvernance et environnemental dans la planification stratégique d’une entreprise contribue à assurer sa croissance à long terme et sa pérennité. « On a identifié 17 facteurs qui déterminent l’évolution de l’entreprise par rapport au DD. […] L’ensemble de ces 17 facteurs font qu’une entreprise qui croit au DD sera plus efficace au final qu’une qui n’a pas fait cette démarche. […] On considère que l’entreprise qui fait du DD a, à long terme, plus de chance de nous rembourser, c’est pourquoi on a pu développer un fonds à bas intérêt pour ces organisations », explique le directeur général de la SADC du Haut-Saguenay.

Pour Nicolas Gagnon, l’amélioration de pratiques de gestions, le recours aux technologies ou les mesures ayant un impact sur la mobilisation des employés peuvent aussi avoir un impact sur la productivité et générer un retour sur investissement à court ou moyen terme. Les mesures d’efficacité énergétique ont, quant à elles, des effets très concrets et peuvent bénéficier de mesures de soutien gouvernementales. « Le fait qu’une entreprise se soit dotée d’une stratégie de DD peut aussi avoir un avantage concurrentiel devant nombre de bailleurs de fonds ou donneurs d’ordres, de même qu’avec les consommateurs », souligne-t-il.

Dans le document Le développement durable au profit de la performance, publié sur le site du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec, on apprend que des entreprises manufacturières ont pu bénéficier d’économies moyennes de plus de 50 000 $ par année ainsi que d’un retour sur l’investissement en moins de 16 mois en moyenne en tentant de réduire les impacts environnementaux de leur production. On y évoque aussi la possibilité de réduire les coûts, de consolider ou développer de nouveaux marchés et d’innover. Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, c’est finalement une façon de contribuer à attirer et retenir les employés, eux-mêmes de plus en plus sensibilisés à l’importance de cette démarche.

PME Durable 02 : la région se mobilise

Dans la région, les élus et les grandes entreprises ont choisi de se mobiliser afin de permettre aux petites et moyennes entreprises du Saguenay–Lac-Saint-Jean de prendre le virage DD, créant ainsi la démarche PME Durable 02. Celle-ci regroupe une trentaine d’intervenants, dont le CQDD.

Ce projet inclut 21 initiatives, parmi lesquelles on retrouve les cohortes d’accompagnement en développement durable. Le CQDD est d’ailleurs en plein recrutement d’entreprises pour la cinquième cohorte, qui débutera en décembre. Déjà, plus d’une centaine d’organisations régionales ont suivi ce programme incluant 16 heures de formation et 25 heures de coaching.

Il s’agit de la deuxième phase de PME Durable 02. Elle totalise un montant de 621 000 $ sur trois ans. Le gouvernement du Québec avait confirmé, en décembre dernier, une aide financière de 493 250 $ provenant du Fonds d’appui au rayonnement des régions (FARR). Une contribution de 90 000 $ de Rio Tinto et un soutien financier de Nutrinor coopérative permettent notamment de consolider le montage financier.

Des webinaires, un outil Web de diagnostic adapté aux principaux secteurs d’activité de la région, un outil Web de communication, un programme de formations pour les entreprises tournées vers l’exportation et une vitrine régionale des PME engagées font notamment partie des initiatives qui seront mises de l’avant d’ici 2021.

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