Auteur

Karine Boivin Forcier

NDLR: Ce texte est le premier d'un dossier sur l'économie sociale paru dans notre journal de mars. Pour lire l'autre texte du dossier, c'est par ici.

SAGUENAY – Bien que plutôt méconnue, l’économie sociale représente, au Québec, un chiffre d’affaires dépassant les 40 milliards de dollars, davantage que les secteurs combinés de la construction, de l’aéronautique et des mines. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, elle constitue également un maillon important du développement régional.

Si les dernières statistiques régionales datent trop [une enquête de l’Institut de la statistique du Québec a été faite récemment, mais n’a pas encore été publiée NDLR] pour qu’on puisse s’y fier pour brosser un portrait à jour des entreprises d’économie sociale dans la région, il est toutefois permis de croire qu’elles représentent, comme au Québec, une partie importante et peu connue de l’apport économique régional. « Les profits de ces entreprises demeurent locaux. Elles sont vraiment implantées ici, elles génèrent des retombées locales et permettent à la communauté de s’enrichir », affirme la directrice générale du Pôle d’économie sociale Saguenay–Lac-Saint-Jean (ESSOR 02), Émilie Lavoie Gagnon.

Pour être considéré comme une entreprise d’économie sociale, il faut être soit une coopérative, soit un organisme à but non lucratif (OBNL) avec une mission économique, soit une mutuelle. « Une entreprise d’économie sociale va faire des profits, mais c’est dans la façon dont ces profits seront redistribués qu’elle diffère d’une entreprise privée. Ils vont être utilisés pour servir les membres et la communauté. […] C’est le volet social qui est en premier et la gestion est faite de façon démocratique », explique Mme Lavoie Gagnon.

Par ailleurs, la taille des entreprises d’économie sociale peut grandement varier, allant de petite à très grande. Dans la région, on peut par exemple penser au Groupe Coderr, au Zoo de Saint-Félicien, à Nutrinor, aux différentes coopératives forestières et agricoles, au Carrefour environnement Saguenay, à la Résidence funéraire Lac-Saint-Jean, à l’épicerie communautaire Le Garde-Manger ou encore à la Maison de quartier de Jonquière.

Conserver services et emplois

Les entreprises d’économie sociale viennent jouer un rôle particulier dans leur milieu. Elles peuvent par exemple offrir des programmes d’insertion sociale ou professionnelle. Elles sont également très utiles dans les petites communautés, pour sauver des entreprises, prendre la relève d’autres et conserver les services et les emplois. « Il y a de belles perspectives de développement pour les coopératives. Elles présentent un potentiel intéressant pour la relève d’entreprises privées. Ces dernières pourraient être achetées par une coopérative d’employés, de consommateurs, etc. C’est une belle façon de garder les entreprises en vie », indique Dominic Deschênes, directeur pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean de la Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ). « Les valeurs des entreprises d’économie sociale rejoignent aussi celles de la nouvelle génération. Plusieurs jeunes choisissent cette forme pour les valeurs qui s’y rattachent », ajoute la directrice générale d’ESSOR 02.

Autre aspect intéressant, ces formes d’organisation offrent parfois une plus grande stabilité. « Avec une coopérative ou un OBNL avec une mission économique, l’entreprise ne repose pas sur une ou deux personnes. Avec plusieurs personnes impliquées, elles possèdent une plus grande force pour soutenir leur développement », mentionne Émilie Lavoie Gagnon. À titre d’exemple, les coopératives présentent un taux de survie après 10 ans de 44 %, près du double de celui des entreprises privées, qui se situe autour de 22 %.

Mêmes défis

Mme Lavoie Gagnon rappelle que les entreprises d’économie sociale font face aux mêmes défis que celles privées, comme la commercialisation de leurs produits, la main-d’œuvre, etc. « Il y a beaucoup de gens qui pensent que les entreprises d’économie sociale vivent de subventions. C’est un mythe, ce n’est pas vrai. Il y a des organismes qui en reçoivent, mais ils ne dépendent pas seulement de ça, et certains n’en reçoivent pas du tout », souligne-t-elle.

D’ailleurs, certains organismes communautaires développent justement un volet économique afin de subvenir eux-mêmes à leurs besoins et de diminuer leur dépendance aux subventions. « Ça leur permet d’avoir des revenus autonomes, de tendre vers une indépendance financière ou de l’obtenir », note la directrice générale, qui cite en exemple le Café L’Accès ou les services budgétaires de Saint-Félicien, qui opèrent la Gare du Meuble.

ESSOR 02

Pôle d’économie sociale pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, ESSOR 02 est le rassemblement d’entreprises d’économie sociale et d’acteurs socioéconomiques qui travaillent ensemble afin de promouvoir, réseauter et informer les entreprises d’économie sociale au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Comme Pôle d’économie sociale, l’organisme est entièrement dédié au développement de l’économie sociale sur son territoire. Avec les 18 autres pôles, il est reconnu comme interlocuteur privilégié sur les questions de l’économie sociale sur le plan régional. Ils favorisent également la concertation entre les différents acteurs du milieu et soutient la création des conditions favorables à ce modèle entrepreneurial de développement. (Sources : ESSOR 02 et Chantier de l’économie sociale)

Mentionnons que ESSOR 02 lancera sa nouvelle image ce jeudi 21 mars, lors d’un 5 à 7 à l’Atelier de musique de Jonquière. Les gens intéressés à y participer peuvent réserver leur place (gratuite) auprès de l’organisme.

Du financement spécifique disponible

K.B.F.) – En plus des sources de financement plus traditionnelles, les entreprises d’économie sociale peuvent parfois compter sur du financement spécifiquement dédié, avec des conditions avantageuses.

Parmi les organisations qui ont des programmes de prêts dédiés aux projets des entreprises d’économie sociale, on retrouve notamment Investissement Québec et le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ). Celles-ci peuvent appuyer les projets à différents niveaux, que ce soit lors du démarrage, de la consolidation ou de l’expansion d’une entreprise. Les fonds du RISQ touchent même au prédémarrage.

La CDRQ, quant à elle, touche uniquement les coopératives. Elle possède trois volets. Le premier concerne la promotion de la formule coopérative, élément pour lequel elle collabore avec ESSOR 02. En deuxième lieu, elle accompagne les promoteurs qui veulent former une coopérative et, finalement, elle accompagne les coopératives existantes dans leurs projets de développement.

La section régionale de la CDRQ possède un fonds destiné à aider les entreprises en prédémarrage. Il permet de financer jusqu’à 5 000 $ par projet pour couvrir des honoraires professionnels pour l’évaluation de la préfaisabilité et de la faisabilité d’un projet présentant le potentiel de devenir une coopérative. À l’échelle québécoise, l’organisme a également lancé un nouvel outil au cours des derniers mois. « On a un nouveau fonds pour capitaliser les coopératives. On investit en achetant du capital social de ces organisations à des conditions très avantageuses. Sans devenir membre, ça nous permet de créer un effet de levier pour leur permettre d’aller chercher des emprunts supplémentaires », résume Dominic Deschênes, directeur régional de la CDRQ.

La Corporation d’innovation et de développement Alma–Lac-Saint-Jean-Est (CIDAL) a aussi des fonds destinés exclusivement aux entreprises d’économie sociale. Elles peuvent également avoir accès aux fonds réguliers de l’organisme, dont les critères sont assez souples.

Définition de l'économie sociale :

Les entreprises d’économie sociale sont des entreprises qui font du développement social et économique, mais dont le but premier n’est pas de faire du profit. Elles sont composées des coopératives, des organismes sans but lucratif qui possèdent une mission économique et des mutuelles.

« Selon l’article 3 de la Loi sur l’économie sociale, “On entend par économie sociale, l’ensemble des activités économiques à finalité sociale réalisées dans le cadre des entreprises dont les activités consistent notamment en la vente ou l’échange de biens ou de services et qui sont exploitées conformément aux principes suivants :

  1. l’entreprise a pour but de répondre aux besoins de ses membres ou de la collectivité ;
  2. l’entreprise n’est pas sous le contrôle décisionnel d’un ou de plusieurs organismes publics au sens de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1);
  3. les règles applicables à l’entreprise prévoient une gouvernance démocratique par les membres ;
  4. l’entreprise aspire à une viabilité économique ;
  5. les règles applicables à l’entreprise interdisent la distribution des surplus générés par ses activités ou prévoient une distribution de ceux-ci aux membres au prorata des opérations effectuées entre chacun d’eux et l’entreprise ;
  6. les règles applicables à la personne morale qui exploite l’entreprise prévoient qu’en cas de dissolution, le reliquat de ses biens doit être dévolu à une autre personne morale partageant des objectifs semblables.

[…] Est une entreprise d’économie sociale, une entreprise dont les activités consistent notamment en la vente ou l’échange de biens ou de services et qui est exploitée, conformément aux principes énoncés au premier alinéa, par une coopérative, une mutuelle ou une association dotée de la personnalité juridique.” (2013, c. 22, a. 3.) »

Source : Chantier de l’économie sociale. chantier.qc.ca

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