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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Le budget annoncé par le gouvernement fédéral est « plus politique que fiscal » et on n’y trouve rien de concret pour la région, a commenté François Imbeau, CPA et maître en fiscalité chez Deloitte.

« Ce n’est pas un budget qui a un impact majeur pour notre région. Je n’ai pas réussi à trouver quelque chose qui s’applique directement ici. […] Cette fois-ci, je ne trouve rien », indique M. Imbeau, qui arrive généralement à trouver ces « perles » où la région est directement nommée dans les budgets gouvernementaux.

Seule mesure fiscale d’intérêt touchant les entreprises d’ici, le gouvernement a finalement annoncé comment il gèrera ses efforts visant à restreindre les avantages des placements passifs détenus dans des sociétés privées, dont il avait précédemment fait mention dans sa réforme fiscale. Il veut donc réduire graduellement l’accès au taux d’imposition des petites entreprises dans le cas des sociétés possédant un revenu de placement passif considérable. Il propose ainsi d’instaurer un mécanisme d’admissibilité supplémentaire pour la déduction accordée aux petites entreprises, fondé sur le revenu de placement passif de la société.

François Imbeau indique que les impacts seront finalement moins importants que prévus, puisque le gouvernement a révisé ses précédentes intentions. « Les entreprises vont payer plus d’impôt plus rapidement sur les revenus de placements, mais il reste dans la bonne limite. […] Ça va faire en sorte que le taux d’impôt va demeurer dans les mêmes niveaux qu’avant, autour de 53 % quand on est rendu dans les mains du particulier », explique-t-il.

La Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord (CCISF) et la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) considèrent pour leur part qu’en allant de l’avant avec cette mesure, le gouvernement « envoie un mauvais signal, ce qui ne manquera pas d’affecter négativement le réflexe entrepreneurial ».

Peu d’impacts concrets

Selon François Imbeau, il s’agit d’un budget dont les impacts concrets sont plutôt flous. « Le problème de ce budget, c’est qu’il y a beaucoup de choses de mentionnées, mais on ne sait pas comment ça va se passer. Il y a beaucoup de quoi, mais peu de comment », précise-t-il.

Le fiscaliste considère qu’on trouve beaucoup de mesures techniques, mais qui « n’ont pas tellement d’influence ». « Il y a un paquet de mesures techniques qui permettent au gouvernement de dire qu’ils font des choses, mais dans le fond ce sont des ajustements », mentionne-t-il.

Investissements dans l’innovation

Les investissements annoncés pour soutenir la recherche et l’innovation sont « une excellente nouvelle » selon M. Imbeau, et que la CCISF les qualifie de « gestes structurants pour l’économie canadienne ».

Quant à savoir si la région tirera son épingle du jeu dans ce domaine, là encore, le flou subsiste. « On a un grand pôle d’innovation dans la région avec l’UQAC, on peut donc s’attendre à avoir des retombées. Mais quelles vont-elles être? On ne le sait pas vraiment », affirme le spécialiste de la fiscalité.

La FCCQ et la CCISF ont aussi observé que le gouvernement a prévu des sommes pour assurer la capacité de la flotte de la garde-côtière, mais rappellent qu’il est nécessaire de prévoir la construction de nouveaux brise-glaces et ce, à court terme. « Il est essentiel que le service de brise-glace sur le Saguenay soit sécurisé par l’achat d’un nouveau navire. Le gouvernement n’a pourtant rien prévu. Les réparations à venir au seul brise-glace sur le Saguenay ne sont pas suffisantes. Une partie de notre économie dépend de ce service et nous devons pouvoir compter sur sa fiabilité », a souligné la directrice générale de la CCISF, Sandra Rossignol.

Femmes entrepreneures

La CCISF et la FCCQ voient d’un bon œil la volonté du gouvernement de mettre en place des stratégies visant directement les femmes entrepreneures. Les mesures visant à « faciliter le développement des compétences des femmes en affaires, améliorer leur accès aux capitaux et augmenter les occasions de réseautage permettra aux femmes de contribuer encore davantage à l’économie canadienne », peut-on lire dans le communiqué diffusé par les organisations.

Agences régionales : peu d’argent

Le gouvernement propose de fournir un financement supplémentaire de 400 millions de dollars sur cinq ans, selon la comptabilité d’exercice aux agences de développement régional afin d’appuyer le Plan pour l’innovation et les compétences dans l’ensemble des régions du Canada. Quelque 105 M$ 105 millions seront destinés au soutien national, coordonné, régional et personnalisé des entrepreneures dans le cadre de la nouvelle stratégie pour les femmes en entrepreneuriat. Somme toute, François Imbeau constate qu’il ne s’agit « pas de beaucoup d’argent ». Dans ce domaine également, les agences citées directement ne se trouvent pas dans la province.

Dette : une occasion manquée

Les acteurs économiques s’attendaient à ce que le gouvernement fédéral profite de la conjoncture économique favorable actuelle pour résorber le déficit, or cela n’a pas été le cas. « J’ai une certaine appréhension face à la dette. […] Ça aurait été le moment de [se diriger vers l’équilibre]. Il y a de bons indices au niveau économique, on n’est pas dans une zone de danger, mais ça ne veut pas dire qu’on est dans une zone confortable. Je ne vois pas arriver l’équilibre. […] C’est une occasion manquée », conclut François Imbeau.

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