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Frédérica Fortin-Foster

SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN – Les paiements sans contact ont connu une forte croissance ces dernières années, tandis que le volume des transactions en espèces a chuté, représentant environ 22 % en date de 2022 selon un récent rapport de la Banque du Canada. Malgré sa descente fulgurante en popularité, l'argent comptant est-il pour autant sur le point de disparaître ?

« Bien que la circulation de l'argent comptant diminue considérablement, surtout depuis la pandémie, et que cela entraîne certains impacts, je ne pense pas du tout que l'argent comptant disparaisse d'ici peu. Il est vrai que payer avec un bout de papier semble un peu dépassé à l'ère technologique actuelle, mais je ne crois pas que cela signifie la fin de l'argent comptant pour autant », souligne Olivier Leroux, fiscaliste chez MNP.

L'annonce du Mouvement Desjardins prévoyant une réduction de 30 % de leurs centres de services et de leurs guichets automatiques d'ici 2026, en raison de l'évolution des besoins de leurs membres ainsi que le virage complet vers les modes de paiement électroniques dans certains commerces soulèvent de nombreuses questions.

« Nous constaterons certainement une nouvelle baisse de l'utilisation de l'argent comptant dans les années à venir, considérant la diminution du trafic, le retrait de certains guichets automatiques et le vieillissement de la population », ajoute M. Leroux.

Impacts pour le gouvernement

Cette baisse significative de l'utilisation de l'argent liquide entraîne certaines répercussions sur les acteurs économiques. Hypothétiquement, si cette tendance se poursuit et que l'argent comptant venait à disparaître, le gouvernement aurait sans aucun doute plus de facilité à faire la traçabilité des revenus, entraînant une diminution du travail clandestin.

Olivier Leroux, fiscaliste chez MNP estime que la disparition de l'argent comptant pourrait dissuader les petits acteurs de ne pas déclarer leurs revenus, mais ne mettra pas fin à la fraude de façon définitive.

« La réduction de l'utilisation de l'argent comptant sur le marché entraînera probablement une baisse du fameux “travail au noir”, car beaucoup craignent d'être découverts étant donné que les transactions sont plus facilement traçables. Cependant, je doute que cela élimine complètement la fraude. Il est possible que d'autres devises soient utilisées pour ce type d'activité, notamment la devise américaine si elle est largement disponible. De plus, les compagnies qui souhaitent dissimuler de grosses sommes d'argent dans des paradis fiscaux pourront le faire malgré la diminution de l'argent comptant sur le marché », explique-t-il.

Impacts sur le consommateur

Dans une optique similaire, les consommateurs pourraient être affectés par la diminution des transactions en espèces. Ils pourraient devoir supporter les frais de transaction individuels des institutions.

Il est également important de mentionner que les paiements par carte engendrent des frais considérables pour les entreprises. En augmentant le volume des transactions bancaires, les coûts augmenteront pour ces entreprises. Elles seront alors contraintes de répercuter ces coûts sur les consommateurs, entraînant ainsi une hausse des prix. D'autre part, les entreprises qui n'acceptent plus l'argent liquide éliminent le risque de vol interne et externe.

« Outre les frais, il existe un risque accru d'endettement pour la population. La gestion d'un budget ou le calcul des dépenses devient plus complexe lorsque l'argent n'est pas tangible. De plus, si l'argent comptant venait à se raréfier sur le marché, nos économies reposeraient entièrement entre les mains des institutions financières et d'internet. Bien que notre système monétaire au Canada diffère de celui des États-Unis, nous ne sommes pas à l'abri d'une défaillance, l'argent demeure une valeur refuge », affirme le fiscaliste.

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