Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le secteur forestier en changement, publié dans notre édition du mois d'avril.

SAINT-FÉLICIEN – Construite en 1998, la Société de cogénération de Saint-Félicien (SCSF), propriété de Greenleaf Power, a toujours œuvré dans l’axe du développement durable. Basée sur les principes de l’économie circulaire — elle utilise des résidus de l’industrie forestière pour produire de l’électricité —, elle pourra bientôt employer ses propres rejets de chaleur pour se positionner comme un moteur de développement économique.

Les rejets thermiques de la centrale de cogénération ont été cédés à la Ville de Saint-Félicien dès sa construction, en 1998, afin de mettre en place un réseau de chaleur destiné à différents utilisateurs. « Cette eau-là a été transférée à coût zéro. C’était visionnaire pour l’époque », affirme le directeur de la centrale, Pascal Turcotte.

Ce réseau pourrait bien être sur le point de se concrétiser cette année, permettant du même coup au projet d’Écosystème énergétique régional (ÉER)* de Saint-Félicien de prendre son envol. « Nous espérons pouvoir faire la première pelletée de terre en 2024 pour le réseau de chaleur. Il nous reste à confirmer le renouvellement de l’entente contractuelle de production d’électricité de la centrale de cogénération avec Hydro-Québec. Des discussions sont en cours », indique M. Turcotte.

Le réseau de chaleur permettra de récupérer la chaleur résiduelle du procédé thermique, emmagasinée dans l’eau dans une tour à l’usine de cogénération. « Cette eau-là contient 40 mégawatts (MW) d’énergie résiduelle », précise le directeur. Grâce à un système de pompes et de tuyaux, le liquide circulerait en boucle fermée, alimentant différents clients avant de revenir dans la tour absorber à nouveau de la chaleur et de reprendre son parcours.

Plusieurs projets

L’usine de cogénération dessert déjà la scierie de Produits Forestiers Résolu pour l’opération de cinq cellules de séchage. Ce client consomme entre 70 000 et 75 000 tonnes de vapeur, soit l’équivalent de 60 000 mégawatts-heures. Plusieurs promoteurs se sont aussi greffés au parc bio-industriel et sont partenaires dans le projet d’ÉER. Ils n’attendent que la construction du réseau de chaleur pour débuter.

Le Centre de valorisation de la biomasse (CVB), développé par la MRC du Domaine-du-Roy, a pour but d’aller chercher la biomasse inexploitée en forêt et de la traiter afin d’alimenter de nouveaux projets de bioéconomie. L’entreprise ontarienne CharTech serait l’un des utilisateurs de cette matière première, qui lui servira à produire du biochar.

La firme emploierait également le gaz de synthèse émis par le procédé de pyrolyse pour le transformer en hydrogène vert ou en gaz naturel renouvelable (GNR). « Nous voudrions utiliser cette molécule dans le transport lourd local. Nous souhaiterions ne plus recourir à l’énergie fossile du côté de la centrale de cogénération. Cela nous permettrait de devenir carbonégatif plutôt que carboneutre », révèle Pascal Turcotte.

Un promoteur de serres serait aussi intéressé par le projet. Par ailleurs, le réseau de chaleur pourrait être utilisé pour le chauffage de bâtiments institutionnels. La Ville de Sain-Félicien a plusieurs options dans ses cartons pour l’usage des rejets thermiques de la centrale. L’ensemble des investissements prévus dans ce secteur représenteraient, à terme, quelque 247 M$.

Utiliser les sous-produits

Rappelons que la centrale de cogénération de Saint-Félicien a été créée, à l’époque, pour éviter l’enfouissement des écorces en surplus. « L’enfouissement de matière organique cause un problème environnemental beaucoup plus grand que le brûlage de cette matière. Ça génère des émissions de méthane dans l’atmosphère qui sont 21 fois plus dommageables que celles du dioxyde de carbone », explique M. Turcotte.

Aujourd’hui, la SCSF s’approvisionne principalement auprès de scieries de la région, de la Mauricie et du sud du Québec. « Le marché est quand même limité. Il y a trois centrales de cogénération dans la région, dont la nôtre. Ces trois entreprises récupèrent toutes les écorces disponibles au Saguenay–Lac-Saint-Jean », mentionne le directeur.

Il souligne que les usines de cogénération utilisent principalement les écorces comme source de combustible. Celles-ci sont les produits de moindre valeur de la chaîne du bois. « Tous les sous-produits sont exploités. », conclut Pascal Turcotte.

*Les Écosystèmes énergétiques régionaux (ÉER) sont issus de la Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies. Ils associent la production, la distribution et la consommation d’hydrogène vert ou de bioénergies localement.

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