Dominique Savard
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Dominique Savard

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique sur l’industrie forestière publié dans notre édition du mois d’avril.

QUÉBEC – Savez-vous qu’au Québec et au Canada, il y a des centaines de millions de plants qui sont reboisés chaque année? Il faut savoir que ces plants forestiers ont tous un certain niveau d’amélioration génétique, notamment pour la productivité. Et il y a le projet FastTRAC, pour lequel la génomique catalyse une petite révolution en accélérant grandement la sélection de plants de haute qualité pour le reboisement.

Leader académique, Projet FastTRAC de Génome Canada/Québec, le professeur-chercheur Jean Bousquet avoue que l’amélioration génétique des plants forestiers prend beaucoup de temps. « La génomique permet de court-circuiter ces longs délais d’évaluation au champ en réduisant ce temps-là. Par exemple, avec les changements climatiques qui nous bousculent, on sait que le climat devient de plus en plus instable, les sécheresses vont être plus fréquentes, plus longues, comme les attaques d’insectes. Les plants forestiers que l’on replante aujourd’hui devront être plus résilients, plus résistants à ces conditions difficiles. »

De la même façon, le marché des produits forestiers pousse dans le dos des chercheurs aussi au niveau mondial. « On veut des arbres qui ont de nouveaux attributs, des bonnes qualités, qui vont fixer la fibre de carbone. Toutes ces nouvelles commandes poussent les améliorateurs à recourir à des méthodes d’évaluation plus rapides et c’est là que la génomique entre en jeu », ajoute le docteur Bousquet.

Le professeur-chercheur soutient que le Québec est un leader mondial de la génomique forestière. La Chaire de génomique du Canada a été créée il y a 20 ans. « Nous avons développé à partir de zéro toutes les méthodes allant de l’extraction de l’ADN jusqu’au séquençage des gênes et des génomes et maintenant, nous en sommes rendus à obtenir à un coût modique et à une façon rapide ce qu’on appelle les profiles génomiques pour nos arbres. Ça qui permet aux améliorateurs d’aller plus rapidement au niveau de la sélection d’arbres pour le futur. »

Sauver de 20 à 30 ans

Toujours selon le docteur Jean Bousquet, le processus est relativement simple. D’un côté nous obtenons le profil génomique de milliers d’arbres candidats et nous appliquons ce qu’on appelle des modèles de prédiction par la génomique qui permettent dès le stade de semence ou de jeune semis de prédire la valeur future de ces arbres-là.

« Donc, ça nous permet de sauver de 20 à 30 ans. Ces modèles-là de prédiction par la génomique on les bâtit à l’aide des tests en forêt que les améliorateurs ont déjà de disponibles, donc ce sont des arbres qui ont 30 ans. On fait la relation entre la génomique et la valeur de ces arbres et on arrive à avoir des outils de prédiction. »

Après l’augmentation de la productivité, les chercheurs ont ajouté l’amélioration de la qualité pour s’assurer de vendre du bois de bonne qualité. « C’était une commande à l’effet qu’il faut avoir du bois, des plantations qu’on va récolter à 40 ans et qui va être aussi bon que l’épinette noire de 120 ans. Et là, on rajoute une troisième couche d’exigence dans la société, soit la résilience, la résistance à des extrêmes climatiques, à des ravageurs, des insectes forestiers », précise-t-il.

Cultiver près des villes et des usines

Les arbres qui poussent plus vite permettent de les ramasser à 40 ou 50 ans au lieu de 120 ans. « L’avenir des travailleurs forestiers passe par une grande partie des plantations à haute productivité, l’intensification de sylviculture. Pourquoi je dis cela? On a fait des études qui démontrent qu’à chaque fois qu’on va reboiser, on va chercher un gain économique. Même en excluant les coûts de la sylviculture, le bois qu’on va récolter est énorme comme valeur économique. Comme les plantations sont situées à proximité des usines et des villes, on diminue les coûts de transport, les travailleurs retournent à la maison pour dormir (pas besoin de camp forestier), etc. »

Le professeur-chercher rappelle, enfin, que dans nouvelle loi des Forêts (2010), chaque région est en train de déterminer une partie de son territoire pour l’aménagement intensif des forêts, ce qui inclut beaucoup plus de travaux de sylviculture. « La culture du bois près des usines et des villes est au niveau économique plus optimal et c’est un modèle déployé depuis les années 50 dans les pays scandinaves. »

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