Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Les mines, portes ouvertes vers le nord publié dans notre édition du mois de janvier.

SAGUENAY – Rio Tinto a atteint un taux de valorisation de ses sous-produits, excluant la bauxite, de plus de 85 % pour ses opérations du Québec. Pour ce faire, la multinationale a adopté une approche « minière » en regard de ses résidus.

« Nous regardons chaque sous-produit comme si c’était un gisement. Nos résidus, nous observons ce qu’il y a à l’intérieur et nous réfléchissons à ce que nous pourrions faire avec. Ça part de la philosophie de l’entreprise minière, qui est d’évaluer ses ressources pour les exploiter au maximum », indique Stéphane Poirier, directeur de la valorisation des sous-produits pour Rio Tinto Aluminium.

Selon lui, le développement durable fait partie des valeurs de la multinationale. La compagnie vise d’ailleurs à en arriver à une production d’aluminium sans aucun enfouissement, incluant la bauxite. Pour ce faire, elle mise sur l’approche 3R, soit réduire, réutiliser et recycler. « Les sous-produits ne sont plus utiles dans nos procédés, mais on a eu accès à ces ressources. Nous avons une responsabilité de tirer le maximum des richesses naturelles qu’on met à notre disposition pour l’exploitation », affirme M. Poirier.

Une PME

Le directeur de la valorisation des sous-produits estime que son département est devenu l’équivalent d’une petite PME à l’intérieur de la grande entreprise. Une dizaine de personnes œuvrent maintenant au sein de l’équipe intégrée. Ces travailleurs proviennent de différentes disciplines, puisque de nombreuses étapes sont nécessaires avant d’en arriver à la valorisation des résidus.

« Il faut d’abord bien comprendre les matières qu’on doit gérer. Ça part de la science. Ensuite, ça exige une vision très commerciale. On a beau avoir de bonnes idées, s’il n’y a personne d’intéressé, ça ne vaut rien. Ce qu’on veut, c’est pouvoir faire l’adéquation entre un besoin d’un client et nos sous-produits pour créer une solution. À ce moment, ça demande des équipes techniques et de recherche et développement (R&D). Celles-ci vont prendre le sous-produit qui a des propriétés qui ne sont pas compatibles pour l’amener à être compatible », résume Stéphane Poirier.

Recyclé à 100 %

Rio Tinto a connu plusieurs succès dans son parcours pour valoriser ses résidus. La multinationale a notamment réussi à recycler 100 % des quelque 75 000 tonnes d’anhydrite (CASO4) produites annuellement par son usine de fabrication de fluorure d’aluminium, un composant du procédé d’électrolyse.

« C’est notre exemple le plus mature. Nous avons commencé par des petites applications relativement simples pour nos propres besoins. Ensuite, l’anhydrite, c’est un sulfate de calcium, qui est utilisé dans la fabrication du ciment. Nous avons travaillé avec des cimentiers pour qu’ils adaptent leurs procédés pour utiliser l’anhydrite. Celle-ci vient remplacer du matériel miné à l’extérieur, qui était importé par bateau », révèle M. Poirier.

L’équipe de valorisation a aussi exploré l’usage de ce sous-produit comme fertilisant. « Nous sommes allés chercher une accréditation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour démontrer l’innocuité de la matière. Nous nous en sommes servi en 2021 pour fertiliser des champs de bleuets du côté de la Coop Albanel. Nous avons récolté les bleuets l’an dernier, puis nous en avons fait faire une confiture par Les Délices du Lac. Nous l’avons finalement offerte à nos employés et à nos parties prenantes externes », raconte le directeur.

D’autres succès

Rio Tinto a connu un autre beau succès avec la chaux hydratée aqua-catalysée (CHAC), un sous-produit riche en chaux et en sulfates de calcium provenant du procédé d’épuration du soufre à l’usine Arvida. « Nous avons organisé l’approche scientifique autour de la façon de l’utiliser comme amendement de sol. Il y a un besoin dans la région pour ce type de matières, qui étaient importées de l’extérieur », explique Stéphane Poirier.

Son équipe a dû travailler avec le Bureau de normalisation du Québec pour faire modifier une norme afin de pouvoir incorporer le CHAC comme amendement de sol. Un contrat de 600 000 $ a été signé avec Viridis Environnement à Hébertville pour le conditionnement de ce produit. « Aujourd’hui, nous avons 5 000 tonnes par an de ce sous-produit qui s’en vont dans nos terres agricoles pour neutraliser le pH et favoriser les cultures », souligne M. Poirier. Tout comme l’anhydrite, le CHAC est aussi recyclé à 100 %, grâce à son usage dans différentes autres applications.

Un projet-pilote d’asphaltage sur les terrains du Complexe Jonquière et du Centre de recherche et développement Arvida (CRDA) est également en cours. « Ce projet s’est développé assez rapidement, à l’intérieur de 18 mois. [...] Pour cet essai, nous nous sommes associés à Inter-Cité pour produire un enrobé avec 5 % de résidus de bauxite et des sous-produits carbonés », relate le directeur.

Ces différents projets reflètent bien la façon de faire de Rio Tinto, qui se collabore toujours à des partenaires qui connaissent bien le marché que l’entreprise souhaite développer. « C’est toujours comme ça que nous procédons. Nous, notre spécialité, c’est le métal. Nous allons donc trouver les meilleurs partenaires locaux pour nous aider à réaliser les projets de valorisation », assure Stéphane Poirier.

Une valeur

Pour le directeur de la valorisation des sous-produits, ces processus sont devenus une véritable valeur d’entreprise. « Les employés s’identifient à la valorisation des sous-produits. Ça crée un mouvement bénéfique pour le développement d’une vision commune », note-t-il.

Même si la valorisation des sous-produits génère un revenu, puisqu’ils sont vendus à d’autres, ce n’est pas le moteur principal derrière la volonté de Rio Tinto de faire ce virage, assure Stéphane Poirier. « On va même jusqu’à payer plus cher pour valoriser certains sous-produits au lieu de les enfouir. […] C’est une valeur qu’on sent fondamentalement importante pour l’entreprise », conclut-il.

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