Guy Bouchard
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Guy Bouchard

Cette nouvelle décennie qui s’amorce sera cruciale pour l’avenir économique du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Si la région n’est pas en mesure d’amorcer de façon convaincante son virage vers de nouveaux secteurs de développement industriel, au cours des cinq prochaines années, nous risquons fort de connaître une décroissance insurmontable.

Mais restons positifs, rien n’est encore gagné, mais il y a tout lieu d’espérer que les trois grands projets qui sont en cours de développement dans la région, Arianne Phosphate, BlackRock et Énergie Saguenay, vont évoluer de façon importante et positive, d’ici la fin de 2020. Ce qui est aussi de nature à me rassurer, c’est le fait que les décideurs et entrepreneurs régionaux se sont mobilisés dans les dernières semaines de 2019, pour défendre notre souveraineté économique, mais aussi pour tenter mettre en place un véritable mouvement de solidarité régionale, dont nous avons cruellement besoin.

Je pense ici au lancement du mouvement Je crois en ma région, alors que les principaux organismes économiques tels que Promotion Saguenay et la CIDAL, appuyés par la plupart des regroupements d’entrepreneurs régionaux, ont mis la table pour établir les bases d’une véritable concertation au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Soulignons également le rapprochement salutaire, initié à l’automne dernier, entre le Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma (STAA) et le Syndicat National des Employés de l’Aluminium d’Arvida (SNEAA) qui se sont joints au maire d’Alma Marc Asselin et à la mairesse de Saguenay Josée Néron, pour promouvoir la pérennité et la croissance des installations régionales de Rio Tinto.

Toutefois, ce nouveau front commun, destiné à inciter Rio Tinto à relancer les trois projets d’envergure qui ont été mis sur la glace par RT en octobre dernier, devra s’imposer rapidement et fermement auprès des décideurs politiques et des actionnaires de la multinationale pour la concrétisation d’Alma 2, du centre de billette jeannois et des 16 autres cuves AP60.

Avouons qu’ils évoluent dans un contexte très particulier alors que le gouvernement canadien a conclu en décembre dernier l’Accord Canada - États-Unis - Mexique (ACÉUM) qui, selon plusieurs observateurs, fragilise grandement l’industrie de l’aluminium.

D’ailleurs, avant les Fêtes, les présidents respectifs du STAA, Sylvain Maltais et du SNEAA, Alain Gagnon, appuyés par Mario Simard, député de Jonquière, Alexis Brunelle-Duceppe, député de Lac-Saint-Jean, et Richard Martel, député de Chicoutimi–Le Fjord, ont vertement dénoncé dans un communiqué commun, l’absence de protection de l’aluminium dans le nouvel accord.

Personnellement je partage l’inquiétude de cette coalition syndicale-politique, notamment à cause de la volte-face surprise de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC) qui disait initialement « L’accord déçoit (…) elle permet au Mexique de continuer d’importer à sa guise du métal en provenance de Chine et d’autres régions du monde ». L’AAC estimait alors clairement alors que la compétitivité du produit canadien serait fortement affectée.

Coup de théâtre, quelques jours plus tard, l’AAC revient sur sa position et déclare que l’ACEUM va permettre : « de renforcer les relations du Canada avec son principal partenaire commercial, les États-Unis. Il apportera des avantages importants à l’économie canadienne dans son ensemble et à notre industrie ». Étonnant non ? Comment ne pas y voir un jeu de coulisse de la part du gouvernement Trudeau pour ne pas faire trébucher l’ACÉUM… sur le dos des producteurs d’aluminium, qui ont courbé l’échine ? Poser la question, c’est y répondre.

Malgré ces importants nuages, notre industrie du métal gris a encore quelques atouts dans sa manche pour se positionner dans ce marché complexe et difficile. Notamment celui de devenir le chef de file en production de l’aluminium primaire à faible empreinte carbone, mais surtout parce qu’elle peut compter sur des leaders syndicaux brillants et stratégiques, comme Sylvain Maltais et Alain Gagnon. Ces deux hommes, soyez-en certains, ne lâcheront pas le morceau pour pérenniser les emplois de leurs travailleurs, pour le plus grand bénéfice de la région.

Indéniablement, dans les mois et années qui viennent, que ce soit pour voir se concrétiser les grands projets en développement, ou pour préserver nos fragiles acquis industriels, nous devrons serrer les rangs encore bien davantage pour réclamer haut et fort ce qui nous est dû, parce que personne ne nous fera de cadeau. Nous sommes véritablement à la croisée des chemins.

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