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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Avec l’arrivée des millénaux sur le marché du travail et la pénurie de main-d’œuvre, les chefs d’entreprises doivent faire preuve d’ingéniosité lorsque vient le temps de recruter ou de garder leurs employés. Au fil des années, l’industrie technologique a été citée en exemple pour sa flexibilité en gestion des ressources humaines. Tour d’horizon sur ces nouvelles pratiques de plus en plus en vogue.

Reportage par Jonathan Thibeault et Karine Boivin Forcier

Le modèle de gestion des entreprises agiles/libérées a été élaboré dans les années 1990, principalement dans les sociétés informatiques. L’objectif est d’aller à contresens du modèle classique en accordant une plus grande confiance aux employés dans la gestion des projets et de leurs horaires, notamment.

Le concept d’entreprise agile se veut organique et mise souvent sur des petites équipes multidisciplinaires auto-organisées et autonomes. Dans certains cas, le concept de patron est aboli et le pouvoir est distribué de façon horizontale. « Le modèle d’organisation d’entreprise au 20e siècle était très hiérarchique et pyramidal. Il y avait beaucoup de bureaucratie, des descriptions de tâches très détaillées. […] Aujourd’hui, il faut tellement être rapide que l’organisation doit être agile, pouvoir changer rapidement et posséder des ressources flexibles », indique le président-directeur général de ConformIt, Éric Desbiens, qui a créé son propre modèle : Agile 360.

Coach en RH, Audrey Tremblay remarque une tendance marquée vers ce modèle d’entreprise libérée dans la région. « Une organisation qui entreprend ce virage est à l’écoute de ses ressources. La Web Shop est vraiment un bel exemple, car l’agence a proposé, dès son lancement, un horaire flexible pour chaque employé et a instauré le concept de vacances illimitées. Cela dit, ce concept ne s’applique pas uniquement dans le milieu technologique », explique la professionnelle. Elle souligne que ce nouveau modèle de gestion met l’écoute de l’employé à l’avant-plan.

Chez Industrie GRC, usine arvidienne spécialisée dans la découpe de métal en feuille, une nouvelle stratégie de gestion a été mise en place il y a environ 5 ans. « Nous accordons une confiance en nos équipes en atelier. S’ils veulent prendre congé le vendredi, ils savent que c’est possible pourvu que les échéanciers soient respectés », indique la responsable RH, Stéphanie Boily. « Dans un contexte où nous avons un syndicat dans l’entreprise, nous avons une très belle collaboration avec les employés », ajoute-t-elle.

Meilleure ambiance de travail

Horaires flexibles gérés par l’employé, vacances illimitées ou généreuses, activités sociales ou télétravail font partie intégrante des entreprises agiles. Certaines ont aussi implanté des systèmes de discussion instantanée pour remplacer les communications traditionnelles. Le bien-être, les saines habitudes de vie et la conciliation travail-famille sont au cœur de la philosophie.

Alexandra Emond, Lucas Lajoie et Stéphanie Audet, employés de La Web Shop (LWS), s’entendent tous pour dire que la souplesse des horaires est gagnante en productivité. « Ça nous permet de travailler dans les heures où nous sommes plus productifs dans la journée et de mieux concilier notre vie personnelle et professionnelle », affirme Stéphanie Audet. « Évidemment, cette liberté vient avec des responsabilités. Il faut faire un effort pour être présent pendant les heures d’affaires afin de faire des suivis auprès des clients », ajoute-t-elle.

Le bureau comme milieu de vie

Plusieurs entreprises flexibles perçoivent le bureau comme un espace qui doit être agréable, confortable pour les employés. Chez Optania, par exemple, l’espace comprend des aires ouvertes, de grandes fenêtres, une grande aire de repos confortable, tout en offrant un peu d’intimité. Des meubles ergonomiques, des fauteuils et des couvertures complètent l’ensemble. « C’est plus qu’un bureau, c’est un milieu de vie. Le club social et les employés peuvent utiliser le bureau pour des activités entre eux. […] Ils traitent le bureau comme si c’était leur maison », affirme Roxanne Bélanger, vice-présidente aux opérations.

Même son de cloche chez Ubisoft Saguenay, où les aires ouvertes sont reines, avec quelques espaces informels confortables et plus intimes, une salle de repos munie de plusieurs types de jeux et une cuisine conviviale. Les bureaux ont été réaménagés cinq fois depuis l’ouverture en janvier. « Nos bureaux sont mobiles, si on change de projet, on peut aller avec une autre équipe. Tu travailles à proximité des gens qui sont importants dans ton projet. Nos classeurs ont des poufs dessus, si ton collègue vient travailler avec toi, il peut s’y asseoir », précise Isabelle Joly, Partenaire RH au bureau saguenéen. Mentionnons qu’Ubisoft a développé tout son mobilier selon ses besoins.

Favoriser la créativité

Le travail d’équipe, l’implication des employés dans les décisions et l’aménagement des lieux permettent de favoriser la créativité. « On veut créer un environnement favorable à la créativité et aux échanges, que les gens se sentent bien en fonction de ce qu’ils ont besoin de faire », mentionne le directeur d’Ubisoft Saguenay, Jimmy Boulianne.

Selon Éric Desbiens de CONFORMiT, les équipes multidisciplinaires amènent une confrontation d’idées qui suscite de nouvelles solutions et stimule la créativité. « Le but, c’est qu’ils prennent des décisions rapidement et se trompent. Les gens ne savent pas toujours tout. Ils doivent expérimenter, c’est comme ça qu’on apprend », ajoute-t-il. L’équipe de la firme Devicom brosse un portrait similaire. La présidente de la firme saguenéenne indique que l’entreprise libérée accorde une plus grande prise en main des équipes. « Ici, nous fonctionnons en petit cercle et les leaders ne sont jamais les mêmes dans chaque projet. Les décisions se prennent en équipe. Les gens se sentent plus considérés et ils sont plus enclins à donner leurs idées », indique-t-elle.

Bénéfique pour l’entreprise

CONFORMiT a implanté son modèle Agile 360 il y a 1 an et demi. « Les gens étaient un peu perplexes au début. […] Maintenant, ils commencent à comprendre. L’organisme avance tout seul, il est vraiment autonome », indique-t-il, précisant que les nouveaux employés prennent un minimum de trois semaines pour s’adapter. Leur accompagnement est d’ailleurs bien prévu pour faciliter leur adaptation. Chez Optania et Devicom également, l’accueil des nouveaux employés prend une place importante, pour faciliter l’intégration dans leurs équipes très soudées. « L’intégration est importante chez nous, autant que la diversité de l’équipe. Nous prenons le temps de bien intégrer chaque nouvelle ressource pour qu’elle se sente bien », fait savoir France Lavoie de Devicom.

Si certaines personnes pouvaient croire qu’il y aurait une augmentation de l’absentéisme, l’équipe de LWS a remarqué un effet contraire. « Cette souplesse permet d’éviter des absences lorsque nous avons des rendez-vous personnels. En ce qui concerne les vacances illimitées, on se régularise nous-même afin de respecter les échéanciers et ne pas surcharger des collègues », précise Stéphanie Audet. Le constat est le même chez Optania. « Ça paraît sur les congés maladie. Le taux d’absentéisme est très faible. Le travail est fait. Le rythme de travail est constant parce que les gens ne sont pas fatigués ou brûlés », note Roxanne Bélanger.

Toutes les entreprises s’entendent pour dire que ce nouveau modèle de gestion est un plus pour l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre. « C’est une façon de se différencier. On y croit », estime Jimmy Boulianne.

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