Par Mériol Lehmann
Au cours des dernières années, la révolution numérique a transformé notre société, bouleversant des modèles d’affaires séculaires et modifiant en profondeur nos rapports entre humains ainsi que nos manières d’accéder et de consommer de la culture. Nous ne pouvons plus considérer le numérique comme la simple arrivée d’outils technologiques sans incidence sur nos façons d’être et de penser.
Dans le milieu culturel, le mot est désormais sur toutes les lèvres, sans qu’on en mesure toutefois la réelle portée. Le réel enjeu de notre époque est très certainement de modifier notre façon de réfléchir et d’agir afin d’adopter une pensée « numérique ».
Comment définir la pensée numérique ?
Une pensée numérique est fondamentalement systémique. Plutôt que d’isoler un problème, la pensée systémique se base sur une approche interdisciplinaire et holistique qui permet de positionner le problème dans son ensemble. Une pensée systémique nécessite donc une vision globale et s’attarde aux processus et aux relations dynamiques entre chacun des éléments d’un système.
À titre d’exemple, il serait illusoire de réfléchir à des solutions pour améliorer les revenus des auteurs-compositeurs québécois sans tenir compte de l’écosystème mondial de diffusion de la musique comme Apple Music et Spotify. Alors que des mesures locales comme les quotas radiophoniques pouvaient fonctionner à une autre époque, ce type de solutions fragmentées ne sont plus si facilement applicables dans un contexte global.
Un des aspects importants de la pensée systémique est sa capacité à tenir compte des changements dynamiques qui ont lieu à l’intérieur d’un système. Ainsi, chaque modification d’un seul élément aura un impact sur l’ensemble des autres éléments du dit système, quelque chose qui passera complètement sous le radar d’une approche réductionniste traditionnelle. Et s’il y a bien un enjeu central du numérique, c’est ce constant changement qui nous donne l’impression de toujours perdre nos repères, même ceux que nous venons tout juste d’acquérir. L’adoption de principes inspirés par les différentes méthodes de gestion provenant de la Silicon Valley peut être réellement bénéfique. Attention, je ne parle pas ici de faire travailler vos employés 70 heures tout en les payant pour 35. Je parle de s’inspirer librement des méthodes Lean et Agile et de les revisiter de façon humaniste.
Un des premiers principes de ces méthodes est l’amélioration continue. Pour y arriver, il s’agit de sans cesse évaluer et remettre en question notre organisation, ses objectifs et son fonctionnement. Ne pas s’en tenir à un plan rigide, mais s’adapter constamment au changement. Pour ce faire, il ne s’agit pas de mettre l’accent sur les résultats, mais plutôt sur les processus , à travers une compréhension holistique des enjeux. Il faut alors privilégier la résolution des problèmes en donnant plus d’autonomie aux employés directement sur le terrain et en les associant davantage à la prise de décisions. La méthode Lean se base aussi sur le recours à des équipes pluridisciplinaires pour régler des problèmes complexes par les apports de chacun.
L’adoption de stratégies inspirées par les méthodes Lean ou Agile m’amène à un autre point crucial dans une pensée numérique : la collaboration, une clef essentielle pour réussir dans un monde numérique. Il s’agit de travailler ensemble à la réussite de ce tout. Ce n’est pas nouveau, l’art ne se fait pas en vase clos. Quelle que soit la discipline, la collaboration est bien souvent centrale en création. Les milieux numériques comprennent si bien l’importance et les bienfaits de la collaboration que nous avons même vu une nouvelle stratégie apparaître, la coopétition, soit la collaboration entre compétiteurs.
J’espère avoir permis une ouverture sur une autre façon de penser. Que ceci vous inspire à chercher plus loin, à vous amener à vos propres découvertes. En résumé ? Donnez-vous la liberté de penser et d’agir plutôt que de vous restreindre aux cadres habituels et collaborez avec ceux qui vous entourent au bénéfice de tout un chacun. Le numérique doit être vu comme une formidable opportunité de bousculer les choses pour le mieux, à condition d’adapter notre pensée à cette nouvelle forme que prend notre civilisation !