Auteur

Roger Boivin

Les récentes données économiques publiées par Statistique Canada nous apprenaient que de novembre à décembre 2017, le taux de chômage au Saguenay–Lac-St-Jean est passé de 6,3 % à… 6,0 %, soit un des plus faibles taux depuis que cette donnée est disponible au niveau régional ! À première vue, il s’agit donc d’une excellente nouvelle. Mais quand on y regarde de plus près, on constate que durant cette période, la région a pourtant perdu 900 emplois !

Mais comment une pareille contradiction est-elle possible, me direz-vous ? C’est que, contrairement à ce que nous croyons tous, le taux de chômage ne nous dit pas combien de gens étaient sans emploi à un moment donné. Non, le taux de chômage est un indice qui met en relation le nombre de personnes qui DÉCLARAIENT être prêtes à travailler sur le nombre de gens de 15 ans et plus qui occupent un emploi et celles qui se déclarent être prêtes à travailler.

Ici, il faut bien saisir que, contrairement à ce que l’on croit, le total des chômeurs n’est donc pas le nombre de personnes qui pourraient travailler, mais qui n’ont pas d’emploi, mais seulement le nombre de personnes qui DÉCLARENT être prêtes à travailler. Pour connaître cette intention ou non d’être prêt à travailler, le gouvernement mène, chaque mois, une enquête auprès de 56 000 ménages au Canada (dont près de 10 000 au Québec).

Pour bien illustrer l’ambiguïté du taux de chômage, soulignons qu’en décembre 2017, il y avait au Saguenay–Lac-St-Jean 95 622 personnes de 15 ans et plus
(incluant les retraités) qui étaient sans emploi, alors que seulement 8 400 d’entre elles étaient considérées statistiquement comme des chômeurs (une personne qui déclare être prête à occuper un emploi, mais qui n’en a pas)

Mais pourquoi utilise-t-on un indice si imparfait?

Mais alors, pourquoi se servir du taux de chômage ? Pour répondre à cette question, il faut revenir aux années 1930. À ce moment, le gouvernement du Canada a obtenu que les provinces lui transfèrent le droit d’établir un système d’assurance chômage (une responsabilité qui relève des provinces et non du fédéral). Comme indice pour suivre la situation, on a alors « inventé » le taux de chômage.

Ce qui a dramatiquement changé depuis ce temps, c’est, qu’à l’époque, le nombre de chômeurs (les personnes qui se disaient prêtes à occuper un emploi, mais qui n’en avaient pas) était pratiquement le même que le nombre de personnes qui recevaient des prestations d’assurance chômage. Comme on le sait, au fil des ans, le gouvernement fédéral a considérablement réduit l’admissibilité à l’assurance chômage, au point où, aujourd’hui, à peine la moitié des chômeurs peuvent recevoir de l’assurance emploi (le nouveau nom de l’assurance chômage).

Ainsi, en décembre 2017, il y avait 8 400 « chô- meurs » dans la région, mais seulement 4 500 de ceux-ci pouvaient recevoir de l’assurance emploi, soit seulement 54 % des chômeurs. Le meilleur indice pour rendre compte de l’évolution de la santé du marché du travail n’est plus le taux de chômage, mais la variation du nombre d’emplois réels dans une économie.

Cette donnée est d’ailleurs connue de nos gouvernements, mais elle à tendance à diminuer beaucoup moins rapidement que le taux de chômage. Pas surprenant alors que nos amis politiciens tiennent tant à nous parler de la baisse remarquable du taux de chômage, un indice qui embellit grandement leur contribution à l’amélioration de notre situation économique!

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