Auteur

Roger Boivin

Depuis près de 20 ans, la Société du pont sur le Saguenay propose le remplacement des traversiers actuels Baie-Ste-Catherine/Tadoussac par la construction d’un pont à l’embouchure du Saguenay. Sur la Côte-Nord et dans Charlevoix, ce projet jouit d’un support assez fort. Chez nous, il est souvent présenté comme un compétiteur direct du projet de pont qui pourrait être construit pour soulager l’actuel pont Dubuc. Les promoteurs du ce deuxième ouvrage d’art à Chicoutimi estiment que, pour éviter la traverse de Tadoussac, une partie importante de la circulation entre Québec et la Côte-Nord emprunte le parc des Laurentides et donc traverse le pont Dubuc.

La Côte-Nord a peu d’impact sur le pont Dubuc

Validons donc cette hypothèse à l’aide des chiffres de circulation connus. Selon Transport Québec, le volume de circulation qui emprunte le pont Dubuc chaque jour est d’environ 46 000. De ce nombre, un maximum de 930 par jour est à destination ou en provenance de la Côte-Nord, puisqu’il s’agit du volume de circulation quotidien observé sur la route 172 entre Ste-Rose-Du-Nord et Sacré-Cœur. On peut estimer qu’environ 50 % de ces 930 véhicules par jour ont le Saguenay-Lac-St-Jean comme destination ou origine. Ceci nous permet de déduire que plus ou moins 460 véhicules par jour ne passeraient plus par Chicoutimi, si un nouveau pont était construit à l’embouchure du Saguenay. C’est moins de 1 % du trafic quotidien du pont Dubuc… Il est donc difficile de croire que la circulation de ou vers la Côte-Nord sera LE facteur de décision déterminant la construction d’un nouveau pont à Chicoutimi.

Impact des traversiers sur la faune marine

La circulation maritime à l’embouchure du Saguenay, incluant les projets industriels actuellement sous étude (BlackRock, Arianne et GNL), sera de l’ordre de 1 050 passages (525 navires) par an, alors que plus ou moins 10 000 autres passages (5 000 navires) empruntent annuellement le St-Laurent à la hauteur de Tadoussac et que 40 000 passages de traversiers annuels sont recensés à Tadoussac, pour un total d’environ 51 050 passages de grands navires par an. La réduction sonore, notamment pour les bélugas, résultant du retrait des 40 000 passages de traversiers par an (soit près de 80 % du trafic maritime de la zone) serait donc considérable.

Comportement routier à risque

Le pont de l’embouchure du Saguenay augmenterait aussi considérablement la sécurité sur cette section de la route 138, une zone où 30 % des accidents sont attribuables, selon Transport Québec, au «Syndrome de la traverse ». Ce «Syndrome » est la tendance (démontrée) des automobilistes à adopter des comportements routiers très agressifs et risqués pour ne pas rater ladite traverse. Le nouveau pont de l’embouchure du Saguenay serait une pièce maîtresse de la prolongation éventuelle de la route 138 vers Terre-Neuve, via un tunnel sous le détroit de Belle-Isle, un projet qui aura des impacts économiques majeurs sur le Saguenay-lac-St-Jean et sur la ville de Québec. La localisation optimale du pont à l’embouchure du Saguenay, qui est un secteur étroit, dit « La Boule», où traversent déjà les lignes électriques de la Manic. Des ponts suspendus semblables ont été érigés dans les fjords de Norvège. Un coût global (pont, approches et routes d’accès) de 550 millions de dollars canadiens a pu être extrapolé des récentes réalisations Norvégiennes. Finalement, n’oublions pas qu’un tel pont ultra-moderne deviendra lui-même un spectaculaire produit d’appel touristique.

Ériger un pont suspendu à l’embouchure du Saguenay est une idée qui, en plus d’un intérêt économique certain, prend une grande signification politique, notamment pour les citoyens de la Côte-Nord. Il y a bien sûr des supporteurs et des opposants, mais considérant que le Saguenay-Lac-St-Jean en retirera de nombreux avantages, notre région aurait tout intérêt à mieux connaître ce projet et à en appuyer plus activement la réalisation au bénéfice de tout le Québec.

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