SAGUENAY – Alors que plus de 200 projets d’infrastructures publiques couverts par le projet de loi 66 (PL66), Loi qui concerne l’accélération de certains projets d’infrastructure prendront leur envol cette année, l’Ordre des ingénieurs du Québec(OIQ) tient à ce que la qualité et l’intégrité soient au cœur du processus qui mènera à leurs réalisations.
La présidente de l’OIQ, Kathy Baig, se dit en faveur de l’accélération de ces projets de construction ou de réfection, pour lesquels les processus réglementaires seront assouplis, afin d’appuyer la relance économique. Quelque huit projets régionaux se trouvaient sur la liste originale du PL66, adopté en décembre. « Ce sont des projets dans des domaines où les ingénieurs sont présents. […] Ils vont contribuer à cette relance », affirme-t-elle.
Toutefois, elle appelle à la prudence afin que tous les ouvrages atteignent les standards de qualité attendus. « Pour atteindre ces standards, ça passe par l’expertise de nos ingénieurs. Il faut leur donner le cadre, le temps et les ressources pour qu’ils puissent mettre à profit cette expertise », indique-t-elle.
Surveiller les travaux
Mme Baig souligne l’importance de la phase de conception, puisqu’elle « a un très important impact à long terme sur le cycle de vie d’un ouvrage ». Du côté de la mise en œuvre, c’est l’importance de la surveillance des travaux, un enjeu auquel l’Ordre accorde une large place, que la présidente met de l’avant. En effet, la surveillance des travaux se rapportant à des ouvrages d’ingénierie est une activité réservée aux ingénieurs, mais celle-ci n’est pas obligatoire, ce qui fait que le degré de protection du public peut varier d’un chantier à l’autre.
« Nous souhaitons que le gouvernement rende la surveillance des travaux obligatoire. […] Actuellement, c’est à la discrétion du donneur d’ouvrage. Nous souhaitons que ce soit mieux balisé et encadré, qu’on établisse quel type de projet doit en avoir. […] Elle doit être modulée en fonction du risque et de la complexité de l’ouvrage », précise-t-elle.
Cette mesure permettrait à un ingénieur de la spécialité requise d’établir un plan de surveillance, de déterminer quels éléments et interventions sont les plus à risque, quand et comment faire les vérifications, etc., puis de faire le suivi tout au long du projet. Le tout se fait en collaboration avec les entrepreneurs et les autres parties prenantes sur le chantier et, à la fin, l’ingénieur peut attester de la qualité de l’ouvrage.
Selon l’Ordre des ingénieurs du Québec, en rendant la surveillance des travaux obligatoire, cela assure une amélioration de la qualité des travaux, offre aux donneurs d’ouvrage la garantie d’un livrable en phase avec leur demande initiale, accroît la sécurité de ces ouvrages pour le public et les travailleurs et contribue à une meilleure protection de l’environnement.
Préserver l’intégrité
Préserver l’intégrité est également au cœur des préoccupations de la présidente de l’OIQ et elle souhaite que des moyens soient mis en place dans le cadre de l’accélération des travaux d’infrastructures publiques pour éviter les erreurs du passé et minimiser les risques de collusion associés à la réalisation simultanée d’un grand nombre de projets.
Elle accueille ainsi favorablement l’octroi de pouvoirs additionnels à l’Autorité de marchés publics (AMP), mais aurait souhaité que ces pouvoirs soient applicables à l’ensemble du champ de compétences de l’AMP et non uniquement aux seuls projets visés par le PL66.
Kathy Baig évoque également la révision du mode d’adjudication des contrats pour délaisser la règle du plus bas soumissionnaire. « Ce n’est pas toujours la meilleure approche pour avoir la meilleure qualité pour les projets. On souhaite que le processus prenne en compte des critères de qualité et d’encadrement. (Il faut regarder le projet et, si on veut un ouvrage de qualité,se demander quelle est la meilleure façon de faire l’appel d’offres. Dans certains contextes, la règle du plus bas soumissionnaire peut être la bonne façon. Mais il faut exercer un jugement », note-t-elle.
La présidente croit également qu’il est essentiel de protéger adéquatement les lanceurs d’alerte. L’Ordre a d’ailleurs créé plusieurs outils pour encadrer ces lanceurs d’alerte et leur offrir des protections. Notamment, il propose la ligne 1 877 ÉTHIQUE, un service téléphonique confidentiel, à ses membres qui souhaitent signaler des situations qui leur semblent s’éloigner des bonnes pratiques en matière d’éthique et de déontologie.
Développement durable
Le développement durable est aussi dans les priorités de l’OIQ et s’inscrit dans son nouveau plan stratégique. Dans une lettre ouverte publiée dans le journal Le Devoir en septembre, sa présidente évoquait notamment la prise d’actions concrètes, l’établissement de cibles à atteindre et un suivi rigoureux des résultats.
« On pense que les ingénieurs font partie de la solution. […] Nous pensons que nous pouvons jouer un rôle clé. L’amélioration continue, la collaboration, ce sont des choses qui vont être mises à l’avant-plan pour les prochaines années », mentionne Kathy Baig. L’Ordre souhaite contribuer à faire du développement durable une priorité notamment par ses prises de position, mais également en développant des outils et des formations pour les ingénieurs sur ce sujet.
Une loi de 50 ans dépoussiérée
La Loi sur les ingénieurs, qui datait de 1964, a été modernisée cet automne, ce qui entraîne plusieurs changements. Le champ de pratique est ainsi défini plus largement et ne se résume plus à une liste d’activités et d’ouvrages. Quelques éléments s’ajoutent à la liste des activités réservées, les ouvrages auxquels s’appliquent celles-ci sont définis de façon plus englobante et les pouvoirs de l’ordre pour lutter contre la pratique illégale sont élargis. « Les secteurs dans lesquels les ingénieurs vont œuvrer ont été mis au goût du jour pour refléter les nouveaux génies, comme biomédical, informatique, etc. C’est vraiment une avancée pour nous. Il y a eu une harmonisation au niveau des règles et les actes réservés ont évolué aussi », explique Mme Baig.
Cette Loi modernisée ayant été rédigée différemment, de façon plus conceptuelle, il s’agit pour l’OIQ de s’assurer que ses membres, mais aussi les partenaires, tels que les entrepreneurs généraux et municipalités, puissent bien la comprendre, puisque certains aspects peuvent les toucher. « Nous sommes à former et sensibiliser les gens pour lesquels cela peut avoir un impact. Nous mettons en place des outils, des brochures, une formation pour nos membres », indique la présidente.