OTTAWA, le 19 mars 2019 /CNW Telbec/ - En général, les différents intervenants économiques accueillent favorablement certaines mesures touchant par exemple la main-d'œuvre, l'aide aux municipalités pour les infrastructures, l'amélioration des crédits pour la recherche et développement ainsi que le coup de pouce aux infrastructures numériques. Plusieurs considèrent toutefois que l'amélioration de la productivité ainsi que la compétitivité des entreprises a été plutôt laissée de côté.

« En cette dernière année de son mandat, le gouvernement a choisi de déposer un budget qui contient des mesures pouvant être appréciées par certaines clientèles, mais qui engendre plusieurs nouvelles dépenses. Par ailleurs, nous craignons que le manque de mesures concrètes permettant de favoriser un climat d'affaires compétitif et la promesse brisée du retour à l'équilibre budgétaire empêchera de poser les bases d'une économie solide pouvant résister aux chocs », a déclaré, d'entrée de jeu, Norma Kozhaya, économiste en chef et vice-présidente à la recherche du Conseil du patronat du Québec (CPQ).

Bien que ce budget comporte des éléments favorables aux entreprises, Raymond Chabot Grant Thornton aurait cependant souhaité des mesures plus énergiques pour stimuler leur croissance. « Dans un contexte où nos moteurs économiques doivent désormais composer avec un environnement d'affaires très compétitif et où le défi de la pénurie de la main-d'œuvre est omniprésent, il aurait été approprié, notamment, de réduire significativement l'impôt des sociétés, voire de l'éliminer sur une partie de leurs revenus, comme nous le recommandons depuis quelques années. D'ailleurs, l'avantage fiscal dont bénéficiaient les sociétés canadiennes par rapport aux États-Unis est révolu et cela pourrait miner considérablement le développement économique du Canada », a indiqué le président et chef de la direction, Emilio B. Imbriglio.

La firme reste convaincue que les crédits demeurent l'outil de financement le mieux adapté. « C'est pourquoi nous croyons qu'il aurait fallu que le principal programme d'innovation au pays, soit le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS et DE) soit davantage bonifié. De même, l'instauration d'un crédit d'impôt à l'innovation permettrait aux PME qui ne font pas de recherche et de développement d'augmenter leurs investissements en matière de technologies et de poursuivre leur croissance », a ajouté l'associé en fiscalité, Pascal Perreault.

« Les initiatives présentes comme l'allocation de soutien à la formation, les investissements dans Internet haute vitesse et l'appui aux entreprises innovantes seront utiles aux entreprises de toutes les régions du Québec », croit Stéphane Forget, président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). « Il faut cependant des moyens plus importants et un déploiement plus rapide pour assurer la compétitivité des entreprises et la capacité des employés de répondre aux exigences du marché du travail actuel et futur. »

Du côté de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), on juge que les mesures compensatoires annoncées dans le budget sont insuffisantes par rapport aux enjeux qui toucheront les PME, comme des hausses de cotisations au régime de pension du Canada (et du Québec) au cours des sept prochaines années, une nouvelle taxe sur le carbone dans plusieurs provinces ou encore une hausse d'impôt dans les entreprises familiales. 

    Main-d'oeuvre

    Le CPQ accueille de façon positive les mesures permettant de cibler certains freins à l'intégration et à la rétention des travailleurs. Il souligne notamment les incitatifs pour des travailleurs expérimentés, l'élargissement des stages ainsi que l'Allocation canadienne pour la formation, qui permettra d'octroyer aux travailleurs un crédit d'impôt applicable à la formation. Des modifications au régime d'assurance-emploi permettront aussi d'obtenir un congé partiellement rémunéré pour suivre une formation. Le CPQ aurait toutefois souhaité que des crédits de cotisation à l'assurance-emploi soient offerts à tous les employeurs.

    Selon la FCCQ, le gouvernement a compris l'importance d'investir en formation, mais ce qui est proposé dans le budget déposé par le ministre Bill Morneau est nettement insuffisant et sa mise en place progressive ne permettra probablement pas de faire face aux défis urgents du marché du travail.

    La FCEI se dit quant à elle préoccupée par cette nouvelle Allocation canadienne pour la formation, même si elle est favorable à l'idée de répondre aux besoins de qualification et à la pénurie de main-d'œuvre. Ce nouveau programme, financé à même le fonds d'assurance-emploi et dont le coût moyen annuel avoisinera à terme les 300 millions de dollars, ne semble pas offrir, selon elle, de garanties que les formations seront en lien avec les besoins liés à l'emploi occupé par les travailleurs admissibles, et ce, même si les employeurs seront tenus de garantir l'emploi des employés qui s'absenteront du travail pour suivre une formation.

    « Nous sommes heureux que le gouvernement ait prévu une certaine forme de compensation pour les PME pour couvrir les coûts du financement de ce programme. Nous souhaitons vivement que le gouvernement fédéral et et les provinces tiennent des consultations avant de définir les modalités du programme notamment celles liées aux types de formation qui seront admissibles et au maintien des emplois  », a indiqué Martine Hébert (M. Sc. écon.), vice-présidente principale et porte-parole nationale de la FCEI.

    Des mesures intéressantes pour les PME
    En plus du rabais de cotisation à l'assurance-emploi pour compenser les coûts de l'Allocation canadienne pour la formation, le budget du gouvernement fédéral comporte certaines initiatives qui répondent aux demandes de la FCEI, soit la modernisation de la réglementation dans plusieurs secteurs (p. ex. alimentation, transport, etc.) et la création d’un comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire; un allègement fiscal pour les entreprises du secteur de l’agriculture et des pêches relativement à la vente de produits agricoles et de prise de la pêche à des sociétés sans lien de dépendance. Autrement dit, dorénavant, ces entreprises conserveront la déduction pour petite entreprise (taux réduit d’imposition ou taux PME), peu importe les clients à qui elles vendent leurs produits; des consultations afin de modifier les normes fiscales entourant le transfert des entreprises familiales qui sont actuellement plus avantageuses lorsque l'entreprise est vendue à un étranger; des améliorations au processus et au fonctionnement des recours en matière d'assurance-emploi, de RPC et de SV au sein du Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

    Infrastructures

    Le CPQ souligne l'enveloppe de 2,2 milliards $ qui donnera de l'oxygène aux municipalités dans le cadre de projets d'infrastructure ciblés, comme des projets favorisant le transport en commun. La Fédération québécoise des municipalités (FQM) salue quant à elle les investissements de 5 à 6 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années dans le Budget 2019 du ministre fédéral des Finances, M. Bill Morneau, afin de brancher 95 % des ménages et entreprises à Internet haute vitesse d'ici 2026, et la totalité d'ici 2030, peu importe où ils se trouvent au pays.

    La FCCQ demande également au gouvernement fédéral de collaborer avec le gouvernement du Québec pour le déploiement des réseaux numériques dans les zones moins bien desservies, ainsi que dans l'administration et la coordination des programmes afin d'éviter les dédoublements.

    Agriculture

    Depuis l'Accord économique et commercial global (AECG) avec l'Union européenne, conclu en octobre 2013, Les Producteurs de lait du Québec considère que les producteurs laitiers ont servi de monnaie d'échange dans deux autres accords commerciaux, soit le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) en janvier 2018 et l'ACEUM en octobre de la même année. Au total, c'est l'équivalent de 8,4 % de la production canadienne qui a été cédé par le Canada dans ces ententes. Ces concessions représentent des pertes de ventes d'une valeur de 450 millions de dollars par année, à perpétuité. « Dans ce contexte, il est clair que malgré les sommes annoncées, les producteurs auront quand même à assumer une part des effets à long terme des concessions », a ajouté Bruno Letendre.

    « Nous accueillons favorablement l'annonce du gouvernement fédéral qui va dans le sens de son engagement à indemniser le secteur laitier pour les impacts négatifs des deux accords », a déclaré Bruno Letendre, président des Producteurs de lait du Québec. « Par ailleurs, nous comprenons très bien que l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) n'a pas encore été ratifié, mais nous nous attendons à ce que le gouvernement soit aussi au rendez-vous lorsque cela sera fait », a-t-il ajouté. 

    L'Union des producteurs agricoles (UPA) affirme quant à elle que les mesures à l'intention du secteur agricole dans le budget fédéral 2019-2020 sont insuffisantes. « Les budgets fédéraux consacrés au secteur agricole ont diminué de moitié ces quinze dernières années. Pendant ce temps, le gouvernement canadien multiplie les ententes internationales et cède des parts toujours plus importantes de nos marchés. Cette situation précarise les agriculteurs québécois et canadiens », a déclaré le président général de l'UPA, Marcel Groleau.

    Fiscalité

    Le CPQ déplore que, en dehors de certaines mesures destinées à appuyer l'innovation, la recherche et le développement, le budget ne contienne pas d'initiatives soutenues visant à améliorer la compétitivité du régime fiscal des entreprises. Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur pour les entreprises canadiennes qui font face à la concurrence et à l'agressivité fiscale américaine. RCGT lui fait écho. La fiscalité canadienne n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi depuis 1971. « La fiscalité de la famille n'est d'ailleurs plus du tout adaptée à la réalité des familles actuelles, comme nous l'avons démontré dans une récente étude en collaboration avec l'ESG-UQAM », a tenu à préciser l'associé en fiscalité, Luc Lacombe.

    Puisque le fardeau fiscal des entreprises demeure très élevé, que le Canada a perdu l'avantage dont il bénéficiait au chapitre de l'impôt des sociétés depuis que les États-Unis et d'autres pays ont réduit leur impôt des sociétés et amélioré leur compétitivité fiscale, et qu'un faible taux d'imposition des sociétés permet d'attirer de nouveaux investissements et de créer des emplois, Raymond Chabot Grant Thornton réitère au gouvernement fédéral la nécessité de procéder à un examen et à une révision du système fiscal canadien.

    Équilibre budgétaire

    La FCEI et le CPQ se préoccupent également du fait que le budget ne prévoit pas de retour à l'équilibre budgétaire. Ils considèrent que le gouvernement n'a pas profité de l'embellie économique des dernières années pour assainir ses finances publiques. « Même si le niveau de déficit n'est pas catastrophique par rapport au PIB, le gouvernement aurait pu faire des réserves durant la période qui était propice, comme la fourmi dans la fable, afin de bâtir une économie résistante aux chocs. Donc la question qui se pose : aurons-nous des réserves lorsque la bise sera venue? » estime Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du CPQ.