QUÉBEC - Selon les experts de Desjardins, le budget de 2018 confirme une fois de plus la bonne situation financière du gouvernement du Québec. Selon les projections du ministère des Finances, l’exercice budgétaire qui se terminera le 31 mars prochain se soldera par un surplus de 850 M$. Cette somme s’ajoutera aux surplus de 2 191 M$ de l’exercice 2015-2016 et de 2 361 M$ de l’exercice 2016-2017 et sera allouée à la réserve de stabilisation qui totalisera 5 402 M$ au 31 mars 2018.

Cette performance s’explique, en grande partie, par une croissance significative des revenus budgétaires. Les revenus autonomes ont profité des bonnes conditions économiques avec des revenus élevés découlant de l’impôt sur le revenu et des taxes à la consommation. Cela dit, les revenus provenant des transferts fédéraux ont aussi fortement augmenté au cours des exercices 2016-2017 et 2017-2018. Ces hausses s’expliquent essentiellement par une réalisation plus importante que prévu des projets municipaux financés par la Société de financement des infrastructures locales du Québec, par une augmentation des revenus provenant du programme fédéral des accords d’aide financière en cas de catastrophe en lien avec les inondations printanières de 2017 ainsi que par une plus forte progression des transferts pour la santé. Un retour à la normale est toutefois prévu pour les prochains exercices avec un ralentissement de la croissance des transferts fédéraux. L’ensemble des revenus budgétaires devrait néanmoins connaître une croissance annuelle moyenne de 2,9 % entre 2018-2019 et 2022-2023.

Du côté des dépenses de programmes, le gouvernement du Québec appuie sur l’accélérateur. Après une croissance annuelle moyenne de 1,8 % entre les exercices 2014-2015 et 2016-2017, la hausse des dépenses de programmes devrait s’accélérer à 6,5 % en 2017-2018 et à 4,7 % en 2018-2019. Une croissance plus faible est prévue par la suite avec une progression annuelle moyenne de 2,7 % pour les exercices de 2019-2020 à 2022-2023.

Au bout du compte, le niveau des revenus budgétaires demeurera supérieur à celui des dépenses budgétaires au cours des prochains exercices. De 2017-2018 à 2022-2023, le total du surplus d’opération du gouvernement du Québec s’élèvera à près de 15 G$. Cette somme provient toutefois de revenus qui sont en réalité alloués au Fonds des générations. Une fois les versements au Fonds des générations comptabilisés, le solde du gouvernement du Québec au sens de la Loi devrait non seulement revenir à zéro, mais il pourrait même afficher un léger manque à gagner à compter de 2018-2019. Ce dernier sera comblé par les sommes disponibles au sein de la réserve de stabilisation. Le solde budgétaire au sens de la Loi après l’utilisation de la réserve demeurera donc à zéro pour l’ensemble de l’horizon de prévision du ministère des Finances.

Les sommes prélevées à la réserve de stabilisation devraient s’élever à 3,0 G$ d’ici 2020-2021. Le solde de la réserve pourrait ainsi passer de 5,4 G$ au 31 mars 2018 à 2,4 G$ au 31 mars 2021. Le gouvernement du Québec prévoit maintenir une somme de 2,4 G$ dans la réserve de stabilisation au cours des exercices subséquents. Conjointement avec les provisions pour éventualités de 100 M$ à compter de 2019-2020, la réserve de stabilisation procurera au ministère des Finances des munitions pour faire face à d’éventuelles mauvaises surprises, comme un ralentissement imprévu de la croissance économique, et ce, sans compromettre son objectif de budgets équilibrés.

Un changement de cap pour le Fonds des générations

Tel qu’annoncé au cours des derniers jours, le budget de 2018 confirme un changement de stratégie du gouvernement du Québec concernant le Fonds des générations. À compter de 2018-2019 et pour les quatre exercices suivants, le ministère des Finances compte retirer 2 G$ par année du Fonds des générations pour rembourser des emprunts venant à échéance sur les marchés financiers. La Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations prévoit déjà la possibilité de prendre toute somme au sein du Fonds des générations pour rembourser la dette. Par contre, le gouvernement du Québec continuera de déposer chaque année des revenus dédiés dans le Fonds des générations de sorte que la valeur comptable du Fonds continuera d’augmenter au cours des prochains exercices. Elle pourrait ainsi passer de 12,8 G$ au 31 mars 2018 à 17,8 G$ au 31 mars 2023.

Cette nouvelle façon de faire constitue une bonne manière de réduire l’exposition du gouvernement du Québec aux aléas des marchés financiers. Rappelons que l’idée derrière la création du Fonds des générations était d’entraîner un effet de levier pour le gouvernement du Québec par le biais d’un taux de rendement supérieur au taux d’intérêt moyen de ses emprunts. Cela fut d’ailleurs le cas la plupart du temps, mais d’importants soubresauts sont néanmoins survenus au cours des dernières années. Rappelons que le taux de rendement du Fonds des générations a été de -22,4 % en 2008 lors de la crise financière. Or, sans retrait annuel, les sommes accumulées au cours des prochains exercices dans le Fonds des générations seraient devenues très importantes. Dans ces conditions, il est prudent de la part du gouvernement du Québec de rembourser graduellement sa dette à même les sommes disponibles au sein du Fonds. Cela entraînera aussi des économies sur les frais de la dette, qui pourrait totaliser près de 1 G$ d’ici 2022-2023. La dette brute continuera néanmoins d’augmenter au cours des prochains exercices. D’une part, le Fonds des générations est déjà soustrait de cette mesure. D’autre part, les besoins de financement du gouvernement découlant notamment du financement des infrastructures gonfleront la dette brute. Son ratio par rapport au PIB pourrait toutefois continuer à diminuer au cours des prochains exercices et passer de 51,5 % au 31 mars 2017 à 45,0 % au 31 mars 2023.

La forte croissance économique augmente la marge de manœuvre

Le gouvernement du Québec disposait d’une bonne marge de manœuvre financière dans l’élaboration de son budget de 2018 puisque les conditions économiques se sont considérablement améliorées depuis un an. Le marché du travail se porte bien et le taux de chômage continue d’évoluer près de son creux historique. Étant donné que les gains d’emplois exceptionnels de 2017 feront place à une augmentation plus modérée et que la remontée des taux d’intérêt se poursuivra, les dépenses des ménages devraient croître moins rapidement dès cette année. Nos plus récentes prévisions tablent ainsi sur une hausse du PIB réel du Québec de 2,2 % en 2018 et de 1,9 % en 2019, comparativement à 3,1 % l’an dernier. Ces projections du PIB réel sont similaires à celles du gouvernement du Québec. L’économie québécoise pourrait cependant profiter d’un contexte plus favorable aux États-Unis que celui prévu dans le budget, ce qui entraînerait une croissance économique supérieure.

Toutefois, les prévisions du PIB nominal diffèrent significativement puisque les chiffres divulgués ce matin par l’Institut de la statistique du Québec pour l’année 2017 se sont avérés nettement plus élevés que prévu. La progression du PIB nominal a atteint 5,3 % l’an dernier, soit environ un point de pourcentage de plus qu’anticipé. Nos prévisions ont, par conséquent, été révisées à la hausse : le PIB nominal devrait croître d’environ 4,5 % cette année et l’an prochain, soit un rythme supérieur à nos prévisions précédentes et à celles du ministère des Finances. Cela pourrait procurer une marge de manœuvre additionnelle pour les finances publiques puisqu’une variation d’un point de pourcentage du PIB nominal rehausse les revenus autonomes de 650 M$ selon le gouvernement du Québec. Dans le contexte d’incertitude associé aux négociations commerciales avec les États-Unis, la prudence s’impose. Les principaux risques à la baisse qui planent sur les perspectives économiques de la province sont l’avenir de l’ALENA et l’évolution du commerce entre le Québec et les États-Unis ainsi qu’un ralentissement plus prononcé que prévu du marché de l’habitation au Canada.

Le gouvernement du Québec ouvre les vannes

Comme en témoigne la forte croissance des dépenses de programmes, le budget de 2018 comporte plusieurs nouvelles mesures, qui totaliseront près de 16 G$ au cours des cinq prochains exercices. Les services publics, principalement l’éducation et la santé, recevront un financement additionnel de 8,0 G$. Un soutien supplémentaire de 2,7 G$ sera octroyé aux Québécois tandis que le développement de l’économie du Québec recevra une enveloppe de 5,4 G$. Plusieurs nouvelles mesures sont donc présentes dans le budget de 600 pages déposé aujourd’hui et il est très difficile d’en faire un tour d’horizon détaillé dans le cadre de cette analyse. Voici néanmoins les principales initiatives ayant retenu notre attention :

Le budget de 2018 prévoit des investissements additionnels en éducation et en enseignement supérieur de plus de 1,6 G$ d’ici 2022-2023. Des investissements additionnels en santé et services sociaux de 5,4 G$ d’ici 2022-2023 sont annoncés. Une réduction supplémentaire du fardeau fiscal des PME de près de 2,2 G$ sur cinq ans est proposée. Avec les initiatives proposées dans le budget de 2018, les Québécois pourront voir leur niveau de vie augmenter grâce à une aide fiscale additionnelle de plus de 800 M$ sur cinq ans. Près de 230 M$ seront consacrés pour inciter davantage au travail et pour augmenter le niveau de vie des travailleurs. En outre, le gouvernement bonifie le crédit d’impôt pour les travailleurs d’expérience en rendant les travailleurs de 61 ans admissibles au crédit et en augmentant les revenus de travail admissibles. Le gouvernement améliore aussi le bouclier fiscal, en couvrant une plus grande hausse de revenus de travail. Pour améliorer le soutien aux familles et aux collectivités, le gouvernement du Québec prévoit des investissements de près de 2,3 G$. 

Le budget de 2018 prévoit des mesures additionnelles représentant plus de 1 G$ pour soutenir différents secteurs d’activité dans leur transformation numérique. Le ministère des Finances prévoit des investissements de près de 662 M$ pour :

• Mettre en œuvre des initiatives en faveur de la transition énergétique;

• Protéger les écosystèmes et assurer un développement durable des territoires;

• Améliorer la gestion de l’eau et atténuer les risques liés aux inondations.

Le gouvernement présentera au cours des prochaines semaines la Stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023. Celle-ci s’appuiera notamment sur des investissements additionnels de 810 M$ prévus dans le budget de 2018. Le gouvernement rend également public, par le biais de la Stratégie de gestion des dépenses 2018-2019, un deuxième cycle de révision des programmes afin d’instaurer une véritable culture de révision et d’amélioration continue des programmes dans l’administration publique. Ce deuxième cycle comprendra de nouveaux projets d’innovation et d’optimisation, dont l’objectif est d’améliorer la qualité des services offerts aux citoyens, aux familles et aux entreprises.  L’amélioration de la situation financière permet de hausser les investissements du Plan québécois des infrastructures (PQI) 2018-2028 à un niveau historique. Les investissements du PQI 2018-2028 sont établis à 100,4 G$, ce qui représente un relèvement de 9,3 G$ par rapport au PQI 2017-2027. Avec ce rehaussement, ce sont plus de 10 G$ en moyenne par année d’ici 2028 qui seront investis par le gouvernement dans les infrastructures du Québec.

Des services publics mieux financés tout en remboursant la dette

L’accélération des dépenses gouvernementales présentée dans le budget de 2018 détonne de la progression plus modeste des dernières années. Certains y verront un lien avec la prochaine tenue des élections à l’automne 2018. Cela dit, force est de constater que le gouvernement du Québec disposait d’une bonne marge de manœuvre alors que l’amélioration des conditions économiques s’est traduite par une progression plus rapide des revenus budgétaires. Le gouvernement du Québec a donc choisi de mettre à profit cette marge de manœuvre pour combler des besoins importants, notamment en santé et en éducation. Malgré l’accroissement des dépenses, le cadre financier du gouvernement est respecté alors qu’un équilibre budgétaire est projeté pour tous les exercices de l’horizon de projection. De plus, le gouvernement du Québec a choisi d’utiliser en partie les sommes disponibles dans le Fonds des générations entamant ainsi une phase de remboursement de la dette publique. Bref, le budget de 2018 a tout pour plaire à une très grande majorité des agents économiques et aux marchés financiers.