QUÉBEC - Le Canada a récemment signé le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), un accord de libre-échange avec dix autres pays représentant 13,4 % du PIB mondial, dont sept d’entre eux représenteraient de nouvelles ententes. Dans son Point de vue économique du 16 mars, Desjardins tente de présenter l’accord et ses implications pour l’économie canadienne. Quoique les bénéfices soient relativement petits pour l’ensemble de l’économie, certains secteurs pourraient être gagnants, tandis que d’autres pourraient être plus désavantagés.
À l’origine, le PTPGP1 , anciennement dénommé Partenariat transpacifique (PTP), n’incluait que la Nouvelle‑Zélande, le Chili, Singapour et le Brunei. Toutefois, après l’entente conclue en 2005, les États-Unis et les autres pays ont manifesté leur intérêt et s’y sont joints graduellement. Les 12 pays ont réussi à signer une entente le 4 février 2016 à Auckland. Cependant, les États-Unis ont retiré leur adhésion au lendemain des dernières élections présidentielles. Les 11 membres restants ont par la suite relancé les négociations au cours des derniers mois pour finalement conclure une entente le 23 janvier 2018 et la signer le 8 mars.
Le partenariat vise entre autres à solidifier les liens économiques entre les membres en réduisant les barrières commerciales et à favoriser les investissements entre eux. Le texte de l’accord est essentiellement demeuré le même que celui qui avait été adopté en 2016, excepté des clauses en moins sur les chapitres de la propriété intellectuelle et du mécanisme de règlement des disputes. Les parties ont également convenu de la possibilité d’élargir l’accord dans le cas où d’autres pays désireraient s’y joindre. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont entre autres récemment manifesté un possible intérêt à y adhérer. Sur un plan indirect, le PTPGP serait aussi un moyen pour les pays membres de contrebalancer la puissance économique de la Chine sur le continent asiatique. L’accord permettrait aux membres d’augmenter leur influence et leur pouvoir de négociation dans la région, puisque leurs liens politiques et économiques s’en retrouveront renforcés.
Un accord de grande envergure
Maintenant que l’accord est signé, il n’entrera en vigueur que lorsqu’au moins six des pays l’auront ratifié, un processus qui pourrait prendre encore plusieurs mois. Une fois que les 11 membres l’auront ratifiée, l’entente sera composée d’environ 6,7 % de la population et 13,4 % du PIB dans le monde. En termes de production, le Canada y est la deuxième plus grande économie après le Japon. Le Brunei, Singapour, la Nouvelle‑Zélande, l’Australie, la Malaisie, le Vietnam et le Japon représentent de nouvelles ententes commerciales pour le Canada et offrent les plus grands gains potentiels, surtout les quatre derniers. En ce qui concerne les trois autres pays du PTPGP, le Canada avait déjà établi des accords de libre-échange avec eux auparavant, dont l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec le Mexique (1994) et les accords de libre-échange avec le Chili (1997) et le Pérou (2009). Globalement, les échanges entre le Canada et la zone du PTPGP sont relativement petits. Seulement 5 % des exportations de biens et services du Canada et 11 % de ses importations se faisaient avec les pays du PTPGP en 2016, ce qui représentait 31,5 G$ et 73,5 G$ respectivement. La principale destination de ces exportations était le Japon, qui est présentement la quatrième plus grande économie au monde, selon la parité de pouvoir d’achat.
Au total, le PTPGP formerait néanmoins le troisième partenaire d’échange commercial le plus important pour le Canada, derrière l’ALENA et l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne. Les échanges commerciaux entre le Canada et les membres du PTPGP se composaient principalement de produits agricoles pour les exportations canadiennes et d’automobiles, d’équipements électriques ou électroniques pour les importations.
L’accord vise à réduire les barrières non tarifaires et à éliminer 95 % des tarifs entre les pays, dont environ 90 % dès son entrée en vigueur. De plus, il aborde les questions des règlements de disputes, de la propriété intellectuelle, de l’accès aux marchés et entreprises publics, du commerce numérique ainsi que des normes de travail et environnementales. Il est à noter toutefois que le Canada a déjà des accords de libreéchange avec le Mexique, le Chili et le Pérou. Par conséquent, les taux douaniers entre ces pays étaient déjà nuls avant le PTPGP. De plus, Singapour n’impose aucun tarif à tous ses partenaires commerciaux. Donc, le Canada n’obtient aucune réduction supplémentaire de tarif avec ces pays. Certains gains sont toutefois possibles avec une plus grande libéralisation des investissements et l’inclusion de chapitres sur différentes normes.
Des gains qui en vaudraient le coût
Le gouvernement du Canada estime que le PTPGP serait généralement bénéfique pour l’économie canadienne. Selon ses estimations, le nouvel accord augmenterait le PIB canadien de 4,2 G$ d’ici 20402 . A priori, ce résultat n’est pas très important. Cela représenterait près de 0,2 % du PIB en 2016 ou 191 M$ par année. Quoique petits, ces gains constitueraient tout de même un impact positif net et n’incluent pas certains facteurs difficiles à évaluer qui pourraient augmenter les bénéfices. De plus, cette même étude d’Affaires mondiales Canada estime que l’impact économique de l’accord sans l’inclusion des États-Unis est davantage favorable pour le Canada. Il lui procurerait un avantage compétitif dans les pays du PTPGP par rapport aux entreprises américaines tout en conservant le même niveau de compétition pour les entreprises canadiennes aux États‑Unis (tableau 1 à la page 3). Ce nouvel accord constitue aussi une opportunité pour le Canada de diversifier davantage son commerce international. Une bonne chose étant donné la prédominance des États-Unis dans ses relations commerciales dans un contexte où la remontée du protectionnisme américain a récemment amené plus d’incertitude sur les marchés canadiens.
Plus spécifiquement, les principaux bénéfices découleraient de l’abolition des tarifs pour les entreprises canadiennes exportant des biens et services au sein des pays du PTPGP. Selon l’étude du gouvernement du Canada mentionnée plus haut, celles-ci éviteraient des tarifs estimés à 426 M$ par année, surtout au Japon, en Malaisie et au Vietnam, où les taux douaniers sont relativement élevés. Les produits canadiens profiteraient donc d’une position avantageuse dans ces marchés. Si le Canada figurait parmi les six premiers membres de l’accord à le ratifier, il pourrait accéder à ces marchés dès l’entrée en vigueur du PTPGP et ainsi accaparer une plus grande part de marché que les pays encore en processus de ratification. De plus, certaines compagnies pourraient aussi vouloir se relocaliser dans la zone du PTPGP afin de profiter des taux préférentiels de l’accord.
Toutefois, le Canada pourrait perdre des parts de marché dans les pays avec lesquels il a déjà des accords de libre-échange établis, puisque les autres membres du partenariat pourront dorénavant bénéficier des mêmes taux préférentiels. Ainsi, le Mexique, le Chili et le Pérou pourraient substituer certaines de leurs importations canadiennes en faveur de biens et servicesprovenant des autres pays du PTPGP. Les estimations du gouvernement canadien montrent toutefois que la somme des exportations canadiennes au sein de la zone de l’accord devrait augmenter. À l’opposé, l’élimination des tarifs canadiens devrait entraîner une augmentation des importations en provenance des pays du PTPGP. Cette hausse pourrait être en partie compensée par une diminution des importations provenant du reste du monde et des pays avec lesquels un accord existe déjà, notamment avec les États‑Unis et le Mexique. Ceci implique que certains producteurs domestiques pourraient perdre une partie de leurs parts de marché au Canada dans les secteurs moins compétitifs.
Agriculture et foresterie Les produits agricoles et agroalimentaires canadiens à destination du Japon, du Vietnam et de la Malaisie recevraient les plus grandes réductions de tarifs. Ces trois pays représenteraient particulièrement une opportunité pour les exportateurs canadiens de viandes et de poissons. Les marchés japonais, vietnamien et malaisien sont encore relativement fermés pour ces produits et ils en sont de grands consommateurs. Le Japon, le Vietnam et la Malaisie composaient 34 % des exportations canadiennes de porc pour lesquelles ils imposaient un tarif moyen de 12,9 %. Les exportations canadiennes de bœuf, quant à elles, font présentement face à des tarifs moyens de 38,5 % au Japon et de 19,7 % au Vietnam. Étant donné que ces deux pays représentent 4,8 % des exportations canadiennes de bœuf en 2017 et que leur consommation a augmenté de 3,7 % et 4,5 % respectivement en 2017, l’accord offre un avantage attrayant pour les producteurs canadiens. Le Japon et le Vietnam imposent également les tarifs les plus élevés sur le poisson et les fruits de mer parmi les pays du PTPGP, soit 5,3 % et 13,8 % respectivement, et ils représentaient 7,8 % des exportations canadiennes en 2017.
Les exportations de bois pourraient aussi profiter du PTPGP. Les sept membres du partenariat formant de nouveaux accords de libre-échange avec le Canada taxent les produits canadiens de bois à 4,3 % en moyenne. Ils représentaient 6,9 % des exportations canadiennes, le Japon étant le principal consommateur.
Les céréales représentent la cinquième exportation la plus importante vers les membres du PTPGP, alors que le Japon, le Vietnam et la Malaisie imposent en moyenne un tarif de 5,2 % sur les produits canadiens. Toutefois, le Canada taxe cette catégorie à 14,1 % et l’élimination de ce tarif risque de faire augmenter les importations provenant de grands producteurs. Le secteur des produits laitiers quant à lui pourrait être le plus sévèrement touché, alors qu’ils feraient face à plus de compétition. Ce secteur, sous le mécanisme de la gestion de l’offre au Canada, est plutôt protégé des importations étrangères. Toutefois, sous le PTPGP, les membres recevront des quotas leur donnant accès à 3,25 % du marché canadien et pour lesquels aucun tarif douanier ne leur sera imposé.
Automobile
Une règle d’origine a été incluse dans l’accord pour les produits automobiles et requiert un contenu d’au moins 45 % provenant de la zone du PTPGP pour être exempté de tarifs. Puisque les États-Unis sont exclus de l’entente, le Canada ne peut satisfaire ce ratio compte tenu de la grande intégration de l’industrie de l’automobile en Amérique du Nord. Toutefois, des lettres d’accompagnement obtenues avec l’Australie et la Malaisie permettraient au Canada d’incorporer un contenu plus faible de 40 %. De plus, l’importation d’automobiles assemblées provenant des États‑Unis et du Mexique serait en partie substituée par les automobiles japonaises pour lesquelles le Canada impose un tarif moyen de 4,4 %.
Textile
Des économies pour les consommateurs canadiens seraient possibles avec l’élimination des tarifs sur les textiles et vêtements provenant des pays du PTPGP. Le Canada se procure 9,4 % de ses importations de textiles et de vêtements au Vietnam et impose un tarif douanier moyen de 15,2 % sur celles-ci. Toutefois, une règle d’origine requiert que les fils inclus dans les produits de textiles proviennent aussi de la région du PTPGP pour bénéficier de l’exemption de tarifs. Il est donc possible que des pays comme le Vietnam soient incapables de satisfaire cette règle, ce qui minimiserait l’impact de l’accord sur les prix à l’importation de ces produits.
Services et autres
Outre l’élimination de tarifs, l’accord réduit les barrières non tarifaires sur les services et les investissements. Même si le Canada est un importateur net de services de la région du PTPGP, ses exportations pourraient quand même en bénéficier. En 2016, les échanges de services avec les pays de l’accord représentaient 6,1 % des exportations canadiennes de services et 6,9 % des importations. De plus, l’entente devrait diminuer l’incertitude entourant les relations commerciales entre ces pays, puisque celles-ci seront mieux structurées et munies d’un mécanisme de règlement des disputes supplémentaire à celui de l’Organisation mondiale du commerce. Un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États sera mis en place. Quoique plus restreint que dans l’accord initial, il devrait accroître la confiance et favoriser les investissements directs étrangers. Ces derniers sont d’ailleurs assez importants entre les membres du PTPGP, alors qu’ils totalisaient 122,2 G$ en 2016, soit 6,5 % des investissements directs bilatéraux au Canada. En 2016, près de 7,8 % des investissements directs canadiens étaient dans les pays du PTPGP et le Japon était le sixième investisseur le plus important au Canada. Les entreprises et investisseurs canadiens pourraient bénéficier d’une plus grande libéralisation des investissements, surtout dans des pays avec une forte croissance comme le Vietnam et la Malaisie. L’accord encouragerait également les pays membres à investir au Canada. Globalement, le consommateur devrait en ressortir gagnant. L’abolition des tarifs douaniers devrait se traduire par une réduction des prix canadiens des biens provenant des pays du PTPGP. Sans compter que les Canadiens pourront également profiter d’une plus grande variété de produits provenant de la zone de l’accord.
Conclusion
L’accord du PTPGP présente des gains potentiels pour le Canada en élargissant et en diversifiant la structure de ses échanges commerciaux. Dans son ensemble, cette entente demeure avantageuse, malgré que les effets puissent être inégaux au sein des différents secteurs d’activités.
Par Carine Bergevin-Chammah, économiste, Desjardins