QUÉBEC - Le Plan pour une économie verte déposé par le gouvernement du Québec lundi a reçu un accueil plutôt favorable de diverses organisations économiques de la province, même si certains auraient souhaité plus d'ambition.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), le Conseil du patronat du Québec (CPQ), le Conseil de l'industrie forestière du Québec (CIFQ), le Réseau Environnement et l'Association de l'industrie électrique du Québec (AIEQ) ont notamment salué le dépôt du Plan. Le CPQ note avec intérêt la prévisibilité que le plan amène en privilégiant des actions concrètes associées à des objectifs chiffrés, combinés à une évaluation annuelle qui permettra de suivre l'évolution de sa mise en œuvre et les résultats observés.« Le gouvernement s'engage clairement en faveur des cibles environnementales de 2030 et propose des incitatifs liés à des objectifs chiffrés en ce sens, sans alourdir le fardeau fiscal des citoyens et des entreprises. Dans le contexte économique actuel, c'est une bonne nouvelle » précise Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ.

Selon la FCCQ, les mesures totalisant 6,7 G$ sur cinq ans sont ambitieuses, mais devront être accessibles de manière efficace afin que les entreprises puissent effectuer des modifications dans leurs opérations et atteindre les cibles fixées. Pour y parvenir, les mesures du PEV et du PMO devront s'inspirer de la flexibilité et de l'agilité retrouvées dans les programmes passés de Transition énergétique Québec, qui étaient appréciées des entreprises. « Les mesures dévoilées aujourd'hui comportent des investissements importants en matière de mobilité durable et de transport des marchandises et viendront soutenir le secteur industriel dans la transformation de ses processus », a déclaré Charles Milliard, président-directeur général de la FCCQ.

Le CPQ apprécie de son côté les mesures pour le secteur industriel telles que l'aide à l'efficacité énergétique et à la conversion énergétique ainsi que la R & D en réduction des GES et de séquestration du carbone. Il s'agit d'exemples concrets d'opportunités de développement et d'innovation en faveur d'une économie plus verte. Le CPQ estime toutefois que les réductions attendues de la part du secteur industriel sont particulièrement ambitieuses, étant donné que ce secteur a déjà réduit ses émissions de 25%. Un accompagnement sera effectivement nécessaire afin d'éviter de miner la compétitivité de nos entreprises. Selon l'AIEQ, les mesures annoncées dans le secteur industriel sont de nature à accélérer la décarbonation de ce secteur. En effet, plusieurs industries seront encouragées à mettre en branle leur plan de réduction d'émissions de GES et, par conséquent, favoriser une productivité énergétique accrue. La transition énergétique en cours offre des occasions de développement pour une filière verte de l'hydrogène. Il s'agit d'une bonne nouvelle pour l'industrie électrique du Québec. L'hydrogène permettra d'accroitre l'utilisation de l'électricité verte du Québec, de contribuer à réduire les émissions de GES dans le transport lourd et à faciliter le verdissement des procédés industriels.

Le Réseau Environnement est pour sa part heureux de voir le gouvernement s'enfager dans une économie plus verte. « Pour atteindre les cibles, nous croyons qu’il est essentiel que les données d’inventaires GES soient comptabilisées plus rapidement et diffusées afin de permettre un suivi annuel. Par ailleurs, nous sommes ravis de constater que des fonds ont été prévus à cet effet », a déclaré Me Christiane Pelchat, PDG du Réseau. « Ce faisant peut-être que le gouvernement pourrait augmenter ces cibles et dépasser 42 % des réductions requises d’ici 2030. Nous saluons aussi le plan d’action chiffré qui engage des dépenses de 6,7 G$ sur 5 ans », de conclure la présidente-directrice générale

Bâtiments

En matière d'efficacité écoénergétique des bâtiments, la FCCQ est heureuse de constater des sommes importantes pour atteindre cet objectif. En effet, 212 M$ seront dédiés pour soutenir la production et la distribution de gaz naturel renouvelable et encourager une utilisation accrue. « L'élargissement des critères d'accès aux programmes gouvernementaux ÉcoPerformance, Biomasse forestière résiduelle et Technoclimat devrait permettre d'améliorer l'empreinte écoénergétique des bâtiments. Les mesures devront contribuer substantiellement aux meilleures pratiques de productivité énergétique et d'économie circulaire, notamment pour le secteur industriel québécois », a ajouté Charles Milliard. Selon le CPQ, les mesures concernant la réduction de l'empreinte carbone des bâtiments sont d'excellentes opportunités, mais doivent s'appuyer sur des politiques de rénovation plus ambitieuses pour soutenir l'efficacité énergétique de tous les bâtiments actuels et futurs, notamment pour les logements locatifs. 

Dans le cadre de la transition énergétique en cours, l'AIEQ voit de façon favorable l'investissement qui sera consacré à l'électrification des bâtiments. En plus de favoriser la conversion des systèmes de chauffage vers de l'électricité verte et renouvelable, l'aide financière annoncée dans le budget favorisera également le développement de nouvelles technologies et stimulera l'innovation dans ce domaine.

Le CIFQ adhère aux objectifs gouvernementaux visant à éliminer les obstacles à l'utilisation du bois dans la construction de bâtiments. Le Plan pour une économie verte 2030 souligne l'apport du secteur forestier dans le développement de matériaux innovants et à faible empreinte écologique. L'élargissement de l'utilisation pour les bâtiments multifamiliaux d'une plus grande hauteur et les projets de démonstration dans les secteurs multi-résidentiels et commerciaux sont des avancées importantes en la matière. Toutefois, le CIFQ attendra la présentation de la stratégie sur l'utilisation du bois dans les bâtiments, prévue au cours des prochaines semaines, avant de se prononcer sur le détail des mesures.

L'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ) se dit toutefois déçue de l'absence de nouvelles mesures permettant au secteur de l'habitation d'atteindre son potentiel dans la première mouture du Plan pour une économie verte 2030 (PEV). « Alors que l'habitation est responsable de 5 % des émissions de gaz à effet de serre au Québec[1], on constate que le gouvernement du Québec a choisi de ne pas mettre à contribution notre secteur pour le moment, ce qui est décevant », commente François Bernier, vice-président principal Affaires publiques à l'APCHQ. 

L'APCHQ considère que, malgré le fait que le potentiel du secteur de l'habitation est d'ores et déjà clairement identifié, notamment dans le secteur locatif, les moyens choisis actuellement ne permettront pas d'accélérer le pas et de contribuer à l'atteinte les objectifs annoncés. À l'exception de la bonification du Code de construction, l'APCHQ déplore que le Plan ne propose rien de nouveau pour encourager et soutenir les rénovations écoresponsables. Pourtant, le parc immobilier québécois est vieillissant et a de grands besoins. « L'APCHQ a évalué que l'impact d'une aide de 30 % sur cinq ans pour la rénovation écoénergétique des logements locatifs privés au Québec représenterait une diminution annuelle permanente et récurrente des émissions de GES de 34 000 tonnes, soit l'équivalent de 14 000 voitures de moins sur nos routes[2] », soutient François Bernier.

Le secteur forestier reconnu

Le CIFQ considère que la Politique et le plan de mise en œuvre permettront d'accroître la contribution du secteur forestier québécois dans plusieurs secteurs d'activités, dont la construction verte, l'utilisation de la biomasse forestière résiduelle comme source d'approvisionnement en chauffage et le développement de produits innovants pouvant remplacer les plastiques à usage unique ou ceux faits à partir de combustible fossile. « Le secteur forestier touche, de manière directe et indirecte, près de 140 000 travailleurs. Sa contribution à l'économie du Québec était déjà connue et aujourd'hui, le Plan d'économie verte 2030 confirme le rôle essentiel du secteur dans l'atteinte des objectifs du Québec dans la lutte contre les changements climatiques. [...] Le plan du gouvernement démontre l'importance que nous accordons, non seulement à la première transformation du bois, mais également aux deuxième et troisième transformations. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement pour créer plus de richesses et diminuer les GES », a affirmé Jean-François Samray, président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière du Québec.

L'élargissement du Programme de biomasse forestière résiduelle permettra de rendre encore plus de projets admissibles et, par conséquent, de développer cette filière de manière encore plus rapide dans toutes les régions du Québec. Toutefois, comme indiqué dans la stratégie gouvernementale proposée, le CIFQ souhaite que l'effort en ce sens soit structuré de manière à s'assurer de la maximisation de la valeur créée au sein des filières de transformation de la biomasse forestière résiduelle. 

Pour réaliser ses objectifs de réussir la relance de l'économie et lutter contre les changements climatiques, le gouvernement doit donner les moyens à l'industrie forestière de se développer. Il doit notamment réduire plus rapidement les obstacles à la performance, à la productivité et à la compétitivité du secteur forestier. Pour le CIFQ, malgré certaines avancées intéressantes, la révision ciblée du régime forestier présentée le 6 novembre dernier par le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, ne donne pas tous les outils nécessaires pour s'assurer d'une croissance durable. Des échanges à ce sujet devront se poursuivre pour permettre à l'industrie de jouer pleinement son rôle de développement socio-économique dans toutes les régions du Québec.

Électrification du parc automobile
D'après la FCCQ, le Québec devra être en mesure d'avoir l'offre nécessaire à la demande de bornes de recharge à haute vitesse et ne devra pas faire cavalier seul dans l'interdiction de la vente des véhicules à essence afin que cette mesure amène les résultats escomptés sur le plan environnemental, sans pénaliser le plan économique.

« Il sera nécessaire de convaincre les États voisins d'emboîter le pas et de s'assurer que la technologie soit suffisamment avancée pour répondre à l'ensemble des besoins en transport. Sans oublier les grands constructeurs, qui devront également avoir effectué une transition suffisamment importante dans leur fabrication. Si le Québec fait cavalier seul, on ne sera pas avancé sur le plan environnemental et nous pourrions être fortement désavantagés sur le plan économique. Nous devons réduire substantiellement les émissions de GES, sans nuire à des centaines d'entreprises œuvrant dans le secteur automobile au Québec », a complété M. Milliard.

L'AIEQ se réjouit également de l'investissement supplémentaire qui sera réalisé par le gouvernement du Québec pour le développement du transport collectif dans le cadre du Plan québécois des infrastructures (PQI) 2020-2030. « Les investissements annoncés par le gouvernement du Québec dans le cadre du Plan pour une économie verte viennent soutenir les efforts pour accélérer la nécessaire transition énergétique du Québec. Les mesures annoncées ciblent des créneaux à fort potentiel d'innovation pour l'industrie électrique du Québec, laquelle dispose d'atouts pour profiter encore davantage des marchés nord-américains et mondiaux en pleine croissance », a souligné M. Denis Tremblay, président-directeur général de l'AIEQ.

Selon l'AIEQ, les sommes importantes consacrées au transport des personnes et des marchandises sont structurantes. Cet engouement pour l'électrification des transports entraînera des opportunités d'innovations pour l'industrie électrique du Québec. L'interdiction annoncée des véhicules légers à essence d'ici 2035 envoie un signal clair à toutes les parties prenantes de la volonté du Québec d'être un leader dans ce domaine. 

Des préoccupations demeurent
Pour éviter de revoir les nombreuses lacunes passées de la gestion du Fonds vert, la reddition de compte sera fort importante. Pour que ces mesures atteignent les cibles environnementales et permettent de créer plus de 15 500 emplois tout en générant 2,2 G$ au PIB du Québec, la FCCQ souhaite s'assurer que le Commissaire au développement durable dispose des ressources et de l'expertise nécessaires pour mesurer l'efficacité et la performance de chacune des mesures. Il conviendra également d'identifier des mesures supplémentaires, en plus de la production des états financiers et de la gestion globale.

Aussi, pour respecter le principe de pluridisciplinarité du Comité consultatif sur les changements climatiques, la FCCQ soutient la présence d'une représentativité exhaustive du milieu des affaires et des entreprises pour faciliter l'arrimage des mesures aux réalités du marché.

Du côté du Réseau Environnement, on considère que les mesures et le financement qui y est consacré sont insuffisants.