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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Le Canada (et principalement le Québec) est l’un des producteurs majeurs d’aluminium de première fusion dans le monde, mais exporte plus de 80 % de sa production. « Si on peut transformer cet aluminium au Québec en produits à valeur ajoutée, nous pourrons créer des entreprises et augmenter les emplois. […] Ça apporterait certainement des bénéfices pour le Québec », estime le professeur titulaire de la Chaire industrielle de recherche sur les nouvelles avenues en métallurgie de la transformation de l’aluminium (CIMTAL) de l’UQAC, X. Grant Chen, Ph.D.

En entrevue avec Informe Affaires, le professeur Chen explique qu’une synergie entre l’industrie et le monde universitaire pour le développement et l’application de technologies et procédés de transformation d’aluminium est une avenue essentielle pour atteindre ce but. Ainsi, sa chaire de recherche travaille avec quatre partenaires de l’industrie (Rio Tinto, PCP Aluminium, STAS et Dynamique Concept) sur différents projets, tout en recevant du financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Le soutien au développement des entreprises régionales dans le domaine de la transformation de l’aluminium est d’ailleurs l’un des objectifs à long terme de la chaire. « Je pense que pour être plus durable et compétitive dans le marché de l’aluminium, chaque compagnie doit essayer de soit produire un nouveau ou un meilleur produit, soit rendre ses processus plus économiques. C’est la clé pour leur maintien dans le marché et leur croissance. C’est la même chose pour les petites ou les grandes compagnies », indique M. Chen.

Une alliance intéressante

Selon le titulaire de la Chaire, des alliances à long terme entre les entreprises et les chercheurs universitaires pour la R&D sont intéressante pour les deux parties. « Si [l’industrie] veut investir, elle veut aussi voir quels sont les bénéfices. Toute la recherche n’est certainement pas dirigée vers les buts industriels, mais nous apportons aux compagnies beaucoup d’avantages en termes de connaissances. Cela leur permet d’améliorer leurs procédés ou de développer des nouveaux produits pour leurs marchés », souligne X. Grant Chen.

Le fait de travailler avec des chercheurs universitaires entraîne aussi des avantages au plan financier. « À travers l’université, nous pouvons avoir du financement du gouvernement. Pour chaque dollar investi par nos partenaires, nous pouvons aller chercher environ deux dollars de fonds fédéraux ou provinciaux », note M. Chen. Par ailleurs, les entreprises qui font de la recherche et développement peuvent déduire ces dépenses spécifiques de leurs impôts.

Le professeur Chen affirme que même les plus grandes compagnies, comme Rio Tinto, par exemple, qui possède son propre programme de recherche, voient des bénéfices à travailler avec sa chaire de recherche. « Nous possédons des expertises différentes, des équipements différents. Nous sommes aussi une bonne source de jeunes finissants à la maîtrise ou au doctorat [qu’ils peuvent recruter] », rappelle-t-il. Les petites entreprises, qui n’ont pas les installations nécessaires pour la R&D, ont souvent un intérêt à travailler avec les chercheurs de l’UQAC sur des projets spécifiques.

Des services pour les PME

Même si cela ne constitue pas la majorité de son travail, le CIMTAL met aussi son expertise et ses équipements au service de plus petites compagnies qui voudraient, par exemple, obtenir plus de détails sur les différentes propriétés de leur produit. « Nous avons plusieurs demandes chaque année pour des plus petits contrats de différentes compagnies qui veulent que nous testions les propriétés de leurs matériaux parce qu’elles n’ont pas les installations pour le faire elles-mêmes », mentionne X. Grant Chen.

Les laboratoires de la chaire de recherche permettent de tester différentes propriétés, dont la conductivité électrique, la dureté, les propriétés mécaniques, le fluage, la résistance à de hautes températures, etc. dans différentes conditions. Les demandes pour ces tests viennent principalement d’entreprises établies dans la région.

Selon M. Chen, si des PME éprouvent des problèmes plus sévères et spécifiques, elles pourront être intéressées à développer des programmes de recherche conjoints. « Cela permet de regarder plus profondément la problématique et de trouver des solutions », précise-t-il, tout en signalant que le groupe recherche surtout des partenariats stables sur le long terme afin de favoriser la formation de ses étudiants.

La recherche, un incontournable pour le développement de la filière

SAGUENAY – Dans son dernier budget, le gouvernement du Québec a réitéré l’importance de la transformation d’aluminium pour la province en réinvestissant 33 M$ sur trois ans dans sa Stratégie de développement de l’aluminium. Or, la R&D fait partie des solutions permettant de créer des produits et des projets innovants. Des chercheurs de l’UQAC sont parmi ceux qui y travaillent.

Le professeur titulaire de la Chaire industrielle de recherche sur les nouvelles avenues en métallurgie de la transformation de l’aluminium (CIMTAL) de l’UQAC, X. Grant Chen, Ph.D., explique que « la transformation de l’aluminium vers un produit fini est une chaîne complexe de procédés industriels » comprenant notamment la coulée de lingots, la fonderie, l’extrusion, le forgeage et différents traitements de produit. Dans ses projets de recherche, le CIMTAL se penche principalement sur ce qu’on appelle la métallurgie physique de l’aluminium.

Connaissances utiles pour l’industrie

Si la recherche universitaire peut paraître abstraite, les connaissances qu’elle apporte sont d’une grande importance pour améliorer les procédés et les rendre plus économiques ou créer de nouveaux produits innovants. « Pour l’aluminium, nous avons plus d’un millier de produits. Pour chaque produit, il y a des exigences spécifiques en termes de propriétés matérielles et mécaniques, et ainsi de suite. […] Notre but, c’est d’améliorer ces propriétés et de rendre les procédés plus faciles et rentables. […] Chaque alliage est relié à son projet spécifique », indique le professeur Chen.

La plupart des projets sur lesquels travaille le CIMTAL proviennent de ses partenaires industriels, mais la chaire œuvre aussi sur des projets que le chercheur appelle « proactifs-innovants » pour observer plus en profondeur les aspects fondamentaux de la métallurgie. Pour les prochaines années, ses quatre domaines de recherche principaux porteront sur l’amélioration de la qualité et de la performance du produit dans la métallurgie des plaques de laminage, la déformation à chaud et la transformation de phases à haute température des alliages d’aluminium, les procédés de solidification et de coulée de produits d’aluminium à valeur ajoutée ainsi que le développement de matériaux et procédés d’aluminium perfectionnés.

L’automobile : un exemple d’intérêt

L’aluminium est un produit recherché dans l’industrie de l’automobile pour sa légèreté, qui permet de réduire le poids des véhicules et ainsi, leur consommation d’essence et leurs émissions de gaz à effet de serre. Sa résistance à la corrosion et sa capacité à absorber les chocs en font aussi un matériau de choix pour cette industrie. « Chaque pièce d’une voiture doit posséder des propriétés spécifiques qui doivent être atteintes. […] L’aluminium est plus léger que l’acier, mais si ces propriétés ne s’y retrouvent pas, l’industrie ne peut pas l’utiliser », rappelle toutefois M. Chen. Et c’est là que la recherche entre en jeu.

Par exemple, X. Grant Chen collabore à un projet de recherche de la professeure Mihriban Pekguleryuz de l’Université McGill, auquel prend également part Philippe Bocher, de l’ÉTS pour trouver une solution à la problématique de perte de résistance de l’aluminium lorsque les températures dépassent 200 °C. Dans les moteurs diésels notamment, l’air fortement comprimé la fait osciller jusqu’à 1000 °C. Le professeur Chen et ses collègues veulent intégrer des nanoparticules résistantes dans les microstructures des alliages aluminium-silicone-magnésium-cuivre. « Est-ce qu’on peut rendre l’aluminium plus fort dans certaines conditions? C’est notre travail de voir comment on peut atteindre ce but », note le titulaire de la chaire CIMTAL.

Les chercheurs, qui travaillent sur le sujet depuis plusieurs années, ont trouvé des microparticules qui améliorent sensiblement les propriétés mécaniques des alliages d’aluminium dans les moteurs diésels lorsqu’ils atteignent 300 °C, mais leur recette doit encore être approfondie avant d’atteindre la commercialisation. « On travaille d’abord sur les aspects fondamentaux de l’aluminium, mais après ça, pour l’industrie, il faut voir s’ils peuvent le produire et s’ils peuvent le faire d’une façon plus rentable. Théoriquement, on a plusieurs concepts, mais pour des raisons économiques, nous ne pouvons les adapter directement parce que ce serait trop coûteux ou trop difficile à produire », conclut X. Grant Chen.

Inf. : http://recherche.uqac.ca/

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