SAGUENAY – Assez méconnues du public, les cliniques d’infirmières privées sont en expansion au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Et il reste encore beaucoup de place pour la croissance puisque plusieurs secteurs sont toujours peu desservis, selon les dirigeants des entreprises déjà implantées.
Très peu nombreuses dans la région, ces cliniques d’infirmières ou d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) n’incluent pas de médecin. Elles offrent différents services, dont certaines consultations, des soins à domicile, la vaccination voyage, des prélèvements, des soins de plaies ou des pansements. Plusieurs comptent sur des partenariats avec des médecins pour des ordonnances collectives qui leur permettent, selon certains critères, de traiter des maladies peu complexes, comme des infections urinaires ou un streptocoque.
« Les gens ont souvent tendance à vouloir voir un médecin, mais les infirmières peuvent faire beaucoup de choses également », affirme Émilie Veilleux, infirmière clinicienne et propriétaire de la clinique de soins à domicile Émedic.
Suzanne Côté, propriétaire de la clinique Infirmia de Jonquière et forte de 15 ans d’expérience dans le réseau public, rappelle que les infirmières ont aujourd’hui plus d’autonomie dans leur pratique. « Nous pouvons traiter certains problèmes de santé courants, comme le lavage d’oreille. Nous pouvons prescrire et amorcer des moyens de contraception ou effectuer le retrait d’un stérilet. La vaccination est aussi le rôle de l’infirmière », mentionne-t-elle.
IPS
Les IPS ont pour leur part une autonomie encore plus grande. Elles peuvent, en fonction de leur classe de spécialité, diagnostiquer des maladies, prescrire des examens diagnostiques, déterminer des traitements médicaux, prescrire des médicaments et d’autres substances, prescrire des traitements médicaux, utiliser des techniques ou appliquer des traitements médicaux invasifs ou présentant des risques de préjudice ainsi qu’effectuer des suivis de grossesse.
Dans la région, la clinique IPS Santé Plus est la seule clinique privée d’IPS actuellement. « Je vise vraiment la première ligne, puisque c’est ma classe de spécialité. Je peux traiter tous les problèmes de santé courants, effectuer des bilans de santé, faire les suivis périodiques pédiatriques, etc. Je n’ai pas besoin de médecin, je suis autonome dans ma pratique. Et si le cas est trop complexe, je peux référer », précise Kevin Girard, IPS et propriétaire de la clinique.
Favoriser l’accès
Alors que le réseau public connaît des difficultés et que bon nombre de personnes peinent à obtenir un médecin de famille ou à avoir un rendez-vous pour des urgences mineures, plusieurs se tournent vers le secteur privé. Selon les intervenants rencontrés, cela peut être une option intéressante pour contribuer à désengorger le système public. « Nous venons proposer un choix complémentaire pour les gens qui ont besoin de consulter un professionnel rapidement, mais qui ne nécessitent pas d’aller à l’urgence. Nous prenons en charge des cas qui ne devraient pas se retrouver à l’urgence, mais qui y vont faute d’autre solution », explique Kevin Girard.
Ce dernier, qui a travaillé dans le système public, considère qu’il n’était pas capable d’y offrir le niveau d’accès qu’il souhaitait donner. Émilie Veilleux a également lancé son entreprise de soins infirmiers à domicile, Émédic, en 2019, pour cette raison. « Les critères d’accès aux soins à domicile avec le CLSC sont assez restreints. Le CLSC s’occupe des gros cas lourds, mais il y a certaines personnes fragiles qui n’entrent pas dans les critères et qui ont quand même des besoins. Je ne suis pas là contre le système public. Je viens desservir une autre partie de la population », indique celle qui a été la première à implanter un modèle de clinique privée centré sur les soins à domicile au Saguenay.
Pour Ariane Bernier, le public et le privé gagneraient à travailler ensemble. La jeune femme s’est lancée en affaires en juillet, dans le domaine des soins à domicile, avec sa clinique baptisée Soins infirmiers AB. « Nous venons donner un coup de main. Ça libère des plages horaires pour d’autres personnes. Nous proposons aussi un service qui n’est pas nécessairement offert au public », souligne Mme Bernier, qui couvre également le territoire du Lac-Saint-Jean.
De la place pour la croissance
Les intervenants sont unanimes : il y a de la place au Saguenay–Lac-Saint-Jean pour de nouvelles cliniques infirmières ou IPS privées. « Il y a réellement un besoin. Les gens en parlent : ils ne sont pas capables de consulter un professionnel de la santé ou d’avoir un rendez-vous rapidement », fait valoir le propriétaire d’IPS Santé Plus.
« Il y a vraiment beaucoup de demandes dans la région. Moi, je pense qu’en ce moment, c’est très difficile dans le système public et que c’est en unissant nos forces que ça va aider. Le but, c’est de s’entraider pour favoriser l’accessibilité pour les patients », renchérit Émilie Veilleux.
Suzanne Côté, propriétaire de la clinique Infirmia de Jonquière depuis janvier 2023, rappelle que les soins infirmiers privés sont souvent plus abordables que ceux d’un médecin au privé. « Je pense que les gens sont prêts à payer pour certains services, d’autant que plusieurs ont maintenant une assurance qui les rembourse. Ça permet de voir un professionnel de la santé rapidement et de répondre à des besoins ponctuels », estime-t-elle.
D’autres régions du Québec comptent d’ailleurs déjà sur une offre de soins privés encore plus importante que celle du Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Il y a beaucoup d’endroits où c’est plus développé. Je pense que c’est l’avenir, particulièrement du côté des soins à domicile. Il y a une rapidité aussi. Si tu veux un rendez-vous au plus vite, le privé est plus malléable et agile que le public », note Ariane Bernier.
Selon Suzanne Côté, avec le vieillissement de la population, le manque de médecins, l’épuisement dans le réseau public, le système n’arrive pas à répondre à lui seul à la demande. « Les mentalités changent. On souhaite tous l’accès universel et gratuit, mais je pense qu’il y a des opportunités pour le privé en santé. Il y a de la place pour développer davantage de services », conclut-elle.