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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – La région doit miser sur le numérique pour son développement économique, c’est ce qui est ressorti des discours des différents intervenants lors du Rendez-vous économique organisé par la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay-Le Fjord (CCISF) ce midi. Selon eux, malgré plusieurs défis à relever, les astres sont alignés pour le développement de cette industrie et il faut en profiter.

Sous le thème « Saguenay à l’ère du numérique », l’événement a débuté par des présentations de Michael Godin, vice-président principal, Grand Montréal, chez CGI, et de Priscilla Nemey, directrice générale chez Promotion Saguenay. Elles ont été suivies par un panel de discussion mettant en vedette Éric Desbiens, PDG de CONFORMiT; Bruno Bouchard, Ph.D., IEEE Senior, Directeur du module d’informatique et de mathématique à l’UQAC; Jimmy Boulianne, directeur général d’Ubisoft Saguenay; Robi Guha, président de TLM et Stéphane Lefebvre, vice-président – Conseil au Centre mondial de prestation de services de CGI à Saguenay.

D’entrée de jeu, M. Godin a donné le ton en affirmant que le numérique devrait devenir le premier pilier de l’économie du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Selon lui, la pandémie et les transformations qu’elle a entraînées dans les interactions avec les consommateurs et le télétravail, la perception des technologies passée d’un coût à un catalyseur dans les entreprises et les économies générées par la transformation numérique mettent la table pour la croissance de ce secteur.

« On a des opportunités extraordinaires. Arrive une pandémie, une incertitude. Ces moments-là, ça crée de l’innovation. C’est un moment d’effervescence pour nous », renchérit M. Guha.

Tous les écosystèmes

Les différents intervenants conviennent que l’industrie numérique n’est pas l’affaires que des entreprises technologiques, mais bien de toutes les entreprises dans tous les secteurs économiques. « L’avenir est là, on le sait tous. L’avenir est là dans chacune des industries. L’opportunité qu’il y a devant nous, c’est que tous les joueurs, les entreprises, devraient être en train de se demander comment elles vont s’approcher du milieu technologique, comment nous allons collaborer ensemble pour que les prochaines générations aient des entreprises de tous les secteurs qui incorporent la technologie dans leurs produits, leurs performances et leur succès », affirme le président de TLM.

Bruno Bouchard estime aussi que le financement offert par le gouvernement est intéressant, mais que les entreprises de tous les secteurs doivent penser à faire cette transformation. Il rappelle que les organisations québécoises éprouvent un certain retard par rapport à la transition numérique.

Robi Guha voit pour sa part cette situation comme une opportunité formidable au niveau régional. « Notre gouvernement nous dit : “nous ne sommes pas assez informatisés, nous allons investir là-dedans. Les capacités technologiques sont plus élevées ailleurs, il y a une menace, vous ne serez peut-être pas compétitifs”. Mais prenons-le d’un autre côté : aujourd’hui, nos industries régionales se démarquent mondialement, même si cette informatisation-là n’est pas encore arrivée complètement. Il y a une étude sur l’innovation qui est sortie et qui dit qu’au Saguenay–Lac-Saint-Jean, elle est surtout dans les autres secteurs que la technologie. Imaginez-vous, maintenant, si on ajoute la technologie à ça, quel impact on pourrait avoir au niveau mondial. »

Le défi du recrutement

Le défi de recruter et attirer des travailleurs dans l’industrie des technologies a également occupé une bonne partie des discussions. Michael Godin a d’ailleurs mentionné que CGI avait actuellement 700 postes ouverts seulement au Québec. Il affirme que l’attraction et la rétention des talents dans les entreprises du secteur nécessitera le soutien de tout l’écosystème.

Diverses solutions ont été abordées, dont l’importance d’encourager les jeunes à s’intéresser au domaine et de développer les talents dans la région en travaillant en étroite collaboration avec les différents établissements d’enseignement. La présence de l’UQAC, des cégeps et d’un collège spécialisé a d’ailleurs été soulignée comme une force régionale.

À ce titre, les différents programmes de formation en TI offerts à l’UQAC lui permettent d’accueillir 620 étudiants, dont 75 % proviennent de l’international. « Nous avons beaucoup d’étudiants qui viennent, mais la majorité repart. Il y a un potentiel de gain incroyable à faire dans ce bassin d’étudiants-là. Il faut leur montrer pendant leur séjour à quel point c’est intéressant de vivre ici. […] Ils ont besoin de mettre le pied dans les entreprises. Ceux qui travaillent à temps partiel ont plus de chance de rester », indique Bruno Bouchard.

Enraciner les nouveaux arrivants

Le recours aux travailleurs internationaux, de même que le télétravail, ont aussi été mentionnés dans les pistes de solution. Les panélistes se sont d’ailleurs entendus pour dire qu’il est important que tout le milieu, des municipalités aux organismes en passant par les entreprises, s’implique pour assurer la rétention et l’enracinement des nouveaux arrivants dans la région.

« Il faut s’occuper de leur famille, leurs enfants. Un des défis, c’est le transport aérien, pour faciliter les visites à leurs familles ailleurs. L’enracinement passe aussi par un travail collectif, les épiceries, les produits et les services. Il faut aussi trouver une façon de rapprocher les gens de la nature », a proposé Éric Desbiens, qui croit que la qualité de vie et la nature sont des éléments qui permettent au Saguenay–Lac-Saint-Jean de se démarquer.

Jimmy Boulianne a rappelé que le milieu de vie dans lequel s’établissent les travailleurs y est pour beaucoup dans leur décision de s’établir dans une nouvelle ville, et pas seulement celui offert par l’entreprise. La facilité d’accès à la propriété, les activités disponibles, les écoles et garderies, etc. doivent être des préoccupations pour les acteurs municipaux et économiques.

Requalification

La requalification de travailleurs a également été l’une des avenues abordées pour combler le manque de main-d’œuvre dans le secteur des TI. Dans ce domaine, CGI Saguenay a mené un projet très intéressant avec Humanis et Services Québec. « Nous sommes allés chercher des gens en transition, donc qui se retrouvaient dans une période sans emploi pour les former avec une formation spécifique pour adresser certains besoins qu’on avait. Il y a eu trois cohortes d’environ 12 à 15 personnes chacune. Ça a été très bénéfique. CGI garantissait 75 % des finissants qui auraient un emploi à la fin de la formation. Ça permet d’injecter des connaissances d’autres domaines directement en informatique », a expliqué Stéphane Lefebvre.

Ce dernier estime que puisque des études prévoient que 33 % des emplois sont à risque de disparaître ou de subir une transformation majeure d’ici 10 à 20 ans, le moment est idéal pour commencer à faire de la requalification et repenser à la formation pour y intégrer du numérique.

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