Journal Novembre 2022

Pa g e 2 | NOV EMB R E 2 0 2 2 I N F ORME A F FA I R E S, L E ME N S U E L É CONOM I QU E D ’ I C I SAGUENAY – À quelque mois de débuter la production soutenue de son innovation brevetée d’hangar rétractable, Philip Savard est passé par un parcours du combattant afin de réaliser son rêve. Imaginé initialement en 2014, son produit aura nécessité des centaines de milliers de dollars en investissement et plusieurs prototypes. À l’hiver 2014, M. Savard travaille pour une entreprise forestière à titre de camionneur et il passe l’essentiel de son temps sur des chantiers isolés dans le parc des Laurentides. Lors d’une nuit glaciale à regarder les mécaniciens peiner à la maintenance de l’équipement gelé, le camionneur imagine un hangar chauffé de grande dimension où la machinerie pourrait y être rangée au chaud. Il réfléchit également à une structure rétractable et remorquable afin de la transporter de chantier en chantier. « Lorsque les jours de congé sont arrivés, j’avais retourné l’idée dans ma tête des centaines de fois. Je devais présenter mon projet à du monde. Je suis donc allé dans un magasin d’art pour m’acheter des bâtonnets en bois pour fabriquer une première maquette ! », raconte Philip Savard. L’inventeur présente son concept à son frère Jérémy Savard et son ami de longue date Alain Boily, aujourd’hui tous deux actionnaires de Savar Hangar. « Les deux étaient unanimes, l’idée leur plaisait et nous avons entrepris de bâtir un prototype. » Dur retour à la réalité Le printemps est une période creuse dans l’industrie forestière notamment parce que les chemins forestiers sont impraticables. « C’était la saison idéale pour démarrer la construction du hangar. Nous disposions d’un garage sur le boulevard Saint-Paul à Chicoutimi et nous avons débuté la fabrication à cet endroit. Toutefois, en cours de route, les choses ne se sont pas déroulées comme je les avais imaginés », souligne l’entrepreneur. M. Savard qui pensait construire un prototype avec un budget de 25 000 $ a finalement dû débourser plus de 100 000 $. « Il y avait des dépassements de coûts à tous les niveaux : l’acquisition des roues, de la tôle, des lumières, des outils de soudure, etc. À un certain moment, j’avais franchi le point de non-retour et je devais compléter l’assemblage coûte que coûte. Je me suis solidement endetté et nous nous sommes retrouvés avec un garage rétractable de 14 pieds sur 36 pieds de 11 000 livres et remorquable par camionnette. Toutefois, le produit final était bien loin de celui que j’avais en tête. Plusieurs problèmes au niveau de son système hydraulique permettant l’ouverture et la fermeture le rendaient commercialement non viable. » Un second souffle Un dur coup pour Philip Savard qui devait maintenant rembourser une dette colossale. L’entrepreneur a donc repris la route comme camionneur, mais cette fois, sur de longs courriers. «Pendant quatre années, j’ai fait des transports aux États-Unis afin de me refaire une santé financière. Lors de mes trajets, je rencontrais plusieurs personnes dans le secteur industriel et précautionneusement je parlais parfois de mon idée. Durant cette période de camionnage, je divulguais rarement de l’information sur mon concept, par peur de plagiat. Toutefois, j’ai su en parler aux bonnes personnes puisqu’un entrepreneur m’a convaincu de relancer mon projet, mais de faire le garage plus grand. En effet, il m’a expliqué que j’augmenterais mes chances de dénicher plus d’acheteurs si mon garage mobile avait au moins 25 pieds de large. La raison est simple, les gros camions qui exigent de la maintenance comme les Caterpillar 777 mesurent cette dimension. ». À l’hiver 2019, M. Savard rejoint son frère Jérémy et fonde l’entreprise de déneigement 3 FS à Chicoutimi. La PME rencontre le succès avec une quinzaine d’employés et les entrepreneurs cherchent à diversifier leur activité. Le dossier du hangar rétractable est réouvert. Cette fois, c’est la bonne Cette fois-ci, Philip Savard sait qu’il n’aura pas une deuxième chance et décide de se consacrer à temps plein sur son idée. Jérémy Savard ainsi qu’Alain Boily deviendront actionnaires de Savar Hangar et M.Boily quittera même son emploi chez Rio Tinto pour se consacrer à 100 % sur la nouvelle entreprise. «Nous avons fait les choses différemment et nous avons décidé que nous allions vendre le hangar avant même de le construire ! Pour ce faire, nous avons mandaté les Hydrauliques d’Alma de nous concevoir un système hydraulique viable et nous avons embauché la firme de dessin industriel saguenéenne ISM pour nous faire un plan 3D du hangar selon mes spécifications ainsi qu’une animation 3D du garage qui se plie et déplie. Je suis parti sur la route avec les documents en main pour faire de la représentation et une entreprise forestière de l’Abitibi nous a passé notre première commande ! » Une première vente inscrite dans le carnet de commandes, l’équipe de Savar Hangar réussit à aller chercher du financement auprès de Promotion Saguenay, Investissement Québec et la Société de la vallée de l’aluminium pour fabriquer la première unité. Consécration Du mois de novembre 2021 à février 2022, les trois actionnaires s’activent nuits et jours à l’assemblage du garage. «Finalement après des jours de travail, nous avions notre tout premier hangar rétractable prêt à être livré ! Un monstre d’acier de 40 000 livres. L’équipe était très fière et il ne restait qu’à remorquer la bête sur une distance de 1700 km jusqu’au chantier de notre client qui se trouvait dans le nord de l’Ontario. Le transport s’est passé à merveille et le seul point qui nous effrayait était le moment où nous allons déplier la structure. Il faut dire que toutes les fois qu’on avait testé des ouvertures et des fermetures, il y avait eu des problèmes. Nous étions donc stressés. Arrivé au site de livraison, nous avons procédé à l’ouverture et tout s’est passé sans accros. C’était la première fois que cette étape se déroulait parfaitement, et cela devant nos clients. Toute notre équipe avait les larmes aux yeux », se remémore Philip Savard. L’entrepreneur conclut que c’est à partir de ce moment que le bouche-à-oreille a débuté et que les premiers appels de commandes ont commencé. Le parcours non linéaire d’une invention extraordinaire INNOVATION par Maxime Hébert-Lévesque mhlevesque@informeaffaires.com Le garage est remorquable par un tracteur routier une fois plié. (Photo : Courtoisie)

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