Journal Février 2020

P a g e 8 | F É VR I ER 2 0 2 0 I N FORME A F FA I RE S , L E MENSUE L ÉCONOM I QUE D ’ I C I En janvier 2018, Informe Affaires a été le premier média régional à annoncer que Métaux BlackRock (MBR) allait aller de l’avant pour la construction de ses infrastructu- res minières de Chibougamau ainsi que de sa fonderie de Saguenay. Dans une entrevue exclusive, que nous avait accordé Jean Rainville, il était à ce moment président et chef de la direction de la minière, celui-ci estimait pouvoir lancer les travaux au cours de l’année suivant cette annonce. « Nous voulons couler le ciment avant l’automne », avait-il alors lancé en entrevue. À voir l’état d’avancement du projet aujourd’hui, qui donne l’impression d’être au point mort, on peut supputer qu’à l’époque, soit l’homme avait péché par optimisme, soit qu’il avait voulu mettre de la pression sur les décideurs pour accélérer la cadence des investissements privés et/ou gouvernementaux, dans ce projet de 1 G$. La vérité se situe probablement entre ces deux hypothèses. En attendant la première pelletée de terre Quoi qu’il en soit, deux ans après cette annonce, force est de constater que seul le déboisement des sites de Chibougamau et de Saguenay a été complété par Métaux BlackRock. La région attend toujours la première pelletée de terre alors que de nom- breux observateurs, même les plus optimistes, émettent de sérieux dou- tes sur la possibilité de voir un jour la fonderie de MBR cracher ses premiè- res volutes de fumée. Malgré les apparences, il faut recon- naître que l’entreprise a réalisé un tra- vail colossal de préparation au lance- ment des travaux. Un projet de cette envergure, qui touche le domaine minier et qui implique la construction d’un complexe industriel lourd, consti- tue, dans le Québec d’aujourd’hui, un défi pharaonique. Sans compter les investissements requis, jusqu’à maintenant 180 M$ pour MBR. Malgré cela, selon ce que j’ai pu gla- ner d’informations au cours des der- nières semaines, la minière a franchi la plupart des étapes stratégiques légales et environnementales, dont le fameux BAPE, pour compléter la prochaine étape soit la réalisation complète de l’ingénierie fine. Mais pourquoi ce silence? Mais depuis l’annonce en août der- nier de la suspension temporaire des travaux de génie civil par l’entreprise, les rumeurs se sont multipliées con- cernant la faisabilité du projet. Et depuis, c’est le silence. Faut-il pour autant en conclure que MBR a du plomb dans l’aile? Certainement pas. La raison principale du report de la construction est surtout liée au financement de celle-ci par les grands fonds d’investissement internatio- naux. Certains membres de ce club sélect sont nerveux par les temps qui courent. Plusieurs raisons justifient la prudence des investisseurs envers MBR. En voici quelques-unes. La première se situe au niveau de la volatilité sur les marchés mondiaux de la valeur des matières premières, notamment pour la fonte brute, mais surtout le vanadium en forte baisse, les deux principaux métaux qui sorti- ront éventuellement de la fonderie de MBR. Avouons que les projets miniers sont tellement longs à développer au Québec, qu’ils sont malheureusement très rarement en synchronie avec les périodes d’embellie des cycles économiques. La seconde est très importante, et elle est directement liée aux diffi- cultés financières majeures des plus importants projets miniers à avoir été lancés au Québec au cours des der- nières années. Il s’agit de Nemaska Lithium et Stornoway Diamonds, deux entreprises qui se sont placées au cours des derniers mois sous le parapluie de la Loi sur les arrange- ments avec les créanciers des com- pagnies (LACC). Il est facile de com- prendre que le petit monde de la finance internationale ait été ébranlé par ces mauvaises nouvelles. Même si les contextes qui ont amené ces deux revers désastreux sont définitivement différents et très com- plexes, on peut dire sans se tromper que la réputation du Québec en prend un coup à ce chapitre. On peut dès lors supposer que les gestionnaires des grands fonds de placement ont dû interpeller les dirigeants de Métaux BlackRock, pour s’assurer que, cette fois-ci, les estimations de coût et de rendement de ce projet ont été réalisées avec diligence. Le troisième enjeu se situe au niveau de l’acceptabilité sociale. On voit de plus en plus les gestionnaires de fonds d’investissement agir avec prudence avant d’engager les avoirs de leur commettant dans des projets industriels. Ils sont devenus soucieux de l’environnement, davantage par stratégie que par conviction et cher- chent de plus en plus des investisse- ments dits verts. L’autre aspect qui les interpelle se situe au niveau de l’accueil des populations locales pour ces projets d’industrie lourde qui n’est jamais gagné, particulièrement chez nous. On reste positif… Heureusement qu’il ne s’agit pas ici d’un match de baseball, parce que je vous dirais que le projet Métaux BlackRock est retiré sur trois prises. Mais demeurons optimistes, même si la possibilité que les travaux redémar- rent ce printemps est quand même mince. En fait, selon une source pro- che de l’entreprise, il faudrait que le montage financier de MBR soit com- plété d’ici le mois d’avril (il manquerait seulement 10% dans la cagnotte) puisque la saison propice aux grands travaux est courte dans notre belle région. On croise les doigts… Métaux BlackRock : au-delà des rumeurs COMMENTAIRE ÉDITEUR par Guy Bouchard PRÉSIDENT ET ÉDITEUR guybouchard@informeaffaires.com

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