Journal Juin 2021

I N F ORME A F FA I R E S , L E ME N S U E L É CONOM I QU E D ’ I C I J U I N 2 0 2 1 | Pa g e 3 3 SAGUENAY – Les administrations municipales auront un rôle majeur à jouer dans la transformation des centres commerciaux. C’est l’évo- lution de leur vision, de leurs poli- tiques d’urbanisme et de leurs règlements de zonage qui permet- tra à ces projets de se concrétiser. « Il y a beaucoup de réflexion en ce moment, mais il n’y a pas encore, à ma connaissance, de projets qui se sont réalisés au Québec. […] Les centres commerciaux comme on les connaît sont appelés à évoluer vers des milieux de vie plus complets. Il y a des études d’opportunités sur com- ment intégrer des habitations à nos centres commerciaux. […] Les villes doivent voir comment adapter leur cadre réglementaire pour permettre ces nouvelles réalités-là, tout en s’assurant de les intégrer à ce qui est déjà là », indique le président de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ), Sylvain Gariépy. L’intérêt de ces changements pour les propriétaires de centres commerciaux est clair : amener une nouvelle clien- tèle à proximité, entraînant l’arrivée de nouveaux types de locataires, comme les services de nature cou- rante, assurant alors un achalandage régulier et garantissant leur pérennité. « Au lieu de grandes aires de station- nement, on crée un milieu vibrant où les gens vont vouloir aller », note-t-il. Développement durable et taxation Les municipalités pourraient aussi y trouver leur compte, notamment par la réduction des îlots de chaleur cau- sés par les immenses stationnements en réduisant leur superficie pour réin- troduire de la verdure. Transformer ce qui est existant permet aussi de dimi- nuer les coûts, puisque les services sont déjà présents, même s’il faut s’assurer que ces infrastructures peu- vent supporter l’augmentation et les bonifier au besoin. Permettre une mixité d’usages dans un même espace est aussi une tendance observée en développement durable. « On crée un milieu distinctif, attirant et vivant. Il y a un enjeu de revenus pour les municipalités : en créant de nou- veaux usages, on amène des revenus de taxation. […] Il y a beaucoup d’avantages à assurer la pérennité des activités commerciales dans un sec- teur », souligne M. Gariépy. Attention à la cannibalisation S’il y a des avantages, les administra- tions municipales doivent toutefois, dans leur planification d’urbanisme, s’assurer que ces transformations ne se feront pas au détriment d’autres secteurs. En permettant à des cen- tres commerciaux d’avoir des habita- tions, nouveaux services ou espaces verts, on se rapproche de l’aspect des centres-villes, mais il est essentiel que cela ne vienne pas cannibaliser ces secteurs. « Ça dépend entre autres de com- ment les différents pôles commer- ciaux sont structurés dans la ville, s’ils entraînent un accroissement de la population. […] On peut créer un milieu distinctif, mais complémentaire au centre-ville, et mettre en place des infrastructures permettant d’aller de l’un à l’autre facilement à pied, à vélo, en transport en commun, en voiture. Ça prend des secteurs qui se complè- tent pour une population diversifiée. […] Il faut avoir une vision partagée entre les instances municipales et les propriétaires de centres commerciaux », assure le président de l’OUQ. Un pouvoir important Damien Hallegatte, professeur de marketing à l’UQAC, croit que per- mettre la mixité des usages dans les centres commerciaux ne sonne pas automatiquement le glas des centres- villes. Il suggère que les villes se dotent de politiques urbanistiques audacieuses en réglementant non pas le type d’usage, mais plutôt le type de commerce qui peut s’établir à un endroit où un autre, pour rééquilibrer, en quelque sorte, la concurrence entre les deux. Il voit, par exemple, des centres commerciaux avec un peu moins de superficie commerciale, mais plus de bureaux d’entreprises, et une spécialisation des magasins dans certains secteurs. « Les villes ont un pouvoir important là-dessus, mais à moyen et long terme. Sans mettre de mesures coercitives, on peut changer la dynamique », estime-t-il. « Les villes doivent raisonner en ter- mes d’accessibilité. Elles peuvent faire en sorte que les centres-villes soient propres, faciles d’accès en voi- ture, pour les piétons et les vélos. La sécurité est importante aussi, en ter- mes de criminalité, oui, mais pour traverser les rues, les passages pié- tonniers, pour les vélos », ajoute-t-il. Ces différents enjeux devront donc être pris en compte par les gestion- naires municipaux dans leurs réflexions sur le développement et l’urbanisme de leurs villes. « Je pense que ces transformations vont se faire, mais elles seront appliquées de façon adaptée en fonction des réalités de chaque région, des tendances d’augmentation et de mobilité de la population », conclut M. Gariépy. Avenir des centres commerciaux Les villes ont un rôle important à jouer Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec. (Photo: Courtoisie) DOSSIER par Karine Boivin Forcier kbforcier@informeaffaires.com Le Faubourg Sagamie pourrait être revitalisé. (Photo: Guy Bouchard) 1001362

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