Pa g e 1 8 | MA R S 2 0 2 2 I N F ORME A F FA I R E S, L E ME N S U E L É CONOM I QU E D ’ I C I SAGUENAY – Le gouvernement du Québec s’est fixé comme objectif de devenir un chef de file en matière de production, transformation et recyclage des minéraux critiques et stratégiques. Avec un sol au fort potentiel pour ces matières, le Saguenay–Lac-Saint-Jean pourrait bien tirer profit de cette conjoncture. Les termes critiques et stratégiques désignent des minéraux qui ont à la fois une importance économique et un risque d’approvisionnement, tout en n’ayant pas de substituts connus actuellement. «Soit il y a un seul fournisseur, soit les fournisseurs sont situés dans des pays où la stabilité politique est incertaine, ou encore la ressource est très rare», explique Paul Bédard, ingénieur et directeur par intérim du Centre d’études sur les ressources minérales (CERM) à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Ces minéraux, comme le cuivre, le graphite, le niobium, le zinc, le cobalt, le nickel, le titane, le tantale ou le lithium, sont utilisés dans différents objets, comme les cellulaires, ordinateurs ou batteries rechargeables. L’avènement des technologies vertes contribue aussi à augmenter leur demande. «On veut se diriger vers des façons de produire et de stocker l’énergie qui sont différentes, aller vers l’éolien, le solaire. On veut électrifier le transport. Ce sont toutes de nouvelles technologies qu’il faut penser. Qui dit nouvelles technologies dit besoin de nouveaux matériaux pour les construire », indique M. Bédard. Un potentiel connu Le potentiel de la région en lien avec ces minéraux est déjà connu depuis plusieurs années. «Nous avons une géologie favorable à la présence de plusieurs de ces éléments. Il y a évidemment la mine Niobec, mais nous avons plusieurs indices dans plusieurs de ces substances, entre autres le nickel, le cuivre, le graphite, le cobalt, les terres rares, le niobium, le tantale, le titane, le vanadium», résume Benoit Lafrance, géologue et directeur de la Table régionale de concertation minière (TRCM). Si les indices sont identifiés depuis plusieurs années, dans le domaine minier, tout est une question de demande, ce qui explique que les investigations n’aient pas été poussées plus loin. « Actuellement, la demande est grandissante en raison de l’opportunité liée au développement des nouvelles technologies. » En effet, le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025 évalue par exemple que la demande en minéraux nécessaires à la transition énergétique augmentera de 2018 à 2025. On peut penser notamment au graphite (494 %), au lithium (488 %), au cobalt (460 %) et au vanadium (189 %). Par ailleurs, l’énergie facilement accessible, les infrastructures de transport, les capacités des transformateurs et équipementiers, de même que l’expertise scientifique régionale, notamment en matière de recherche, viennent aussi jouer en faveur de la région pour le développement de projets en lien avec ces minéraux. Plus grande anorthosite En raison du potentiel géologique régional, certains minéraux critiques et stratégiques pourraient être plus pertinents à cibler pour le Saguenay– Lac-Saint-Jean. Les chercheurs se penchent d’ailleurs sur le sujet. « Dans les grands gisements de titane au Québec, il y a le lac Tio sur la Côte-Nord, qui est dans une roche nommée anorthosite. L’une des plus grandes anorthosites du monde, c’est celle du Lac-Saint-Jean. Nous avons des chercheurs qui tentent de mieux comprendre cette unité de roche pour voir s’il serait possible de développer des gisements de titane. [...] On tente, d’une façon plus théorique, de déterminer où pourrait se trouver la ressource dans un tel milieu », illustre Paul Bédard. Parmi les minéraux d’intérêt pour la région, il y a également le niobium et le tantale, non seulement en raison de la présence de Niobec, mais également de celle du gîte Crevier. Celui-ci, situé à 50 km de Girardville, est maintenant propriété principalement de Niobay Metals. Une étude économique préliminaire avait confirmé la viabilité économique du projet, mais l’étude de faisabilité avait été suspendue en raison des conditions de marché à ce moment. En 2022, l’entreprise se concentre toujours sur un autre de ses projets et n’a pas prévu de travaux supplémentaires sur ce gîte, en dehors de quelques tests de laboratoire. (K.B.F.) SAGUENAY – La chercheuse Stéphanie Lavaure de la Table régionale de concertation minière (TRCM) et du CONSOREM se penche sur l’utilisation de la géométallurgie dans les stades précoces de l’exploration minière. Cette façon de faire permettrait d’évaluer les indices en fonction de leurs qualités plutôt que de leur seule teneur en un minéral particulier. La géométallurgie est, en fait, l’intégration d’informations géologiques, minières, métallurgiques, environnementales et économiques pour optimiser le développement et la mise en production d’un gisement. Elle est désormais assez répandue au stade de la production minière et de plus en plus à celui de l’exploration, particulièrement pour les études de préfaisabilité. «Cependant, en amont, ça ne se fait pas encore. Notre idée, c’est de regarder dès le départ les indices non pas juste en termes de teneur ou de pourcentage d’une substance, mais aussi en termes de qualité. Est-ce que ça va être facile à miner ? Quels sont les problèmes qu’il peut y avoir ? Nous voulons définir ce qu’on doit regarder, quelles questions on doit se poser et quelles sont les données les plus importantes à acquérir. […] Le but, c’est de regarder la qualité de nos indices avant de les forer pour essayer d’aller travailler sur les meilleurs et pour dépenser les budgets d’exploration au bon endroit », explique Mme Lavaure. Alimenter les connaissances Le projet de recherche, réalisé sur des indices miniers de la région, a démarré en septembre 2021 et se poursuivra jusqu’en avril 2023. «Nous allons voir certains indices de la région, certaines substances. Nous en ferons la minéralogie pour essayer de voir ces indices en termes de qualité», affirme la chercheuse, qui est également professeure sous octroi à l’UQAC. Pour la TRCM, il est intéressant de poursuivre ce type de recherches puisqu’elles contribuent à augmenter les connaissances sur les indices de la région. «En faisant des travaux sur la région comme ça, ça permet d’inciter les compagnies à s’y intéresser et à investir ici. » Par ailleurs, pour les entreprises, cette approche permet de savoir où mettre ses efforts. «Ça permet d’orienter les gens sur ce qui serait le plus important à regarder et quantifier dans les campagnes de forage. […] Le forage représente des budgets importants. On veut optimiser au maximum l’information lors de ces campagnes », conclut Stéphanie Lavaure. Le Saguenay pourrait tirer son épingle du jeu Le Québec est le deuxième plus grand producteur de niobium au monde grâce à la mine Niobec située à Saint-Honoré. (Photo : Shutterstock) Géométallurgie : un intérêt pour l’exploration précoce Minéraux critiques et stratégiques par Karine Boivin Forcier kbforcier@informeaffaires.com
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