Journal Octobre 2022

Pa g e 3 8 | OC TOB R E 2 0 2 2 I N F ORME A F FA I R E S, L E ME N S U E L É CONOM I QU E D ’ I C I SAGUENAY – L’industrie du textile s’est transformée au Saguenay– Lac-Saint-Jean depuis les années 80. Les manufacturiers textiles demeurés dans la région font maintenant face à de nouveaux défis, mais aussi à certaines opportunités, comme en témoignent les dirigeants de trois entreprises. Implantée à Saguenay depuis 1977, Identification Sports est bien connue pour sa gamme Lavoie. Employant environ 40 personnes, elle s’est adaptée pour traverser les époques. « À un moment, nous faisions des vestes, des vêtements de polar, des pantalons de sports, etc. Nous avons changé notre production. Aujourd’hui, nous ne fabriquons plus de vêtements, sauf les chandails de hockey et quelques t-shirts parce que nous faisons de la sublimation. […] Ça prend un créneau très niché pour tirer son épingle du jeu en région », affirment les propriétaires, Michel Boivin et sa fille Karrell Boivin. En activité depuis 1969, la Manufacture Thomas Gosselin de Saint-Félicien, qui conçoit la gamme Polaire Plus, s’est aussi spécialisée au fil du temps. « Ça a commencé avec des habits d’hiver et de motoneige, ensuite, il y a eu la conception de vêtements de travail. […] En 2019, nous avons fermé nos départements d’articles promotionnels, de SPI et de broderie pour les particuliers. Nous avons cessé de faire des tenues de motoneige et de plein air. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur les vêtements de travail, parce que c’est ce que nous faisons le mieux et le plus », explique Alexandra Gosselin, directrice adjointe et quatrième génération de la famille dans l’entreprise. Avantage régional Lancée en 2013, Altitude Conception, qui effectue principalement de la couture industrielle spécialisée et la production de tuques et accessoires pour sa division Flocon Sport, compte 17 employés. Pour la propriétaire et directrice générale, Christine Gagnon, il n’est pas plus difficile de percer les marchés de l’industrie textile à partir du Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Il faut aller cogner aux portes. Il faut être persévérant », souligne-t-elle. Le fait de produire localement est également un avantage, dans le contexte où l’engouement pour les marchandises faites dans la région ou au Québec augmente. « C’est certain qu’on a senti la vague d’achat local en 2020. Je pense que les gens vont acheter local s’ils le peuvent, mais le premier critère que nous voyons chez nos consommateurs, c’est la durabilité du produit », indique Karell Boivin d’Identification Sports. Main-d’œuvre Comme ailleurs, le défi qui occupe le devant de la scène pour les manufacturiers textiles est sans contredit la pénurie de main-d’œuvre. « Nous avons été une des premières industries à manquer de main-d’œuvre. […] Ça fait des années qu’il n’y a plus de cours qui se donne dans la région. Maintenant, nous offrons la formation à nos employés ici, sur place », révèle Michel Boivin. L’homme d’affaires s’est tourné vers le recrutement de travailleurs étrangers, dont les premiers sont arrivés il y a près de quatre ans. Quatre nouveaux sont attendus au cours des prochains mois, portant à 10 le total de travailleurs étrangers dans l’équipe. Altitude Conception s’est également tournée vers le recrutement à l’international. Quatre Tunisiens arriveront à la fin de l’année. « Nous sommes rendus là. Il n’y a pas de formation ni de relève dans la région. Avec le déclin des manufactures textiles dans les années 80 et 90, nous avons perdu de l’expertise », note Christine Gagnon. Alexandra Gosselin a aussi commencé à recruter dans d’autres pays, en plus de miser sur la formation à l’interne. Cette année, en collaboration avec le CSMO textile et le CFP de Jonquière, elle enverra former trois couturières qu’elle a réussi à recruter. « Même si une seule des trois reste après la formation, c’est déjà un beau gain », estime-t-elle. Transport et approvisionnement Pour Mme Gagnon, un défi de posséder une entreprise de textile en région, c’est la logistique de transport. « C’est problématique parce que nous sommes loin des grands centres. Il faut faire venir la matière première, mais aussi renvoyer les produits. Nous avons les frais de conteneur qui se sont ajoutés, plus le transport entre Montréal et ici. C’est sûr que ça joue sur le prix. Pour la boutique en ligne, les coûts de transport sont également un enjeu. » Mme Gosselin fait écho à ce point de vue. « Les pourcentages d’augmentation, c’est fou! […] Les coûts sont vraiment élevés. Nous avons souvent des ajustements à la hausse et nous ne savons pas combien ça va coûter. Nous pouvons avoir un ajustement après l’envoi parce que ça a coûté plus cher de gaz. » Comme pour beaucoup d’organisations depuis la pandémie, l’approvisionnement constitue aussi un enjeu de taille pour Identification Sports et Altitude Conception. « Les délais pour recevoir nos tissus ont augmenté. Il y a toujours quelque chose, des grèves, le blocus ferroviaire, le port de Shanghai fermé plusieurs fois, des conteneurs qui restent bloqués dans certains ports. C’est arrivé avec nos sangles, le conteneur était arrêté au port de Vancouver et il n’y en avait plus nulle part. Nous avons devancé nos réservations pour les détaillants à l’automne, pour avoir plus de latitude. Tout notre tissu pour 2023 est déjà commandé », révèlent Karell et Michel Boivin. Il faut aussi tenir compte de l’augmentation des prix liée à la guerre en Ukraine, de même que des taux de change qui fluctuent. « Les enjeux sont multiples », conclut M. Boivin. Industrie textile Les manufacturiers face à plusieurs défis Une employée d’Identification Sports à l’œuvre. (Photo: Karine Boivin Forcier) DOSSIER par Karine Boivin Forcier kbforcier@informeaffaires.com

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