Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Nos MRC, au coeur de la vitalité de nos communautés publié dans notre édition du mois de décembre.

SAGUENAY – En matière de ressources naturelles, la Conférence régionale des préfets (CRP) se concentre actuellement sur la forêt. Avec son département dédié à la foresterie, elle a notamment le mandat de coordonner les Tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire (TLGIRT).

Ces tables sont prévues par la loi et collaborent avec le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) pour l’élaboration des plans d’aménagement forestier. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, il existe deux Tables GIRT, une au Lac-Saint-Jean et une au Saguenay.

"Les TLGIRT rassemblent tout organisme ou personne qui a un intérêt pour l’aménagement du territoire. Elles réunissent l’industrie, les entrepreneurs forestiers, les villégiateurs, les ZECS et les pourvoiries, les organismes en environnement, les entreprises touristiques, les Premières Nations, etc. C’est par là que le ministère va passer pour consulter le milieu pour sa planification forestière", résume Isabelle Delisle, coordonnatrice des TLGIRT.

Ces tables permettent de s’assurer que les gens soient concertés en matière de planification forestière et puissent faire état de leurs préoccupations. "Malgré tout ce travail en amont, le MRNF a également l’obligation de faire des exercices de consultation publique. Ceux-ci sont aussi menés en collaboration avec la coordonnatrice des TLGIRT. C’est la CRP qui va inviter la population à participer et qui va faire un rapport des commentaires reçus", précise Aldé Gauthier, directeur du service de la foresterie et des ressources naturelles à la CRP et directeur général d’Alliance Forêt Boréale.

Préoccupations

Selon Isabelle Delisle, les TLGIRT du Saguenay et du Lac-Saint-Jean vivent des réalités différentes sur leur territoire. Les préoccupations évoquées diffèrent ainsi d’un secteur à l’autre. "Au Lac-Saint-Jean, on parle beaucoup d’accès à la matière ligneuse et du maintien des emplois. Un enjeu qui a aussi été beaucoup discuté l’an dernier est celui de la sécurité sur les chemins forestiers. La sensibilisation du public face aux travaux forestiers est également mise de l’avant", mentionne-t-elle.

Au Saguenay, ce sont plutôt le maintien de la qualité des paysages ainsi que l’accès pour le multiusage et le récréotourisme qui constituent les principales préoccupations. "Le défi, c’est de trouver un consensus auprès de tout le monde", ajoute la coordonnatrice.

Le manque de financement pour la sylviculture est toutefois un point chaud qui revient dans les deux tables. "On fait des investissements pour mettre en production des territoires, mais ensuite on manque d’argent pour en effectuer le suivi et l’entretien. C’est problématique pour tout le monde, peu importe que tu souhaites garder la forêt intacte ou que tu veuilles l’exploiter. Dans les deux cas, si tu fais un investissement, tu désires qu’il soit valorisé", indique Mme Delisle.

Suivi

Celle-ci explique que les participants aux TLGIRT se basent notamment sur le plan d’aménagement présenté par le ministère pour leurs discussions. Les Tables peuvent ensuite émettre des recommandations au MRNF, mais c’est le ministère qui a le pouvoir de décision.

La TLGIRT du Saguenay a été établie en 2010, alors que celle du Lac-Saint-Jean provient de la fusion de deux tables, en 2015. Elles ont donc plusieurs années de travail sur lesquelles fonder leurs réflexions. "Il y a plus de 500 enjeux identifiés pour la région. Ils sont bien documentés. Aujourd’hui, ils sont aussi suivis par les délégués des TLGIRT. Ceux-ci s’assurent que les préoccupations sont prises en compte et s’intéressent à la façon dont le ministère y répond. C’est certain qu’il y a de nouveaux enjeux qui s’ajoutent également", révèle Aldé Gauthier.

Alliance Forêt Boréale

Bien qu’Alliance Forêt Boréale (AFB) soit hébergée dans les locaux de la CRP et que M. Gauthier en soit également le directeur général, l’organisme est une entité complètement indépendante de la CRP et autonome dans sa forme et son fonctionnement. L’organisme couvre le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais aussi celui de la Côte-Nord.

L’accès à la ressource, un enjeu important

SAGUENAY – Le Saguenay–Lac-Saint-Jean est la première région forestière en importance au Québec. Les préoccupations liées à la forêt sont donc nombreuses, tout particulièrement concernant l’accès à cette ressource qui constitue le moteur économique de plusieurs communautés.

« En matière de foresterie, c’est certain que l’accès à la ressource demeure un enjeu préoccupant. Par là, je veux dire pouvoir aller récolter la forêt, l’aménager, la transformer. Il faut s’assurer que les communautés forestières de chacun des territoires puissent avoir des activités socioéconomiques afin de maintenir la vitalité de notre milieu », affirme d’entrée de jeu Aldé Gauthier, directeur du service de la foresterie et des ressources naturelles à la Conférence régionale des préfets (CRP) et directeur général d’Alliance Forêt Boréale (AFB).

Celui-ci explique que le calcul de la possibilité forestière est effectué par le Forestier en chef du Québec. Selon les chiffres présentés par le Bureau du Forestier en chef (mars 2023), cette possibilité s’établit à 7 269 000 mètres cubes de bois annuellement pour la région de 2023 à 2028. Même si le Forestier en chef a recommandé une diminution des possibilités forestières dans plusieurs régions à la suite des feux de forêt de l’été dernier, le Saguenay–Lac-Saint-Jean ne serait pas affecté par cette réduction.

C’est ensuite le ministère qui attribue les volumes de bois aux bénéficiaires de garanties d’approvisionnement. « Nous voulons nous assurer qu’il n’y ait pas trop d’impact à la baisse de cette possibilité forestière, tant par l’aménagement d’aires protégées ou de stratégies de protection, comme celle sur le caribou », indique M. Gauthier.

Un équilibre

Le directeur rappelle que l’accès à la matière ligneuse est un élément essentiel. Cette matière permet d’alimenter les usines de première transformation du bois, mais aussi de générer plusieurs autres activités connexes, comme la deuxième ou troisième transformation ou l’utilisation de la biomasse pour l’énergie.

Le but des membres d’AFB n’est toutefois pas de s’opposer à toute protection de la forêt ou de sa biodiversité. « Quand on parle d’aires protégées, nous voulons être certains qu’elles répondent aux besoins et ont une raison d’être sur le territoire. Pour la Stratégie caribou, nous sommes d’accord qu’il est nécessaire de protéger l’espèce. Tout l’aspect de la biodiversité est important. Nous ne sommes pas contre, mais nous aimerions trouver un point d’équilibre. Il faut qu’il y ait un développement durable, que ça ne soit pas fait sans égard à l’économie, à l’environnement ou aux emplois. C’est un tout où chaque sphère doit être en harmonie avec les autres », souligne Aldé Gauthier.

Fierté

Pour l’avenir, les communautés forestières régionales souhaitent pouvoir être fières de dire qu’elles vivent de la forêt, selon le directeur général d’AFB. « Nous voulons arrêter d’avoir à cacher nos activités forestières. Nous désirons pouvoir dire la tête haute que de la foresterie, il s’en fait au Québec, et de la bonne façon. Nous avons de bonnes pratiques, une rigueur, un régime forestier extrêmement sérieux », fait valoir Aldé Gauthier.

La coordonnatrice des Tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire (TLGIRT) à la CRP, Isabelle Delisle, rappelle qu’il s’agit exactement d’une des préoccupations évoquées à la table du Lac-Saint-Jean. « Ils veulent qu’on sensibilise les gens et qu’on mette la foresterie de l’avant », ajoute-t-elle.

Le directeur général d’AFB estime qu’il est possible de réaliser cette vision en trouvant des façons de faire qui concilient la protection de l’environnement, l’économie et le développement social des communautés. « Évidemment, nous ne souhaitons pas que l’exploitation forestière se fasse au détriment d’une espèce ou du maintien à long terme de la forêt. Nos communautés forestières veulent une pérennité et ça passe par celle de la forêt », assure M. Gauthier.

Même si la forêt est un sujet qui polarise beaucoup, Isabelle Delisle croit aussi qu’il est envisageable de rapprocher les points de vue avec l’information et la sensibilisation. « Sur les Tables GIRT, il y a tellement d’acteurs différents assis autour de la table. Ils sont capables de travailler ensemble et de trouver un consensus. Assurément, c’est faisable avec le grand public », conclut-elle.

Commentaires