Si les personnes qui détiennent l’information sont également celles qui détiennent le pouvoir, il est essentiel de se poser la question du pouvoir des régions. Et ici, il s’agit d’un enjeu de démocratie.
Les médias régionaux jouent un rôle fondamental et permettent non seulement le rayonnement des initiatives locales, ils donnent du poids aux élus des régions dans le positionnement parfois difficile des dossiers régionaux au Parlement canadien et à l’Assemblée nationale.
Le principe même de l’occupation dynamique des territoires en dépend. Sans médias forts, les régions perdront une part de leur autonomie décisionnelle et de leur identité propre. Perdront de l’influence. En plus d’informer les citoyens des développements locaux, ils agissent comme un forum pour les débats communautaires et permettent aux spécificités locales de vivre et d’exprimer les particularités culturelles des différentes régions.
Or, nous le voyons, les transformations profondes que nous vivons depuis 30 ans et qui sont générées par les avancées du web, par la convergence des médias, par la diminution des revenus publicitaires entraînent une baisse marquée du nombre de médias locaux.
Plusieurs éléments sont dérangeants et difficiles à contrôler, d’autres méritent de réfléchir pour y pallier. La convergence des médias, qui se déploie en permettant aux entreprises d’envergure d’absorber les petits joueurs locaux, entraîne une homogénéisation de l’information. De nos jours, que tu sois à Gatineau, à Amqui ou à Chicoutimi, tu es informé presque de la même manière.
Les décisions éditoriales ne sont plus des décisions de proximité. Quand on rapatrie des salles de nouvelles régionales dans les grands centres, il est évident que les sensibilités locales sont moins prioritaires, même si on tente de nous faire croire le contraire. Le nouveau principe semble plutôt être celui du « qu’est-ce qui va faire cliquer le plus grand nombre de personnes, le plus rapidement possible? »
Pourtant, plus que jamais il est impératif de reconnaître l’importance stratégique des médias régionaux non seulement pour la santé des démocraties locales, mais aussi pour la vitalité culturelle et sociale de la population des régions et pour leur poids relatif.
Il faut non seulement faire une prise de conscience plus lucide de tout cela, mais également agir. Plusieurs mesures ont été réfléchies par les gouvernements, notamment grâce à des programmes de soutien financiers, mais des leviers devraient être créés afin de s’assurer que des allégements fiscaux permettent la viabilité des modèles. Les médias eux-mêmes doivent être créatifs dans la capacité qu’ils ont de se réinventer et de s’ajuster aux besoins de leur clientèle.
Mais il serait une erreur de considérer l’industrie médiatique sans estimer son importance d’un point de vue démocratique. Sans estimer leur réel pouvoir. Le principe même d’équité du poids démocratique des électeurs s’appuie sur une prépondérance des régions qui ne s’appuie pas uniquement sur le nombre, mais également sur le respect des communautés naturelles. Et le rôle des médias fait partie de ces éléments qui doivent être respectés. Leur préservation est non seulement essentielle pour les communautés qu’ils servent, mais pour l’ensemble du tissu démocratique et pour la spécificité québécoise.
Le 15e anniversaire d’Informe Affaires est une belle opportunité pour démontrer qu’il y a de la place pour des initiatives différentes, pour des modèles innovants qui répondent aux principes énoncés, mais qui permettent également de répondre à un besoin.
Longue vie!