À l’heure où Métaux BlackRock doit présenter et défendre son projet de fonderie à Saguenay, et que l’entreprise doit faire un exercice similaire cet automne devant le Comité d’examen des répercussions sur l’environnement et le milieu social (COMEX) du Nord du Québec, une remise en question du projet, qui était loin d’être attendue chez-nous, s’est manifestée du côté du conseil de ville de Chibougamau.
En effet, lors de la première partie des audiences publiques du BAPE qui se sont tenues à Saguenay, les 19 et 20 juin derniers, la mairesse Manon Cyr et deux de ses conseillers sont intervenus auprès des commissaires, messieurs Germain et Renaud, pour faire valoir leur point de vue sur le projet d’usine, mais surtout pour interpeller les décideurs de la région sur l’impact du transport du minerai entre Chibougamau et Saguenay.
D’entrée de jeu, on peut se demander quel intérêt ont Mme Cyr et ses collègues à venir mettre en garde les élus du Saguenay–Lac-Saint-Jean sur un sujet qui les concerne spécifiquement. Dans les deux questions que la mairesse a soumises aux commissaires, la première contenait en préambule les démarches de consultations auprès des citoyens de Chibougamau qu’elle qualifiait de non crédible. Elle poursuivait ensuite en demandant si les maires du Lac-Saint-Jean avaient été consultés sur l’impact du transport du minerai dans les municipalités jeannoises.
Après vérification auprès de Métaux BlackRock il appert que l’entreprise a tenu des consultations publiques auprès des communautés de Chapais et de Chibougamau les 11 et 12 juin derniers. Une centaine de personnes se seraient présentées aux deux rencontres, notamment le maire de Chapais, M. Steve Gamache. Pour ce qui est de la consultation des maires du Lac-Saint-Jean, il aurait été facile pour la mairesse de Chibougamau de trouver réponse à ses interrogations en discutant avec ses collègues, les préfets des MRC concernées.
La deuxième question de Manon Cyr concernait notamment l’ouverture de BlackRock aux discussions avec les parties prenantes et l’acceptabilité sociale du projet auprès de communautés touchées. Là-dessus, le commissaire Germain a longuement expliqué à Mme Cyr que l’aspect très complexe de l’acceptabilité sociale ne concernait pas directement la commission ou sa mécanique de consultation.
Bien entendu, même si la communauté de Chibougamau s’est développée par et pour les ressources naturelles, il est tout à fait normal et souhaitable que des élus cherchent à obtenir le maximum de retombées et le minimum d’inconvénients pour leur population. Toutefois, au-delà des arguments de la mairesse et de ses collègues, les expressions, les mots et surtout le ton des interventions de ceux-ci laissaient clairement transpirer une grande frustration par rapport aux projets de mines et de fonderie de Métaux BlackRock.
Cette attitude, de la part de représentants d’une population qui est rompue aux activités minières et qui accueillera éventuellement une exploitation et des équipements qui créeront près de 200 emplois sur son territoire au cours des prochaines décennies, peut être difficile à comprendre. La seule explication plausible à cette stratégie questionnable de la part des représentants de la ville de Chibougamau, c’est qu’ils tentent peut-être d’amener la minière à ressusciter le projet initial de Métaux BlackRock. Celui-ci, qui aurait créé quelque 400 emplois à Chibougamau, consistait à extraire 3 millions de tonnes de minerai et à l’expédier outre-mer sans le transformer.
Autorisé en 2013, celui-ci a subi de nombreux changements puisque, toujours selon l’entreprise, différentes conditions du marché des métaux et l’impossibilité de financer cette première mouture ont obligé la minière à revoir ses plans. Un mal pour un bien, puisque le projet de départ, qui n’aurait vraisemblablement jamais vu le jour, s’est bonifié d’une fonderie qui va permettre des retombées globalement plus importantes pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Jamésie, en plus de permettre de développer une expertise nouvelle pour nombre de travailleurs impliqués.
Mentionnons par ailleurs que, selon les données de la minière, la durée de l’exploitation du gisement passera de 13 à 42 ans, ce qui aura un impact significatif pour la pérennité des emplois concernés à Chibougamau et chez-nous. Nous en saurons certainement davantage lors des audiences publiques du COMEX à l’automne, alors que Métaux BlackRock devra défendre la nouvelle version de son projet minier. À ce moment, il sera intéressant de voir quels seront la position et les arguments des élus de Chibougamau. Il faudra toutefois que ceux-ci jouent de prudence. Manon Cyr sait, plus que quiconque, que la réalisation de ces investissements est toujours fragile et tributaire de la volonté de les recevoir par les communautés concernées.