Voici la Une de notre édition papier du mois de décembre.
SAGUENAY – Les transformateurs haute tension sont sujets aux fuites d’huile. Or, selon le président-directeur général de Voltra Technologie, Marc Nadeau, seulement 20 % de ces installations en Amérique du Nord auraient une protection empêchant le déversement de cette huile dans l’environnement. Une problématique à laquelle la startup s’attaque avec sa technologie novatrice : le Détecteur récupérateur d’huile de quatrième génération (DRH4).
M. Nadeau, qui œuvre dans le domaine depuis de nombreuses années, estime à près de deux millions le nombre de transformateurs haute tension en Amérique du Nord. Ces dispositifs peuvent être utilisés près de tout type de centrales (hydroélectrique, nucléaire, au charbon, éolienne, etc.) et dans les postes électriques, mais aussi par les grands manufacturiers de différents secteurs ainsi que de plus petites industries, de même que des bases militaires, prisons, etc.
« Selon mon expérience et ce que j’ai vu, je peux dire de façon conservatrice qu’environ un transformateur sur quatre ou un sur cinq fuit en moyenne. […] Même si ce n’est qu’une goutte à la minute, ça peut représenter deux barils par année. […] Sur le nombre qui fuient, ce seraient des millions de litres déversés », affirme l’homme d’affaires, qui a eu l’idée de développer son produit en constatant dans son travail qu’il n’existait pas de solution permettant de détecter et de récupérer efficacement les fuites d’huile.
Différentes causes
Mentionnons que ces fuites d’huile, utilisée comme isolant dans les transformateurs, surviennent en raison des différentes propriétés mécaniques et physiques de ces équipements. La charge électrique, les températures internes et externes et autres conditions viennent exercer une pression sur les joints d’étanchéité, les boulons et autres éléments de ces installations.
Le vieillissement des transformateurs peut également influencer ces fuites. Or, selon le PDG de Voltra, quelque « 70 % des transformateurs à l’échelle mondiale ont atteint leur durée de vie utile en 2015 ». Outre le coût d’un nouvel équipement (4 M$ en moyenne), la capacité de production limite aussi le remplacement des transformateurs vieillissants. « Il faut donc les faire résister. Comment ? On les surveille, on les entretient. Ça prend une surveillance constante. »
Des solutions limitées
Certaines protections contre les fuites existent déjà dans l’industrie, constituées soit de bassins de confinement en béton et de séparateurs en béton, ou de géomembranes. Ces solutions ne sont toutefois pas parfaites et de nombreux transformateurs n’en sont toujours pas équipés.
Les bassins en béton, en plus d’être très onéreux, peuvent déborder lors de pluies. Les géomembranes peuvent quant à elles se colmater au fil du temps. Dans les deux cas, l’installation demande généralement l’arrêt du transformateur et donc, la mise hors tension d’une ligne.
Le DRH4 innove
Le DRH4 que propose Voltra Technologie, conçu par Marc Nadeau et son associé, Christian Martel, apporte une solution innovante à ces différentes problématiques. L’appareil est constitué d’un système de captation des fluides installé sur la base de béton du transformateur, relié à un appareil qui détecte la présence d’huile dans l’eau et qui sépare les deux liquides en environ 15 secondes, ce qui lui permet de traiter un grand débit.
L’eau qui sort du système est filtrée et, à la sortie du filtre, ne contient plus de traces d’hydrocarbures. L’huile est quant à elle récupérée dans un réservoir et pourra être réutilisée après traitement. « Le DRH4 fonctionne toutes saisons. Il est chauffé, fonctionnel à l’année », précise M. Nadeau. Avec ses trois modèles, l’appareil couvre toutes les grosseurs de transformateurs.
Détecter les fuites
Le DRH4 est donc en mesure de détecter les fuites rapidement. « Nous sommes capables de détecter la fuite, sa vitesse, si le filtre est colmaté, si le réservoir d’huile est plein. Ces capteurs sont contrôlés par un automate. Le but du système, c’est d’avoir une sentinelle 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et l’information, nous pouvons l’envoyer à distance avec n’importe quel mode de communication, en temps réel. Ça constitue une grande aide à la maintenance préventive », souligne l’homme d’affaires, rappelant que les trop grandes pertes d’huile peuvent entraîner des défaillances des transformateurs, voire même leur explosion dans les cas plus graves.
L’autre avantage de la technologie de Voltra est qu’elle s’installe rapidement, en moyenne en deux à trois semaines, sans avoir à mettre le transformateur hors tension. « Nous sommes capables d’installer en production. Notre système est mobile et personnalisable à chaque installation. Il est fait entièrement en aluminium, ce qui lui donne une grande légèreté et une longue durée de vie. » Le système est également de quatre à cinq fois moins cher qu’un bassin de confinement en béton.
Solution environnementale
Le DRH4 apporte donc non seulement une solution technologique permettant de détecter les fuites, mais il contribue à protéger l’environnement en évitant les plus petits déversements réguliers pouvant passer inaperçus qui, à terme, pourraient se retrouver dans la nappe phréatique et, de là, dans l’eau des lacs et rivières. Il s’agit d’un aspect cher au cœur des deux concepteurs, et qui assure le respect des normes environnementales très strictes qui prévalent au Québec en la matière.
Voltra Technologie accélère sa croissance
Voltra obtiendra le brevet américain pour son Détecteur et récupérateur d’huile de quatrième génération (DRH4). La technologie sera également brevetable, dans deux ans, dans 38 pays européens. « On va choisir stratégiquement parmi ces pays ceux dans lesquels on veut breveter », mentionne Marc Nadeau, président et directeur général de l’entreprise, qui prévoit ensuite la possibilité d’y exporter sa technologie.
Pour la prochaine année, la firme technologique concentrera son développement sur le marché canadien, particulièrement le Québec, l’Ontario et les provinces Maritimes. L’entrée sur le marché américain, du côté de la côte Est, est prévue pour 2023. « On veut commencer le plus près de nous possible, pour faciliter les choses au niveau logistique. […] La grande concentration des transformateurs est dans cette zone. »
En opération
Quatre unités du DRH4 sont en opération dans des installations fédérales depuis un an et les résultats sont excellents. Le système a démontré sa stabilité et sa fiabilité, tant l’été que l’hiver. L’entreprise prévoit signer d’autres contrats rapidement. « D’ici avril, on parle d’entre 10 et 20 unités pour l’amorçage, sans compter ce qui va s’ajouter par la suite », indique M. Nadeau, précisant que l’entreprise possède actuellement une capacité de production de 300 unités par année.
Si elle emploie seulement quatre personnes à temps plein, ainsi que quelques employés à temps partiel selon les besoins, dès que la production passera à 50 ou 75 installations par an, c’est une équipe de 25 travailleurs qui sera requise. Marc Nadeau souhaiterait atteindre ce rythme dès 2024.
Des défis
Pour arriver à accélérer sa croissance, Voltra devra toutefois réaliser certains défis, le marché de l’énergie n’étant pas facile à percer. « Le secteur de l’énergie est très conservateur. On arrive avec une nouvelle technologie et on n’est pas une grosse compagnie. Tout ça joue sur la vitesse à laquelle on peut entrer sur le marché. […] En fait, dans ce secteur, une startup qui arrive avec une nouvelle technologie qui n’existe pas ailleurs dans le monde, ça n’existe pas », explique Marc Nadeau, fier que son entreprise arrive à y poursuivre son développement.
Le PDG considère toutefois que le contexte actuel est propice à cette accélération de la croissance de Voltra, avec la mise à l’avant-plan des enjeux environnementaux, de protection de l’eau potable, d’économie verte et de développement durable. Il rappelle par ailleurs que, selon les données qu’il a récoltées, 80 % des transformateurs en Amérique du Nord ne sont pas encore protégés contre les fuites d’huile et que sa technologie propose une solution efficace et abordable à ce problème, ce qui contribuerait à alimenter la demande.