N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La construction : défis et croissance » publié dans notre édition du mois de février.

SAGUENAY – Le projet de Loi 59 modernisant le régime de santé et de sécurité du travail a été adopté fin septembre 2021 et sanctionné le 6 octobre. Première révision majeure dans ce domaine depuis plusieurs décennies, cette loi est très complexe et comporte de nombreuses modifications.

Il faut savoir que les textes de loi officiels n’ont pas encore été publiés. Beaucoup de points restent aussi encore à fixer par règlements. « Ce qu’il faut comprendre de ce projet de loi, c’est qu’il y a plusieurs choses qui vont se déterminer par règlement. Donc, au moment où l’on se parle, ils n’ont pas tous été écrits », affirme Audrey Massicotte, cheffe de service en gestion des lésions professionnelles à l’Association de la construction du Québec (ACQ).

Par ailleurs, beaucoup de changements aux anciennes lois amènent des situations complètement nouvelles. « On a beaucoup de droit nouveau, comme on le dit dans le jargon. Il va y avoir une évolution. Il n’y a aucune jurisprudence existante sur plusieurs des modifications », souligne Alain Lahaie, chef de service en santé, sécurité et prévention des lésions professionnelles à l’ACQ.

Si certaines modifications sont entrées en vigueur lors de la sanction de la loi, en octobre, d’autres viennent d’être mises en place début janvier. D’autres encore seront instaurées selon un calendrier qui s’échelonne jusqu’en octobre 2025.

Prévention

En ce qui a trait à la prévention, divers changements attirent l’attention, dont l’ajout des représentants en santé et sécurité (RSS), les modifications par rapport à certains dispositifs des comités de chantier et l’implantation de nouveaux dispositifs pour les programmes de prévention.

« Actuellement, on a des agents de sécurité sur les chantiers pour les projets de 8 M$ et de 150 travailleurs et plus. Avec le projet de loi, le terme a changé, on les appelle des coordonnateurs en santé et sécurité (CSS). Ils vont apparaître sur des chantiers à partir de 12 M$ ou 100 travailleurs et plus », ajoute M. Lahaie.Du côté des établissements (ateliers, garages, cours d’entreposage, etc.), là où il n’y avait pas de programmes de prévention, des plans d’action devront être soumis. Cela permettra de couvrir un plus grand nombre d’établissements.

Le chef de service résume les modifications par une présence accrue de la santé et sécurité et de la prévention sur les chantiers et dans les établissements, ainsi qu’une participation accrue des travailleurs. « C’est une participation qui sera règlementée. Il n’y aura pas de zones grises. Les obligations des employeurs seront accrues aussi en santé et sécurité et en prévention. »

Protection contre la violence

Depuis le 6 octobre, une modification entraîne l’obligation de l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection d’un travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale ou familiale. Le lieu de travail est maintenant défini comme un endroit où, par le fait ou à l’occasion de son travail, une personne doit être présente. Le télétravail est donc inclus.

« On n’a pas de cas connu. Ça va être nouveau. Nous ne savons pas comment l’adaptation va se faire. Ça va être beaucoup plus compliqué pour les petites entreprises. Il y a beaucoup d’organismes qui travaillent à décortiquer ce point et ce que ça va occasionner pour faciliter la transition », estime Alain Lahaie.

Maladies professionnelles

Du côté des maladies professionnelles, l’annexe présente au sein de la loi a été remplacée par un Règlement sur les maladies professionnelles. « Ce qu’il faut comprendre de ça, c’est qu’un règlement est beaucoup plus facilement modulable que la loi en soi. Ça va avoir pour effet d’ajouter de nouvelles maladies à même le règlement. Dorénavant, pour ajouter des maladies dans le Règlement sur les maladies professionnelles, il y a un comité qui va être formé. Celui-ci va analyser les relations entre la maladie, les relations causales, les contaminants, etc., en plus de faire des recommandations au ministre », indique Audrey Massicotte.

Point intéressant, les législateurs ont ajouté dans les maladies professionnelles la notion de lésion psychologique. « On vient ajouter le trouble de stress post-traumatique, qui était auparavant plus difficile à faire admettre. […] Tout ce qui est maladie psychologique, on peut se demander si c’est quelque chose qui va entrer éventuellement dans le règlement. Ça pourrait suggérer de nouvelles maladies », explique Mme Massicotte.

Elle précise que certains changements seront aussi apportés à la surdité professionnelle pour faciliter l’admissibilité des réclamations professionnelles.Les procédures d’assignation temporaire, par exemple lorsqu’un travailleur est blessé, ont été modifiées. La nouvelle loi obligera l’utilisation d’un formulaire prescrit par la CNESST qui devra être rempli par le médecin pour que l’assignation temporaire soit valide. « En venant ajouter ce formulaire, on ajoute une lourdeur administrative. C’est un processus qui est déjà assez difficile. »

Réadaptation

La loi ajoute aussi de nouvelles mesures en lien avec la réadaptation qui débutait auparavant quand la lésion était terminée. « Maintenant, […] la CNESST va pouvoir commencer la réadaptation dès la survenance de la lésion. Ainsi, on agit en amont. On risque d’éviter que certaines blessures deviennent chroniques », note la cheffe de service.

La nouvelle loi vient aussi encadrer le droit au retour au travail en se collant sur l’arrêt Caron. Celui-ci amène une obligation pour l’employeur d’évaluer toutes les possibilités de réintégrer au travail un employé ayant subi des lésions professionnelles au sein de son entreprise. « Il n’y a pas de délai dans lequel ça va pouvoir être appliqué. Ils viennent vraiment élargir ça de façon considérable. Ça peut aller quand même loin, jusqu’à des sanctions si l’employeur ne démontre pas tous les accommodements qu’il pourrait prendre. Le fardeau de preuve va revenir à l’employeur », conclut Audrey Massicotte.

Tournée provinciale

Évidemment, de nombreux autres changements peuvent affecter les entreprises. L’ACQ prépare d’ailleurs une tournée provinciale sur le sujet pour accompagner ses membres. Chacun de ses points de service dans les régions compte aussi un conseiller en gestion et en prévention qui peut répondre aux questions.