SAGUENAY - La présidente-directrice générale d'Investissement Québec, Bicha Ngo, effectuait début janvier sa première visite dans la région. En entrevue avec Informe Affaires, elle en a profité pour faire le point sur sa première année à la tête de la société d'État et les défis à venir en 2025. 


D'entrée de jeu, Bicha Ngo a souligné que la société d'État a augmenté ses interventions financières de 48 % au Saguenay-Lac-Saint-Jean l'an dernier, pour atteindre 125 M$. Quelque 220 projets ont été soutenus, pour un total d'investissements de plus de 350 M$. « Il y a vraiment un effet de levier de l'argent qu'on met. »

L'aspect le plus essentiel, selon elle, concerne toutefois les accompagnements en innovation. Ceux-ci ont presque doublé en 2023-2024 dans la région. « On mise beaucoup sur la productivité et ça, ça part de l'innovation. [...] C'est une métrique importante. Plus on a d'innovation, plus on a d'options à adopter pour les entreprises pour être productives », affirme-t-elle. 

Selon la PDG, ces chiffres constituent une excellente nouvelle, alors que le Saguenay-Lac-Saint-Jean compte deux secteurs-clés de l'économie québécoise avec l'aluminium et le bois d'œuvre. « C'est important de voir que les entreprises de la région continuent à investir là- dedans. »

Mme Ngo a également mis de l'avant la chaîne de valeur formée par les équipementiers comme une force pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. « J'étais avec un entrepreneur [le 9 janvier] qui a investi dans son usine et il utilise l'équipement de sociétés de la région. Je trouve ça formidable qu'entre entreprises, on s'entraide. [...] Il était fier de me dire que les appareils provenaient de telle entreprise régionale », illustre-t-elle.

Priorités

L'innovation et la productivité faisaient d'ailleurs partie des priorités de Bicha Ngo lors de son entrée en poste à la tête d'Investissement Québec, le 1er février 2024. Elle estime que les compagnies québécoises sont sur la bonne voie en ce qui a trait à la productivité. En 2017, la différence de productivité, mesurée en richesse produite par heure travaillée en entreprise, était d'environ 4,60 $ entre l'Ontario et le Québec. Il a diminué à 1,70 $ en 2023. « Il y a toujours un écart versus l'Ontario, mais il se rétrécit. Du coup, ce qu'on peut dire, c'est que nos entreprises québécoises ont augmenté leur productivité beaucoup plus rapidement que l'Ontario. On va continuer à miser là-dessus et aller dans ce sens pour qu'on soit encore meilleur », fait-elle valoir. 

La société d'État a aussi lancé, l'automne dernier, l'initiative grand V. « On donne les moyens aux entreprises de continuer à investir, d'autant plus que le contexte économique est beaucoup plus turbulent en ce moment », explique Mme Ngo. 

Bilan

À ses débuts comme PDG d'Investissement Québec, Bicha Ngo déclarait vouloir en faire un incontournable de l'activité économique du Québec. Un objectif qui se travaille en continu, selon elle. « Nous sommes déjà très présents dans tous les marchés », mentionne-t-elle. 

Elle rappelle que depuis son entrée en poste au sein de la société d'État à la fin 2019 comme vice-présidente, Placements privés, les entreprises soutenues ont connu une belle progression. « Si on regarde les organisations dans lesquelles nous sommes intervenus financièrement depuis 2019, 26 % sont passées de petites à moyenne ou de moyenne à grande. Quelque 27 % ont vu leur productivité augmenter de plus de 25 % durant cette période », dévoile-t-elle. 

Du côté de l'exportation, les ventes fermes hors Québec des entreprises accompagnées par les équipes d'Investissement Québec culminaient à près de 1 G$. Elles ont atteint plus de 5 G$ l'an dernier. « Nous allons pousser davantage en ce sens, toujours en complémentarité avec nos partenaires. Nous nous ajustons aux besoins des entreprises, du marché », partage Mme Ngo. 

Menaces de tarifs, des inquiétudes

Actuellement, l'une des principales préoccupations des entrepreneurs de la province concerne les menaces de tarifs douaniers émises par Donald Trump. « Le risque pour les entreprises, c'est de savoir quelle est l'étendue de ces tarifs et leur durée. Aujourd'hui, c'est très difficile à connaître. Il n'y a personne qui sait ce qui va arriver. Ceci étant dit, nous nous préparons. Nous sommes très à l'affût et nous suivons la situation de près », assure-t-elle.

La PDG explique qu'à court terme, ce serait un enjeu de liquidité pour les entreprises. Toutefois, à moyen terme, c'est plutôt la productivité qui pourrait aider les compagnies québécoises. « C'est pour ça qu'on mise tellement là-dessus. Plus nos entreprises sont productives, plus elles sont compétitives à l'échelle internationale. Donc oui les tarifs vont faire mal, mais on va avoir encore un avantage sur nos concurrents mondiaux », estime-t-elle. 

Se diversifier

Mme Ngo souhaite aussi diminuer la dépendance du Québec envers le marché américain pour les exportations. Actuellement, 70 % des exportations de la province sont dirigées vers les États-Unis. « Aujourd'hui, deux tiers du temps de nos équipes d'exportation est consacré à accompagner des entreprises dans des marchés hors États-Unis. Nous voulons les aider à ouvrir d'autres marchés que les États-Unis pour diversifier et mitiger le risque », dévoile-t-elle.

Bicha Ngo considère que ces efforts seront bénéfiques à moyen terme, que les menaces de Donald Trump soient mises à exécution ou non. « En ce moment, ce sont les tarifs, mais nous ne pouvons pas continuer à être dépendants comme ça de ce qui peut arriver à très court terme », conclut-elle.