Nous avons préparé la publication de ce cahier spécial sur l'aluminium au cours des dernières semaines dans une ambiance particulière, sur fond d'incertitude. L'industrie du métal gris est, depuis quelques années, en profonde mutation.

Malgré une augmentation constante de la demande mondiale en aluminium, le marché continue d'être difficile, notamment à cause de la surproduction de l'industrie chinoise et d'un marché dont les conditions sont de plus en plus complexes et artificielles. Le prix de la tonne de métal continue donc d'être plus ou moins équivalent au coût de production, ce qui freine de nombreux projets d'investissement.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, mis à part ces phénomènes sur lesquels nous n'avons pas réellement de prise, différents dossiers ont alimenté le sentiment d'incertitude de la communauté économique. Outre le fait que Rio Tinto cherche à faire accepter sa proposition de prolongement et de remplacement du site d'entreposage des résidus de bauxite, pour prolonger la vie de Vaudreuil, les décideurs régionaux attendent toujours des signaux positifs pour l'agrandissement de l'aluminerie d'Alma et pour la phase 2 de « l'usine laboratoire » AP-60. Sans compter que le forum « Pacte Social Aluminium », qui s'est déroulé à Saguenay le 2 septembre dernier à l'initiative de l'UQAC, s'est déroulé sans la présence de trois intervenants majeurs, soit le Syndicat national des employés de l'aluminium d'Arvida, la Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le-Fjord et Rio Tinto.

Toutefois, même si ces deux projets d'investissement dans l'électrolyse étaient annoncés demain matin, les experts mondiaux sont formels : la production d'aluminium de première coulée créera de moins en moins d'emplois dans les années qui viennent. La robotique et les technologies de production sont en évolution fulgurante et ne nécessitent dorénavant que très peu de ressources humaines. L'espoir de croissance dans cette industrie réside donc bien davantage du côté de la transformation de l'aluminium.

Un effet domino

Les derniers mois nous ont cependant prouvé que nous étions loin de la coupe aux lèvres. Les soubresauts vécus chez Pexal Tecalum et SigmaDek nous rappellent difficilement que la 2e et la 3e transformation de l'aluminium sont complexes et difficiles. Ces deux usines ont des destins étroitement liés; le premier à titre de fournisseur d'extrusion, le second à titre de client. C'est d'ailleurs pour la présence de Pexal que SigmaDek s'est installé en région. Les deux entreprises sont maintenant en difficulté et les prochaines semaines seront déterminantes pour l'avenir de ces joyaux régionaux.

Bien entendu, même si certains problèmes vécus par Pexal et SigmaDek ont eu un impact significatif sur l'une et l'autre entreprise, il demeure que les raisons profondes des insuccès rencontrés par ces deux compagnies sont de nature bien différente. J'ai eu l'occasion de discuter souvent et longuement avec des intervenants gravitant autour de ces projets et je peux dire, sans dévoiler d'informations sensibles, que les deux personnes impliquées dans les deux organisations ont, malgré les embûches, un désir réel de relancer les usines au cours des prochains mois. Nous leur souhaitons, et à nous aussi, la meilleure des chances.

Une coalition interrégions

Malgré ces difficultés, il faut que la région continue de travailler en concertation pour développer ce créneau porteur. Pour l'économiste Marc-Urbain Proulx, qui a déposé le 2 novembre dernier le rapport exécutif du forum « Pacte Social Aluminium », la région et celle de la Côte-Nord devraient se coaliser pour réclamer à tout prix la levée de la « prime du Midwest », qui handicape grandement la rentabilité de l'industrie de la transformation régionale. Il va plus loin en suggérant aux décideurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean de se doter d'un leadership collectif puissant et de définir « une demande sociale » sur la transformation, en compensation aux importants avantages énergétiques consentis à Rio Tinto dans la région. Je ne peux qu'être d'accord avec ces deux propositions.