SAGUENAY – Pour Chrystine Martel et Christian Desbiens, propriétaires d’AMEC Construction, il allait de soi que la meilleure personne pour prendre la relève des affaires était leur fille Marie-Pier, passionnée par la construction depuis toute petite et diplômée en génie civil depuis 2016. La démarche a été officialisée en 2020, alors qu’elle a rejoint l’actionnariat de l’entreprise familiale.
Marie-Pier Desbiens a officiellement été intégrée dans AMEC Construction en 2016 en tant que chargée de projet, après y avoir fait ses stages pendant ses études universitaires et collégiales. « Marie-Pier a toujours aimé la construction. Elle a toujours baigné là-dedans. […] Ça s’est fait très naturellement. […] Je ne voyais pas d’autre personne qu’elle pour prendre la relève », affirme Chrystine Martel.
Pour Marie-Pier, la décision s’est également prise facilement. « Quand est venu le moment de faire mon choix de carrière, rien ne passait devant, rien n’était venu surpasser la construction. Ensuite, j’ai demandé si c’était possible que j’intègre la compagnie et que je prenne leur relève. C’était fluide », explique-t-elle.
Milieu non traditionnel
Dans un milieu plus typiquement masculin, c’est une fierté pour Mme Martel de voir sa fille prendre la relève. « Dans le milieu de la construction, tu imagines souvent que c’est le fils qui va reprendre l’entreprise. Mais nous, c’est notre fille qui est intéressée, qui apporte des idées nouvelles. C’est un bonheur de voir notre fille aussi intéressée », souligne-t-elle.
Selon Marie-Pier Desbiens, les femmes commencent à être plus présentes dans ce secteur et à y faire leur place, même si, lors de ses études collégiales en Techniques de génie civil, il n’y avait que trois étudiantes dans sa cohorte et qu’à l’université, elle estime qu’il y avait peut-être 2 % à 3 % de femmes dans ses cours. « Plus ça va, plus il y a de femmes. Cette année, pour la première fois, j’ai fait un chantier où, par moments, on était seulement des femmes. […] Il y a eu des fois où j’ai été confrontée à des commentaires misogynes. Il arrive des moments où c’est plus difficile parce que tu es une fille, mais c’est une minorité de fois. Le fait que tu sois compétente est le plus important », note-t-elle.
Elle considère que la grande importance qu’elle accorde au respect et son professionnalisme lui ont permis de faire sa place au sein de l’entreprise. Curieuse, elle adore aussi apprendre sur tous les aspects d’AMEC Construction à partir de l’expérience de tous les employés et elle pose beaucoup de questions. « Je pense qu’il faut foncer, ne pas s’arrêter au jugement des autres et se faire confiance. Ce n’est pas parce que tu es dans une minorité que tu n’as pas ta place », croit-elle. « On a vraiment de bons commentaires des clients. De plus en plus, ils vont passer directement par elle. Elle a une belle relation avec eux », souligne Chrystine Martel.
Une coach incontournable
Si, au départ, parents et fille n’avaient pas prévu d’accompagnement particulier en ce qui a trait au processus de relève, ils ont vite fait volte-face pour se tourner vers une coach professionnelle, Audrey Tremblay. L’investissement en valait vraiment la chandelle, selon les deux entrepreneures. « On n’y avait jamais pensé. On se disait qu’on n’avait pas besoin de ça, on est tissé serré. Mais oui, finalement, on en avait besoin. Elle nous a guidés, nous a aidés dans nos réflexions », raconte Mme Martel, évoquant le fait que la grande proximité familiale peut aussi être un défi en contexte de travail. Des conflits et divergences d’opinions ont notamment fait surface à certains moments. « C’est différent, quand tu tombes dans le contexte des affaires, il y a des choses que tu ne sais pas. C’est vraiment primordial », ajoute sa fille.
La coach de relève a tenu avec eux des rencontres individuelles et en groupe, ce qui leur a permis de gérer des problématiques, d’obtenir des trucs et de faciliter les discussions et la transition. Elle leur a aussi donné des pistes pour guider leurs actions, dont le respect, l’écoute, la logique familiale versus l’entreprise, avoir du plaisir, utiliser l’humour, rire et se taquiner. « Tout le monde en est sorti grandi. Ça a profité à tout le monde, même aux employés qui ne sont pas dans la famille. […] Aujourd’hui, on ne pourrait pas avoir de meilleure équipe à la tête d’AMEC Construction », estime Chrystine Martel.
Un horizon de cinq à sept ans
Christian Desbiens et Chrystine Martel sont encore très actifs dans l’entreprise et ne comptent pas prendre leur retraite avant cinq à sept ans encore. Toutefois, ils s’y préparent, notamment en engageant une adjointe pour Mme Martel, qui s’occupe de l’administration, afin de prendre le temps de bien la former avant le départ des cédants. L’embauche d’une ressource qui pourra appuyer Mme Desbiens pour les estimations, notamment, est aussi prévue. « La relève, c’est important. On va accompagner Marie-Pier jusqu’à ce qu’on sente que tout est en place pour qu’elle réussisse », précise la mère. « Mes parents, pour moi, ce sont la meilleure source d’information. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre d’eux », conclut la jeune fille de son côté.
Rappelons qu’AMEC Construction œuvre dans les domaines de la construction commerciale, industrielle et institutionnelle. L’entreprise a été fondée en 2003 par M. Desbiens et Mme Martel. M. Desbiens comptait alors déjà plusieurs années d’expérience dans le domaine.