N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Formation et main-d'oeuvre, un milieu en évolution, publié dans notre édition du mois d'août.
Charles-André Morel, directeur de l’équipe conseil au Centre de Transfert d’Entreprise du Québec (CTEQ), rappelle l’importance d’une préparation en amont. « Quand on s’y prend tôt, on peut mieux valoriser son entreprise. Par exemple, une question essentielle est : ‘Avez-vous identifié une relève potentielle ?’ Si l’on envisage de vendre à des employés, il est fondamental de se préparer et d’identifier les repreneurs pour que la transition se fasse en douceur et qu’on donne le temps à la relève d’investir graduellement et non d’un seul coup »
Impliquer les employés dès le début du processus de relève permet de garantir une continuité dans les opérations et de réduire les risques de départs anticipés. En étant partie prenante du processus, les employés-clés se sentent valorisés et plus engagés envers l’avenir de l’entreprise. M. Morel précise que dans le cas d’un processus de continuité à l’interne, c’est-à-dire en offrant l’actionnariat à des ressources-clés de l’entreprise, la préparation est encore plus importante. « Un bon plan de relève peut inclure des achats étalés sur plusieurs années. Cela permet de préparer le terrain et d’atténuer la pression financière sur les acheteurs. »
Maintenir l’entreprise en bonne position
Pour le releveur, la clé du succès réside dans la gestion du changement. « Lorsqu’on parle de transfert de pouvoir, il est important de considérer l’impact émotionnel sur les employés. Imaginez des employés qui ont eu le même patron pendant 25 ans. Tout changement peur occasionner des défis. Encore plus si ce dernier reste dans les locaux après la vente, les employés continueront à se référer à lui, même si la transition a été planifiée. C’est important de mettre en place une stratégie pour que le changement de leadership se fasse sans heurts » explique le directeur.
Un changement trop rapide ou radical dans les services et les processus peut déstabiliser l’entreprise. Il est recommandé d’adopter une approche progressive et de maintenir les opérations courantes tout en introduisant lentement de nouvelles idées. « Nous recommandons souvent une transition longue pour s’assurer que l’opération soit un succès. Une transition trop courte peut mener à des tensions et à une adaptation difficile pour toutes les parties impliquées, et ça, on ne le souhaite pas. Le pire scénario est de voir des employés quitter l’entreprise parce que les conditions ne plaisent plus » ajoute-t-il.
Relève par les employés : une avenue sous-estimée
Au Québec, la reprise d’entreprise par les employés est une option encore peu explorée. Pourtant, elle présente de nombreux avantages. Les employés connaissent déjà bien les opérations et la culture de l’entreprise, ce qui réduit les risques liés à la transition. Charles-André Morel illustre ce point avec un exemple : « Nous avons accompagné un cabinet d’architecture dont le nom était celui du fondateur. Le plan de relève a pris près de deux ans pour s’activer, avec quatre employés partageant le pouvoir. Ce processus a permis de définir clairement les rôles et d’assurer que chacun avance au même rythme, évitant ainsi les tensions. »
La reprise par les employés peut aussi être financièrement moins lourde. « Parfois, les dividendes générés par l’entreprise peuvent même contribuer au paiement des parts, ce qui vient offrir une belle alternative qui rassure les acheteurs potentiels. C’est une avenue souvent méconnue qui peut être gagnante pour la pérennité de plusieurs entreprises, surtout si elles sont profitables » souligne Morel.
Prudence avant d’annoncer la vente aux employés
Annoncer prématurément le processus de relève peut créer des instabilités. « Si des rencontres sont organisées trop tôt, cela pourrait créer des départs anticipés et de l’instabilité, » prévient le directeur au CTEQ. Il est donc important de maintenir une certaine discrétion et de planifier l’annonce officielle une fois la transaction conclue selon lui.
Cette prudence est essentielle pour assurer la continuité des opérations et maintenir la confiance des employés. Un processus de relève bien orchestré, avec une annonce au moment opportun, peut garantir une transition en douceur et sécuriser l’avenir de l’entreprise. « Les communications doivent se faire en toute transparence dès la signature pour éviter que les employés aient peur. Avant ça, il y a trop d’incertitude et l’équipe pourrait se méfier. Bien que la transparence et la saine communication soit importante, il faut que les chefs d’entreprise soient stratégiques lorsqu’un processus de la sorte s’active » ajoute-t-il.