« J'ai un client, il y a plusieurs années, qui m'a [...] dit qu'il avait une unité d'affaires pour laquelle il avait implanté un système, mais qu'il n'y a jamais personne qui l'a utilisé, parce que les travailleurs ne voulaient pas y recourir. La solution était disponible, mais tant que les gens ne s'en servent pas, on ne peut pas dire que le projet est fini », illustre M. Laquinte.
C'est là que la gestion du changement prend tout son sens. Or, beaucoup d'entreprises sous-investissent encore dans cet aspect. « Parfois, on a l'impression que nos équipes sont habituées au changement, qu'on va envoyer un courriel à propos de la modification à venir et que ça va bien aller. C'est rarement le cas. Il y a des craintes, des appréhensions, des questions et il faut prendre le temps de le faire », souligne le président de Talsom.
Il rappelle une statistique selon laquelle 68 % des projets de transformation n'atteignent pas leur objectif à cause, principalement, d'une mauvaise gestion de changement. « Si l'organisation n'est pas prête, si les gens ne sont pas prêts à un changement technologique, on aura beau investir ce qu'on veut en technologie, la solution ne fonctionnera pas », prévient-il.
Bonnes pratiques
La première chose à faire lorsqu'on veut faire un projet de transformation technologique, c'est de bien expliciter la raison derrière ce changement. « Il faut s'assurer que, quand on communique cette raison, on intègre le what's in it for me. On doit expliquer quels sont les bénéfices que les membres des équipes vont retirer », indique Olivier Laquinte.
Les gestionnaires doivent aussi laisser la place à l'expression des craintes que les employés pourraient avoir. Ils doivent également en discuter et éviter de les mettre de côté ou de les diminuer. « Il n'y a rien de pire que de ne pas répondre à des appréhensions. Il vaut mieux dire : écoutez, je n'ai pas encore la réponse à cette question, mais on va la noter et on va être capable de vous répondre à tel moment », affirme M. Laquinte. Il ajoute que les projets de transformation comprennent souvent plusieurs phases et qu'il est normal de ne pas toujours avoir toutes les réponses au départ.
Les gestionnaires devraient donc baser leur plan de communication sur ces éléments, tout en s'assurant d'avoir un bon niveau de transparence avec leurs équipes sur l'avancement du projet. « J'ai vu parfois que des groupes réfractaires au changement se faisaient mettre de côté. Il faut éviter de faire ça. On peut se créer un réseau de champions à l'interne pour communiquer le projet, mais quand des enjeux sont soulevés, on doit vraiment les prendre en considération. »
Faire face à la résistance
Le président de Talsom révèle que ses équipes qui accompagnent les entreprises en gestion du changement se basent sur la méthode ADKAR, pour Awareness, Desire, Knowledge, Ability, Reinforcement. Ce modèle, créé pour faire face à la résistance naturelle au changement, réduit les risques de blocages pour chacune des parties prenantes.
La première étape, Awareness, touche la prise de conscience de l'objectif qui justifie la nécessité de changement à travers une communication avec les salariés. Le Desire s'attaque au désir de mettre en place le changement dans l'entreprise en tant qu'individu. Le Knowledge concerne la connaissance du système implanté par la transformation, à travers de la formation ou du coaching. Cela mène à l'Ability, soit la capacité à concrétiser le changement au niveau de l'équipe et de l'individu, liée à cette formation ou ce coaching. On termine avec le renforcement de l'innovation introduite grâce au processus de changement réalisé et aux actions des gestionnaires.
Culture technologique
Selon Olivier Laquinte, avoir déjà implanté une culture technologique au sein de son entreprise peut faciliter l'arrivée d'une nouvelle solution dans les équipes, mais cela ne dispense pas de faire de la gestion du changement.
« On peut faire un parallèle avec quelqu'un qui fait des marathons. Cette personne va se garder une forme de base toute l'année, mais à l'approche d'une compétition, elle va modifier son programme d'entraînement pour être prête pour faire son 42 km. Pour moi, la culture technologique, c'est d'avoir la base en tout temps, et d'être capable, à un mois d'une course, de dire qu'on est prêt. Mais même si on a une culture du numérique dans l'organisation, les gens vont quand même avoir des questions », conclut-il.