Le concept de mine autonome peut être comparé à un casse-tête dont les pièces sont encore en cours de définition et d'assemblage. « Chaque mine a ses caractéristiques propres, qu'il s'agisse de sa localisation, de la nature de ses gisements ou des conditions logistiques. Cette diversité offre un champ exceptionnel pour le développement technologique », explique Alain Beauséjour, directeur général du Groupe MISA, une organisation spécialisée dans l'innovation minière.
Depuis 2019, les initiatives en matière d'autonomisation des mines ont gagné en maturité, mais il reste des étapes clés à franchir avant que ces sites puissent fonctionner sans intervention humaine directe. Les experts prévoient que les technologies nécessaires seront pleinement opérationnelles dans la prochaine décennie, notamment grâce à des tests et des validations dans des complexes existants.
Des avantages économiques et stratégiques
L'intérêt pour les mines autonomes repose sur plusieurs avantages clés. En premier lieu, elles permettent de réduire les risques opérationnels en éloignant les travailleurs des zones dangereuses. Cette automatisation contribuerait également à des gains de productivité grâce à l'optimisation des processus et à une réaction plus rapide aux enjeux opérationnels. Ces avancées pourraient donc engendrer une augmentation des emplois, bien que les compétences requises soient appelées à évoluer vers des profils davantage techniques.
Un outil pour la transition énergétique
Alors que la transition énergétique mondiale accélère la demande pour les minéraux critiques et stratégiques, comme le lithium et le nickel, le concept de mine autonome prend tout son sens. Ces technologies pourraient améliorer la rentabilité de projets miniers souvent complexes et coûteux, tout en réduisant leur impact environnemental.
Le sous-sol québécois, bien que riche, ne possède pas de gisements de classe mondiale comparables à ceux d'autres régions, comme l'Amérique du Sud. Cependant, l'optimisation des performances grâce aux technologies autonomes pourrait compenser cet écart et augmenter le nombre de projets miniers concrétisés. À cela s'ajoute un avantage concurrentiel pour le Canada, reconnu pour ses normes élevées en matière d'environnement et de gouvernance, ce qui répond aux exigences croissantes des chaînes d'approvisionnement mondiales.
Des tests dans les complexes existants
Si les nouveaux complexes miniers [appelés « greenfields »], exploitant notamment les métaux critiques et stratégiques, offrent un terrain idéal pour l'expérimentation des technologies autonomes, leur coût élevé, de 750 millions à 1 milliard de dollars ou plus, exige des précautions. Les investisseurs, souvent internationaux, cherchent à minimiser les risques avant de s'engager dans de tels projets.
Par conséquent, les complexes miniers traditionnels [« brownfields »] exploitant des gisements comme le fer, l'or ou le cuivre, plus stables et établis, jouent un rôle clé dans le développement progressif des mines autonomes. En testant des technologies sur des infrastructures existantes, l'industrie peut valider des solutions sans compromettre la viabilité économique des projets.
Transformation des emplois
La transition vers les mines autonomes redéfinira les métiers de l'industrie. Les profils techniques, comme les technologues et les analystes de données, deviendront prédominants, tandis que les postes traditionnels seront progressivement remplacés par des rôles axés sur l'opération et la gestion de systèmes automatisés. Cette évolution exige des efforts importants en matière de formation et de transfert des compétences.
Malgré ces transformations, Alain Beauséjour est optimiste : « Je doute qu'il y ait moins d'emplois dans l'industrie. Au contraire, le secteur continuera de croître, mais les emplois seront radicalement différents. »
Une voie prometteuse pour le Québec
Avec ses réserves de minéraux stratégiques et son expertise en matière de projets d'envergure, le Québec a tout intérêt à jouer un rôle de premier plan dans le développement des mines autonomes. « Bien que les défis soient nombreux - de l'acceptabilité sociale aux investissements considérables -, les opportunités économiques et technologiques qu'offre cette transition s'annoncent prometteuses », de conclure M. Beauséjour.