SAGUENAY - Vous trouverez peut-être curieux qu’Informe Affaires consacre sa Une et trois pages de textes pour souligner le départ à la retraite d’un syndicaliste. Je vous l’accorde. Mais je tenais à rendre un hommage senti à un individu au profil unique et dont je considère le parcours et les réalisations exceptionnelles. De mon point de vue, Alain Gagnon est définitivement un homme qui réconcilie le développement économique et le militantisme syndical. Voici pourquoi.
En douze années de présidence du Syndicat National des Employés(es) de l’Aluminium d’Arvida, il a réussi à convaincre ses troupes de l’appuyer dans une approche innovante et pragmatique pour conserver le maximum d’emplois possibles, en négociant intelligemment et stratégiquement avec l’employeur. Héritier de la Stabilité opérationnelle, négociée par ses prédécesseurs, lui et son équipe ont choisi la concertation.
Il a misé sur une approche de coopération et de transparence avec Rio Tinto, dans une relation gagnant-gagnant. En même temps, ce lobbyiste de haut niveau s’est prudemment validé auprès de la classe politique et du milieu socio-économique pour cautionner et appuyer sa démarche, notamment dans le cadre de la prolongation de l’opération des précuites jusqu’en 2025, tout en espérant des investissements majeurs, qui se font toujours attendre à son grand désarroi.
Homme de terrain, Alain Gagnon a parié sur l’intelligence et l’ouverture de ses syndiqués pour les motiver à en donner toujours plus. Non pas pour faire plaisir à la compagnie où à ses actionnaires, mais plutôt pour prouver aux gestionnaires de Rio Tinto que ses usines vieillissantes pouvaient être performantes et rentables. En même temps, cet homme attachant n’a jamais perdu de vue l’importance de l’intégrité physique et psychologique de ses membres, en intervenant régulièrement dans des conflits ou des drames personnels les affectant. Parce que les syndiqués lui ont fait confiance, il a gagné sa gageure pour Vaudreuil 2022, mais également pour l’usine Petits Lingots Saguenay ainsi que dans d’autres unités où plusieurs emplois ont été créés ou sécurisés sur la base d’une approche innovante de la production. Il devenait ainsi difficilement justifiable pour l’entreprise d’annoncer la fermeture de certaines installations considérées comme vétustes. Féru de macroéconomie, Alain Gagnon a toujours été à l’affût des impacts de la mondialisation et du développement d’une compétition mondiale féroce à notre industrie
du métal gris. Il a toujours défendu bec et ongle, face à Rio Tinto, mais aussi devant les politiciens de Québec et d’Ottawa, l’idée de produire des alliages de niche pour distinguer la production régionale et défendre la région d’une concurrence souvent considérée comme déloyale.
Dans une vision à 360o de l’économie régionale, Alain Gagnon a aussi et surtout été un grand promoteur de l’importance de la grappe de PME du secteur de l’aluminium et des milliers d’emplois indirects et induits qu’elle a générés. Il a d’ailleurs beaucoup investi de temps et d’énergie dans les organisations qui supportent les équipementiers et fournisseurs de cette industrie.
Quand il regarde en avant, cet homme de conviction demeure d’un optimisme prudent sur les défis qui attendent l’industrie de l’aluminium, se gardant aussi une certaine réserve en regard de l’avenir économique de la région, particulièrement dans le contexte de la crise que la planète vit actuellement. Il considère que la mondialisation a clairement démontré ses limites et ses dangers au cours des derniers mois, notamment pour la chaîne d’approvisionnement off-shore et le concept du juste à temps, qui met grandement en danger notre économie.
À ce chapitre, il invite d’ailleurs les décideurs à revoir notre modèle de développement et de production de biens et services, qui est désormais grandement fragilisé. Dans ce contexte, Alain Gagnon espère que les bonnes résolutions énoncées par de nombreux intervenants publics pendant la pandémie vont survivre à l’après-COVID.
Voilà, j’en profite pour souhaiter une merveilleuse retraite à Alain Gagnon, mais, connaissant ce régionaliste pur et dur, je suis certain qu’avant longtemps, on va le revoir sur la scène régionale pour relever un nouveau défi. Merci et au plaisir M. Alain Gagnon !
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