SAGUENAY – Le projet de loi 59 modernisant le régime de santé et sécurité au travail, les enjeux de la main-d’œuvre, le prix des matériaux et les négociations de conventions collectives sont les principaux enjeux de l’Association de la construction du Québec(ACQ) lors des prochains mois, selon Guillaume Houle et France Boivin, respectivement responsable des Affaires publiques à l’ACQ et directrice générale ACQ-Saguenay-Lac-Saint-Jean.
« Deux éléments particuliers nous préoccupent dans ce projet de loi 59 modernisant la Loi remontant à 1979. Au niveau de la réparation (blessures), avec la nouvelle mouture, l’entrepreneur est tenu de payer à 100 % un travailleur qui aurait eu un problème de santé qui serait survenu sur son lieu de travail, même si le problème était chronique ou latent, comme un mal de dos par exemple. Actuellement, l’entrepreneur peut demander à la CNESST de partager les frais, prenant en charge la portion qui lui incombe (le nombre d’heures sur son chantier). Comme dans l’ensemble du projet de loi, nous avons eu la confirmation du cabinet du ministère du Travail qu’il va y avoir des modifications majeures relativement au projet de loi tel qu’il est sorti », affirme Guillaume Houle, en précisant que tous les intervenants, syndicats, patrons, associations d’handicapés sont sur la même longueur d’onde quant à l’option du statu quo.
Droit de gérance incontournable
Un autre article qui préoccupe l’ACQ dans le PL59 concerne les représentants en santé-sécurité au travail (RSS). Cette notion existe dans l’actuelle loi, mais n’a jamais été mise en application, et le gouvernement veut l’activer dans son projet de loi. Cette condition touche les relations de travail, alors que ce sont les syndicats qui nommeraient un représentant des travailleurs en SST. « Vous comprendrez que, sur un chantier, il y a beaucoup de corps de métiers qui se promènent et on devra nommer un représentant à partir du moment où l’on sait qu’il y aura 10 travailleurs. Dès que ce représentant a terminé son travail, il faudra en nommer un autre qui demeure sur le chantier, ainsi de suite. Actuellement, ce sont des agents de santé et sécurité provenant de firmes spécialisées qui se promènent sur les chantiers. Les patrons et les syndicats, qui veulent plus de pouvoir et qui désirent former des équipes volantes, ne sont pas d’accord sur ce sujet. On trouve important que l’employeur conserve son droit de gérance et, évidemment, dans les plus gros chantiers (plus de 100 travailleurs), on conserve le comité paritaire », précisent les deux intervenants.
La prévention, un enjeu
Quant à l’article qui touche la hiérarchisation des moyens de prévention, la nouvelle loi prévoit que l’employeur ferait parvenir son programme de prévention de santé et sécurité au travail, en plus de hiérarchiser ses moyens de prévention en fonction de la dangerosité sur les chantiers. « Le problème c’est que l’inspecteur de la CNESST aurait le droit de modifier à sa guise le programme de prévention s’il juge qu’il y a des manquements. Ces modifications vont forcément avoir des coûts et l’entrepreneur doit les prévoir dans ses soumissions. On dit oui à ce que l’inspecteur passe sur les chantiers et fasse des recommandations, mais les entrepreneurs ne peuvent pas déclarer leur chantier avant même de déposer leur soumission. C’est impraticable. »
La directrice générale régionale, France Boivin, ajoute du même souffle qu’un préventionniste de l’ACQ se promène de chantier en chantier pour donner des programmes de prévention, les corriger, ajouter des clauses (COVID, par exemple), etc. Juste l’année dernière, il y a eu 20 000 inspections d’accompagnement pour améliorer les pratiques en santé et sécurité au travail à travers le Québec. »
Pénurie de main-d’œuvre
Pour l’ACQ, les enjeux de pénurie de main-d’œuvre demeurent une priorité pour ses membres alors que l’industrie sera au cœur de la relance économique du Québec. L’amélioration de la réglementation quant à l’accès à l’industrie, la diplomation décroissante, le manque alarmant de compagnons ainsi que la polyvalence et l’efficience sur les chantiers de construction est devenue incontournable. Parmi les mesures proposées, l’ACQ croit que celles qui concernent la reconnaissance des compétences acquises dans d’autres domaines pourront très certainement aider l’industrie à court terme.
« On remarque aussi que 60 % de la main-d’œuvre de la construction au Québec vient de l’ouverture des bassins et non pas des centres de formation. C’est énorme. On rappelle que ces bassins comprennent 25 corps de métier et lorsqu’il y a moins de 5 % de travailleurs dans un bassin, la CCQ peut ouvrir au grand public les cartes offertes pour travailler dans le secteur. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, les métiers de ferrailleurs et de mécaniciens d’ascenseur sont ouverts depuis plusieurs mois », précise Mme Boivin.
Augmentation considérable des prix des matériaux
Par ailleurs, l’ACQ s’attend à une augmentation considérable du prix des matériaux de construction, plus particulièrement le bois et l’acier. En plus de la forte demande aux États-Unis, il y a un risque de pénurie de bois pour la prochaine année. « Le bois est un secteur nord-américain et non spécifique au Québec. Les coûts de matériau lié à l’acier ont aussi augmenté de 40 % au cours des derniers mois. C’est un défi de disponibilité des matériaux et du prix de ceux-ci. Il va falloir acheter les matériaux avant de démarrer les chantiers, car ce sont des coûts énormes d’arrêter parce qu’il n’a pas les matériaux. Il peut également y avoir des pénalités. On recommande à nos membres d’intégrer aux contrats des clauses d’ajustements de prix pour faire face à ces variables. Ils peuvent aussi limiter en termes de jours la valeur du contrat. »
Enfin, l’ACQ agit comme agent négociateur pour ses membres pour la partie patronale avec les syndicats de travailleurs dans les secteurs commercial, institutionnel et industriel. Les conventions collectives seront échues dans tous les secteurs de la construction à compter du 30 avril prochain.