Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « L’agroalimentaire, moteur de la relance » publié dans notre édition du mois de juillet.

ALMA – L’équipe du Centre collégial de transfert de technologie (CCTT) Agrinova ne chôme pas depuis un an et la demande de projets a fait un bond de 30 à 35 % comparativement aux années précédentes. Leader en ce qui concerne la R&D en agriculture, l’organisme semble propulsé par l’engouement de la population par l’achat local et les circuits courts. Le CCTT planche actuellement sur trois grands chantiers : une serre intelligente à Alma, un projet de digesteur à Saguenay et l’incubateur BioChar Boréalis de Mashteuiatsh.

Nombreuses sont les entreprises dans le secteur de l’agroalimentaire qui ont remarqué un changement de comportement de la part du consommateur. Développement durable, circuits courts, achat local, économie circulaire et de proximité sont des notions qui font maintenant partie du discours ambiant. Il n’y a pas à dire, le milieu est en ébullition et les gestionnaires et chercheurs chez Agrinova le constatent. « Nous étions déjà sur une bonne erre d’aller, mais depuis la COVID-19 nous avons dû embaucher davantage. Le discours a changé et il y a eu une conscientisation sur l’importance de l’agriculture. Le message passé par les dirigeants sur l’achat local a très bien été assimilé », explique Martin Garon, directeur général d’Agrinova. L’attention pour les prochaines années sera donc portée sur les technologies 4.0 et les économies vertes.

Une serre pour stimuler la serriculture

La culture en serre présente de nombreux avantages, entre autres, au niveau du contrôle de l’environnement et de la protection des cultures face aux intempéries. Les producteurs maraîchers sont de plus en plus nombreux à vouloir se tourner vers cette pratique et les demandes faites à Agrinova pour stimuler le secteur en réalisant de la recherche ainsi qu’en développant des outils se font nombreuses. Dans la région, les Serres Sagami et Toundra sont déjà bien implantées et le constat est qu’il pourrait y en avoir plus. Au cours des six derniers mois, le CCTT a mis sur pied un projet visant à construire une serre ultra moderne où Technologie 4.0 et techniques de production pourront être testés. Les Almatois devraient donc voir apparaître au cours de la prochaine année une nouvelle infrastructure serricole sur leur territoire.

« C’est un projet de près de deux millions de dollars. Nous sommes soutenus par la ville ainsi que par la MRC, mais aussi par Desjardins et des investisseurs privés. Il y a plusieurs facettes au projet : développer de nouvelles techniques et résoudre des problématiques, implanter de nouvelles productions comme la fraise et bonifier la formation GTEA du Collège d’Alma. » En effet, le Collège d’Alma est présentement en négociation pour acquérir l’ancien site du CEDAP au CIUSSS. Un terrain d’environ dix hectares laissé à l’abandon depuis quelques années et que les instances municipales désiraient voir revalorisé.

« Nous avons fait une revue de littérature sur les meilleures pratiques et dernières avancées en ce qui concerne la serriculture. Notre serre sera ultramoderne et nous serons en mesure de paramétrer la température, l’humidité et plusieurs autres aspects avec une grande précision. Agrinova aura le mandat d’administrer le site ainsi que les recherches qui s’y feront. C’est un tout nouveau laboratoire. »

Fermenter pour boucler la boucle

Le projet Agriméthane Saguenay dont Agrinova et une douzaine de producteurs laitiers sont les investigateurs de ce qui sera sans doute l’une des meilleures initiatives d’économie circulaire et durable dans la région. Le chantier de plusieurs millions de dollars devrait générer quelque 2,9 millions de mètres cubes de gaz naturel renouvelable (GNR) qui sera injecté dans le réseau d’Énergir, à partir de 2024. L’ajout de ce combustible produit par le digesteur, notamment à partir de résidus agricoles et de dérivés de la production du lait, devrait réduire sensible-ment l’utilisation d’énergie fossile polluante.

Un nutriment aussi

« Ce projet à grand potentiel est très important pour nous. En plus d’offrir une alternative plus écologique à Énergir, le digesteur, lors de son procédé de fermentation des résidus laitier, produit un digesta. Une matière à valeur ajoutée. » Le digesta est le sous-produit qui ressort du digesteur une fois la fabrication du gaz terminée. C’est une matière riche en potasse, azote, phosphore, etc. Elle peut donc être utilisée comme amendement de sol. De plus, selon Martin Garon, le digesta est sans odeur et ces nutriments sont plus facilement absorbables par les plantes. Deux avantages notables sur le fumier traditionnel.

« L’un de nos mandats au sein d’Agriméthane est aussi de voir auprès des terres de nos partenaires quels végétaux à teneur hautement méthanogène ceux-ci peuvent cultiver. Ainsi, nous pourrions revoir au Québec, et même dans la région, la culture de la betterave à sucre revenir. Une plante méthanogène agirait à titre de matière pour le digesteur, de culture de rotation pour les fermiers et pourrait devenir un produit de niche. » Voici l’exemple d’une des nombreuses plantes qui pourraient être introduites dans la région. Le digesteur promet donc également un avenir sous le signe de la diversification agricole.

Bien plus que du charbon

Mainte fois traitée dans Informe Affaires et suivie de près par les acteurs économiques de la région, la vitrine technologique BioChar Boréalis à Mashteuiatsh incube à partir de l’automne 2021 les premiers partenaires privés. Le directeur général d’Agrinova, pour l’instant, tenu au silence sur l’identité du premier incubé, précise qu’il s’agit d’une entreprise de la région appartenant à la filière forestière. « Les résidus produits par ce partenaire seront transformés en charbon biologique. Cette matière est un excellent absorbeur et pourrait être utilisée dans différents créneaux. Par exemple, des assainisseurs d’environnement pour maison. Le charbon biologique viendrait bonifier les filtres de ces systèmes », explique Martin Garon.

Les deux pyrolyseurs dont dispose Boréalis fabriquent bien plus que du charbon. Lors du procédé de transformation des entrants, trois grands produits en résultent : un gaz, un liquide et un solide. Le solide est bien connu, il s’agit du charbon. « Les Bio-Huiles, c’est-à-dire le liquide résultant du procédé, contiennent plusieurs essences naturelles. Cette matière pourrait être utilisée pour fumer de la viande. Les parfums contenus dans les résidus de bois passés dans le pyrolyseur se retrouvent concentrés à la sortie du procédé. C’est très hypothétique pour l’instant, mais c’est le genre de produit que l’industrie des cosmétiques serait intéressée à acquérir. » Pour ce qui est de la production du gaz résultant de la pyrolysation des matières organiques, cela ne s’applique pas pour un cadre commercial chez Boréalis. La raison est que les quantités produites sont minimes. Toutefois, le syngaz est comparable au méthane et une usine produisant de grandes quantités de charbon biologique serait en mesure de récupérer et de vendre le gaz ainsi produit.

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