SAGUENAY – La minière First Phosphate, qui souhaite développer un projet de phosphate destiné au marché des batteries lithium-fer-phosphate (LFP) au Saguenay–Lac-Saint-Jean, a obtenu des résultats prometteurs lors des essais métallurgiques sur la minéralisation de sa propriété du lac à l’Orignal. Ceux-ci lui permettent de prendre de l’avance sur ses échéanciers.
« Nous arrivons à faire du concentré d’apatite contenant 40,2 % de P2O5 [pentoxyde de phosphore NDLR]. C’est important, parce que normalement, pour l’apatite, la valeur théorique maximale est de 42 % de P2O5 », souligne le chef de la direction, John Passalacqua.
Pour la minière, cette concentration élevée est un grand avantage lui permettant de bien se positionner dans le marché des batteries. « Par exemple, dans les gisements sédimentaires, tu arrives à peut-être 30 % de pureté et ça ne permet pas de faire beaucoup d’acide phosphorique purifié. Ça doit rester comme fertilisant. Nous, avec la technologie de Prayon, nous arriverions à en convertir 90 % en acide phosphorique, ce qui nous permet de devenir un joueur dans le secteur des batteries plutôt que dans celui des fertilisants », indique M. Passalacqua.
First Phosphate estime aussi pouvoir également récupérer du dioxyde de titane (TiO2) et du fer (Fe). Des essais préliminaires ont d’ailleurs permis d’obtenir un concentré d’ilménite titrant 39,3 % de TiO2 et un concentré de magnétite titrant 69,0 % de Fe (99,2 % de Fe2O3). Avec la récupération du fer, la minière produirait deux des composants nécessaires à la fabrication de batteries LFP. D’autres essais sont prévus pour optimiser le circuit de l’ilménite.
De l’avance
Ces nouvelles prometteuses permettent à First Phosphate de prendre de l’avance sur ses échéanciers. « Nous pouvons passer à la phase de création d’une petite usine pilote pour faire le concentré d’apatite, d’ilménite et de magnétite. Nous devrions aussi envoyer un échantillon à Prayon pour faire des tests pour la production d’acide phosphorique purifié. Nous commençons aussi à planifier le développement de l’usine de démonstration pour la poudre de cathode LFP entre 2024 et 2025 », révèle le chef de la direction.
L’entreprise a également conclu un accord de licence de technologie de production de LFP avec Integrals Power Limited (IPL), une firme de Milton Keynes au Royaume-Uni spécialisée dans les nanomatériaux pour batteries. Cet accord pourrait notamment servir de base pour l’établissement de futures installations de production de matériau actif de cathode LFP par First Phosphate. Il lui permettra aussi de faire certifier l’acide phosphorique purifié et le sulfate de fer de qualité LFP qu’elle produit.
Plus petite envergure
Autre avantage de la concentration élevée d’apatite obtenue lors des tests : First Phosphate serait en mesure d’exploiter une mine de plus petite envergure, tout en produisant au final une grande quantité d’acide phosphorique purifié. John Passalacqua estime que la production de la mine du lac à l’Orignal serait d’environ 500 000 tonnes de concentré de phosphate par année. À titre comparatif, l’autre projet régional, celui du Lac à Paul d’Arianne Phosphate, devrait produire trois millions de tonnes annuellement.
M. Passalacqua considère que le démarrage de la mine du lac à l’Orignal devrait coûter de 400 M$ à 500 M$, même s’il aura une idée plus précise du montant lorsque l’évaluation économique sera complétée. « Ça nous coûte donc beaucoup moins cher pour lancer le projet. Ça nous permet de concentrer nos dépenses d’investissement (CAPEX) dans des activités à valeur ajoutée, comme une usine d’acide phosphorique purifié ou une installation de production de matière active de cathode pour les batteries LFP », affirme-t-il.
Intégration verticale
La stratégie de First Phosphate inclut ainsi une intégration verticale dans l’écosystème nord-américain des batteries LFP allant de la mine jusqu’à la production du matériau actif de cathode LFP. Celui-ci peut ensuite être vendu à une entreprise qui fabrique les batteries. « Ce qui serait intéressant, c’est que nous nous concentrions sur ce que nous connaissons bien et qu’il arrive d’autres entreprises au Port de Saguenay qui pourraient faire les batteries mêmes, ou les véhicules », croit le chef de la direction.
M. Passalacqua et son équipe souhaitent en effet construire leurs installations de transformation du phosphate dans la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Grande-Anse. « Nous voudrions demeurer au Saguenay parce que c’est plus facile de traiter tous les matériaux in situ, mais ça se peut qu’il y ait d’autres opportunités ailleurs. Nous voulons le plus possible maintenir les opérations ici et nous sommes bien appuyés localement dans la région », précise-t-il.
Si toutes les étapes du projet sont réalisées (mine, usine d’acide phosphorique et usine de matériau actif de cathode), John Passalacqua prévoit que cela pourrait créer environ 2 000 emplois dans la région d’ici 2030. « C’est encore trop tôt pour connaître ce chiffre avec certitude. Évidemment, ça ne sera pas tous en même temps. Ça se fera un petit peu à la fois. Si ça va bien, ça pourrait croître encore plus entre 2035 et 2040. »
Environnement
Rappelons que les dirigeants de First Phosphate accordent une grande importance au respect de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance élevés. Ils prévoient notamment de recycler les résidus de gypse dans d’autres industries, puisque ces résidus ne contiennent pas de contaminants radioactifs.
En ce qui a trait à l’augmentation du nombre de bateaux circulant sur le Saguenay, bien qu’il soit encore tôt dans le projet pour la connaître avec précision, le chef de la direction de First Phosphate croit qu’elle serait relativement minime. « Je pense que ça pourrait peut-être représenter de cinq à quinze bateaux par an. Ce sont de petits bateaux, des 60 000 tonnes », mentionne-t-il, assurant qu’il y aplusieurs options permettant de réduire la quantité de bateaux nécessaire au projet.
Selon M. Passalacqua, plusieurs rencontres ont déjà été faites avec les différentes communautés de la région. « Nous essayons de communiquer de près avec les personnes de la région. Je pense que jusqu’à maintenant, les gens sont contents. Nous voulons rester proche des gens pour bien comprendre leurs attentes et leurs enjeux. Nous avons de bons contacts avec les mairies et les MRC. »
John Passalacqua fait remarquer que First Phosphate propose un plan très « faisable ». « Ce n’est pas un méga-projet. C’est un projet à valeur ajoutée. C’est important pour le Québec, le Canada et l’Amérique du Nord. Nous essayons d’être très réalistes », conclut-il.
Résultats intéressants à Bégin-Lamarche
First Phosphate a également obtenu des résultats intéressants sur sa propriété de Bégin-Lamarche. Elle travaille sur cette propriété en parallèle de celle de lac à l’Orignal.
Récemment, elle a obtenu de nouveaux résultats de forages sur ce site qui ont confirmé l’extension de la couche de phosphate à haute teneur découverte initialement. Une nouvelle quatrième couche a aussi été déterminée.
Les résultats complets des forages effectués à ce jour indiquent la présence de quatre grandes couches de phosphate d’une épaisseur comprise entre 60 et 83 m et d’une longueur d’au moins 300 m. Les teneurs varient de 5,0 % à 10,6 % de P2O5 (phosphate). « La compagnie a maintenant foré 17 trous de forage et tous ont intersecté des couches de phosphate allant de quelques mètres à plus de 100 m à l’intérieur du corridor magnétique de 2 000 m », a mentionné Peter Kent, le président de First Phosphate. Des échantillons provenant de 7 autres sondages ont été livrés au laboratoire d’analyse et les résultats sont attendus dans les prochaines semaines.
Ce texte fait partie d'un dossier réalisé par Informe Affaires pour analyser le potentiel du phosphate et de la filière batterie dans la région. Les autres textes de ce dossier seront publiés au cours des prochains jours ou vous pouvez les retrouver dans notre édition papier du mois d'avril :
Un potentiel exceptionnel pour le phosphate au SLSJ
Un filière batterie au SLSJ : un projet réaliste
Arianne Phosphate en attente de partenariats