SAGUENAY – L’entreprise saguenéenne Carbone Québec, qui œuvre dans le domaine de la captation de carbone, connaît un fort succès depuis son lancement en 2022. À l’approche de la fin de son parcours d’incubation à l’Inkub Desjardins, la PME emploie cinq personnes et a été nommée Startup de l’année au Gala des Dubuc de la Chambre de commerce et d’industrie Saguenay–Le Fjord (CCISF). 

"Nous avons doublé nos effectifs en un an et nous devrions doubler à nouveau d’ici deux ans. Le crédit carbone est un marché qui existe depuis un moment, qui tend à se structurer et qui gagne en popularité", souligne le président et fondateur de Carbone Québec, Jean-Philippe Levasseur, qui a œuvré plusieurs années comme technicien forestier.

Le concept de l’entreprise permet aux organisations d’acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Carbone Québec accompagne alors ses clients afin de créer des projets de captation carbone sur mesure. "Nous le faisons avec différentes essences d’arbres à haut pouvoir de captation. Nous sélectionnons les meilleures essences, qui sont peu sujettes aux incendies de forêt ou aux épidémies d’insectes. Notre proposition comprend jusqu’à six sortes d’arbres différentes, autant des feuillus que des résineux. Nous faisons des forêts mixtes avec des aménagements qui vont aider à faire revenir la biodiversité plus vite", résume M. Levasseur.

L’offre a rapidement plu. KPMG Canada a été la première à faire appel aux services de Carbone Québec, mais diverses organisations de différentes envergures se sont ensuite ajoutées. L’entreprise compte maintenant plus d’une centaine de clients et a des projets dans huit régions. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, sept projets ont été réalisés jusqu’à présent, dont certains ouverts aux contributions de particuliers ou de plus petites organisations. 

En zone agricole

Les projets sont réalisés principalement en zones agricoles inexploitables, notamment les bandes riveraines et les haies brise-vent. "C’est très important pour nous. Nous ne planterons pas d’arbres sur des terres agricoles qui peuvent être cultivées", assure le président.

Carbone Québec adopte aussi une approche de boisement. "Le reboisement répare ce qui a été coupé. Nous, nous voulons être additionnels. Le boisement, c’est d’ajouter des arbres sur une superficie où il n’y en a pas eu au cours des 50 dernières années. Nous nous assurons avec le propriétaire des terres et par le biais de photos aériennes qu’il n’y a rien qui s’est passé à cet endroit depuis 50 ans. Nous faisons du reboisement à l’occasion, mais seulement s’il n’y a pas eu de coupe depuis au moins 10 ans", mentionne Jean-Philippe Levasseur. 

Celui-ci précise que les essences sélectionnées, indigènes au Québec, peuvent se retrouver partout dans la province. En ayant jusqu’à six sortes d’arbres différents, cela permet d’ajuster les choix selon le type de sol et le climat de chaque région afin d’avoir la plantation la plus résiliente possible. 

Proximité et implication

Un autre aspect qui distingue Carbone Québec est l’accent qui est mis sur la proximité des projets avec les entreprises qui achètent les crédits, ainsi que sur l’implication de ces organisations et de leurs employés dans le processus. "Les employeurs et les employés participent à la plantation. […] Nous avons vu que les entreprises ont besoin d’avoir un crédit carbone proche, local et tangible, ainsi que d’impliquer leurs gens", indique M. Levasseur.

Lors de la plantation, les participants ont chacun leur rôle et effectuent le travail selon les règles de Carbone Québec. Trois équipes sont sur la plantation, tandis qu’une autre se concentre sur la biodiversité. Celle-ci construit des nichoirs à oiseaux ou à chauve-souris et des hôtels à insectes. "Nous fournissons des morceaux de bois prétaillés et des outils. Il y a un modèle et les gens doivent comprendre comment l’assembler. […] Pour ceux qui plantent les arbres, chacun a son rôle. Un va tondre, l’autre va mesurer, un troisième va planter, un quatrième va contrôler la qualité et le dernier fera la supervision et se rapportera à nous", explique Jean-Philippe Levasseur. Ce dernier affirme que les participants apprécient généralement l’expérience.

Suivi

Le suivi est également une portion essentielle du travail de Carbone Québec. "Les arbres ont besoin de 50 ans pour faire leur travail de captation. Ce sont de tout petits arbres au départ et il faut s’assurer de leur survie. C’est pourquoi c’est très important la collaboration entre les agriculteurs et nous, pour replanter les arbres décédés ou entretenir la forêt", expose le président.

Puisque ses projets sont situés un peu partout sur le territoire québécois, l’équipe œuvre à développer un système lui permettant de surveiller les plantations à distance. Celui-ci utilise l’intelligence artificielle (IA) afin de fournir des données sur l’état des plantations à partir d’imageries satellites, des vidéos de surveillance de drones ou des photographies aériennes. "Nous allons pouvoir agir en fonction des informations obtenues et nous déplacer seulement lorsque c’est nécessaire."

Pour ce faire, Carbone Québec collabore avec différentes organisations sur le développement de l’intelligence artificielle pour la détection. Elle fournit ses images afin d’entraîner les systèmes d’IA à reconnaître les différentes essences, les signes de maladie ou de mortalité, leur hauteur, etc. "C’est un défi qu’on tente de régler d’ici les prochaines années", ajoute Jean-Philippe Levasseur.

Prochains mois

L’entreprise devrait être occupée au cours des prochains mois, avec deux grands projets dans la région de Montréal, dont les détails ne peuvent être dévoilés pour l’instant. Elle réalisera aussi la plantation de la forêt de la CCISF en septembre dans le rang Saint-Joseph à La Baie. Celle-ci permettra de compenser 500 tonnes de GES liées aux événements de l’organisme, incluant les déplacements des participants. 

Dans la région, Carbone Québec a également effectué des forêts pour le CQRDA et CORAHM. Elle a finalement reçu le mandat de compenser les GES du Spectacle aérien international de Bagotville. "Pour le SAIB, on parle de 1000 à 1 500 tonnes de GES dans cinq projets régionaux, dont quatre étaient déjà plantés, et un qu’ils ont fait avec nous", conclut M. Levasseur.