Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

DESBIENS – La Ferme apicole du lac est une jeune entreprise qui possède 250 ruches réparties entre les municipalités de Desbiens et de Roberval. La particularité de la PME n’est pas de commercialiser le miel produit par ses insectes, mais plutôt ses reines abeilles. Un créneau qu’elle est la seule à exploiter dans la région. La demande est toujours en hausse pour ses pondeuses ailées, alors que la ferme projette maintenant la construction d’un caveau afin d’être la seule à proposer des reines dès le printemps.

Présentement, il existe deux marchés de provenance pour ce produit au Canada : les abeilles importées des États-Unis et celles produites chez nous. Dans le sud du pays et de la province, les températures plus clémentes permettent aux apiculteurs de commencer leur saison autour de la mi-avril et du début mai. Les producteurs de miel ont besoin de nouvelles pondeuses pour diverses applications, dont le remplacement des reines mortes pour fonder de nouvelles colonies. Toutefois, la production locale, notamment à cause de l’hiver québécois, n’est pas en mesure de répondre à cette forte demande. Les apiculteurs doivent alors se tourner vers les marchés américains en provenance de la Californie et d’Hawaï. Marie-Christine Gagnon et Gabriel Boucher-Guimond, les deux copropriétaires de la Ferme apicole du lac, détiennent peut-être la solution.

Hiverner les reines

En effet, le couple et partenaire d’affaires travaille depuis deux ans avec le Centre de recherche en santé animale de Deschambault (CRSAD) afin de trouver un moyen d’hiverner les reines. Ce processus leur permettrait d’arriver au printemps avec une quantité importante de génitrices ailées. « Nous nous sommes équipés pour réaliser les expériences à la maison. C’est-à-dire qu’au lieu d’envoyer nos reines au Centre, nous avons réalisé les tests chez nous. Les scientifiques du CRSAD nous ont chapeautés à distance. Ça nous a permis d’acquérir des connaissances et des façons de faire très tôt dans le processus de recherche. Un atout, puisque dès la première année du projet d’hivernation, nous avons été en mesure d’envoyer nos génitrices à l’essai chez un apiculteur. Cette première expérience a été très positive puisque ce même producteur a décidé d’acheter nos 220 pondeuses hivernées pour le printemps prochain », précise Marie-Christine Gagnon.

L’idée est de pouvoir « stocker » plusieurs abeilles maîtresses au même endroit pour qu’une fois l’hiver passé, elles puissent coloniser de nouveau. « Normalement, pour se protéger du froid, les abeilles s’agglutinent autour de la pondeuse en formant une grappe. Elles vibrent alors à l'unisson, générant ainsi assez de chaleur au sein de la ruche. Ce moyen naturel de protection permet la survie d’une seule reine », explique Gabriel Boucher-Guimond.

« Nos recherches nous ont permis de découvrir qu’en maintenant un caveau à 15 degrés Celsius, le phénomène de grappe ne se produit pas et que les abeilles restent actives. Une première, puisque aucune recherche n’avait expérimenté l’hivernation à cette température. On pensait que les insectes consommeraient trop et qu’ils ne passeraient pas l’hiver, mais ce n’est pas le cas. Alors nous introduisons dans cet environnement contrôlé une colonie sans reine. Nous plaçons ensuite dans la ruche orpheline un cadre comprenant 40 pondeuses. De cette manière, les ouvrières s’occupent des reines et nous obtenons d’excellents résultats avec un taux de survie de celles-ci de 80 à 85 %. »

Les plus importants au Canada

Ce procédé unique et innovant permettrait au couple d’être les plus grands producteurs de reines hivernées au Canada. Il s’agit d’une opportunité d’affaires intéressante puisque la demande est très forte, au point que chaque abeille pondeuse est vendue dès sa production. Le prix unitaire de cet insecte mellifère se situe entre 32 et 34 $ et ce montant connaît une augmentation d’environ deux dollars par an, selon Marie-Christine Gagnon. De plus, une pondeuse vit en moyenne de deux à trois ans, donc la demande de réapprovisionnement est constante puisque les producteurs en font la rotation régulièrement afin de garder leurs cheptels en santé. Il s’agit donc d’une économie d’échelle pour les mielleries, si bien que la stratégie des jeunes entrepreneurs produisant de 2 000 à 2 200 pondeuses par an (incluant celles hivernées) est d’augmenter drastiquement leur volume de production pour combler la demande.

Pour ce faire, la Ferme Apicole du lac, avec l’aide du CLD Domaine-Du-Roy, cherche à acquérir un terrain pour la construction d’un plus grand caveau. Cet investissement d’environ 200 000 $ permettrait de produire plus de 1000 reines hivernées par année et ainsi multiplier par plusieurs fois les naissances royales. « Ce bâtiment aurait plusieurs vocations. Il servirait de caveau de l’automne au printemps pour nos abeilles, mais le reste du temps ce serait un entrepôt ou encore un endroit pour l’extraction du miel. Le potentiel est immense », conclut Marie-Christine Gagnon.

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