Dominique Savard
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Dominique Savard

SAGUENAY – La coulée des premiers lingots d’aluminium purifié à 99,99 % dans la nouvelle usine Nature Alu aura lieu à la fin du mois de juillet, et ce, malgré le retard de six semaines en raison de la COVID-19. Construites au coût de 15 M$ et situées dans les murs de l’usine Proco sur le chemin Saint-Anicet à La Baie, ces installations sont la propriété de quatre actionnaires : Denis Mazerolle, Luc Boivin ainsi que Michel Toupin et Patrice Côté, ces deux derniers étant respectivement président de Proco et de Dynamic Concept.

« L’investissement comprend des équipements d’une valeur de 9,5 M$. Pour les travaux, nous avons dû, notamment, creuser les fosses pour placer les purificateurs, bâtir une salle électrique, installer le pont roulant, les fours (de refonte et de coulée), la lingotière, en plus d’aménager des espaces pour les vestiaires et la salle à manger. Nos opérations vont rouler 24 heures par jour, sept jours par semaine. Nous aurons une usine très automatisée qui va fonctionner avec deux opérateurs principaux. On prévoit 14 employés au départ, dont sept sont déjà embauchés », explique Kevin Lavoie, directeur technique et opérations. L’usine comprend aussi un chariot élévateur et un spectromètre.

Production de 3000 à 4000 tonnes

L’entreprise, qui s’approvisionne en matière première auprès de Rio Tinto et Albecour, prévoit produire entre 3000 et 4000 tonnes d’aluminium purifié dans sa première année, selon le degré de purification demandé par la clientèle. « Notre recette est en fonction des demandes du client. On s’ajuste avec des temps de cycle plus ou moins long, ce qui a un impact sur la production. La capacité de l’usine pourrait éventuellement augmenter lorsque la demande des clients l’exigera. Nous avons prévu l’espace dans la bâtisse si nous avons besoin d’expansion », souligne pour sa part le président Denis Mazerolle.

Parlant des clients, celui-ci confie qu’il y en a de nombreux aux États-Unis et en Europe, plus particulièrement. « Nous n’avons pas encore de carnet de commandes, mais il y a des clients qui sont intéressés. Il faut démarrer l’usine avant pour que l’on puisse qualifier notre produit. Quand nous serons prêts, les clients vont venir faire une audition. Il faut dire que nous sommes les seuls à purifier l’aluminium pour la vente en Amérique. C’est quelque chose qui est assez technique qui nécessite une recette très spécifique. Dans le monde, on les compte sur les doigts d’une main et ils sont surtout localisés en Chine et au Japon, en plus d’un producteur en Russie et un autre en Norvège », ajoute le président.

Succès de l’usine pilote

Rappelons qu’avant d’en arriver là, les promoteurs ont commencé avec une usine pilote en 2017 pour mettre au point le bon procédé, à partir des locaux de Dynamic Concept à Jonquière. « Au début, nous sommes allés chercher du financement pour démontrer que le procédé fonctionnait. En opérant l’usine pilote, nous avons trouvé la bonne recette pour produire du 4 N+, soit 99,99 % de pureté et prouvé que ça marche. C’est ce qui nous a permis de lever tout le financement pour l’usine. Sans cela, les partenaires auraient trouvé cela trop risqué. »

Une équipe expérimentée

Nature Alu compte sur une équipe de gestionnaires des plus expérimentés. Les deux instigateurs du projet, Denis Mazerolle et Luc Boivin, sont ingénieurs métallurgistes et ils se connaissent bien, ayant suivi à peu près le même cheminement professionnel. M. Mazerolle a fait carrière à l’Alcan au début et chez Rio Tinto ensuite.

« J’ai travaillé 22 ans dans les usines au Saguenay pour ensuite travailler en Europe. Je suis revenu au siège social de Rio Tinto à Montréal et j’ai pris ma retraite en 2015. Quant à Luc (Boivin), il a commencé sa carrière avec moi dans la région et il a continué chez Novelis. Il a pris sa retraite à peu près en même temps que moi. On s’est trouvé un peu jeune à la retraite, alors on a démarré ce projet ensemble. Nous avons aussi compté sur un collègue français qui a des connaissances dans le procédé de l’aluminium purifié. Nous avons acheté une étude de marché et nous nous sommes adjoint par la suite des partenaires financiers qui sont en affaires en Patrice Côté et Michel Toupin », raconte Denis Mazerolle. L’équipe comprend également Kevin Lavoie, directeur technique et opérations, ainsi que Sylvain Arseneault, un senior dans le domaine de l’opération en fonderie.

De la haute pureté dans le respect de l’environnement

Souscrivant aux principes du développement durable, Nature Alu s’est donné pour mission de produire de l’aluminium de haute pureté dans le respect de l’environnement et des bonnes pratiques de santé et sécurité pour ses employés. L’entreprise veut proposer un produit « vert », à très basse empreinte carbone, de classe mondiale et adaptée aux besoins de sa clientèle.

« Notre procédé est très propre. On utilise de l’électricité en majeure partie et un peu de gaz naturel pour refondre notre matière première, mais pas en grosse quantité. La grosse compétition est en Chine et la très grande majorité de l’aluminium
produit là-bas utilise le charbon. Leur empreinte carbone pour la matière première est très élevée, tout comme leur procédé qui consomme aussi l’électricité au charbon. Le CO2 généré pour produire un lingot comme celui qu’on utilise est 20 fois plus
faible que celui qui utilise le charbon et le nôtre est le plus faible au monde », expliquent Denis Mazerolle et Kevin Lavoie, respectivement président et directeur technique et des opérations de la nouvelle usine Nature Alu. Seuls les brûleurs à gaz qui vont servir à refondre le métal utiliseront le gaz naturel.

Avantages de la purification

Les avantages de la purification de l’aluminium sont nombreux, selon les deux intervenants, surtout pour la conductivité et pour la brillance du produit. « Plus il y a des impuretés dans l’aluminium, moins la conductivité est bonne. Le courant va rencontrer des particules qui ne sont pas conductrices. Quand on réussit à retirer ces particules-là, par exemple le fer, le silicium, le zinc, on vient augmenter le niveau de performance du produit, ce qui est particulièrement important dans le domaine électronique. »

À titre d’exemple, pour illustrer le travail de purification, il faut savoir que le plus haut niveau de pureté qu’une aluminerie peut produire est autour de 400 ppm de fer. Le pourcentage est tellement faible que l’on parle ici de parties par million.

« Nous, on baisse le ppm par purification de 400 à 6. Notre équipement le plus stratégique est le spectromètre. Il permet d’analyser le niveau de pureté. C’est l’analyse chimique de notre produit. Et c’est ce qui intéresse le client », laisse tomber M. Mazerolle.

De la haute pureté

Rappelons enfin que Nature Alu produit du métal gris d’une pureté de 99,99+ %. Cet aluminium de haute qualité (P0101 jusqu’à 4N+) est un matériau critique majoritairement utilisé dans la fabrication des condensateurs, dans la métallisation des circuits électroniques et dans les batteries servant au stockage d’énergie. Ces produits nécessitent des teneurs extrêmement faibles en impuretés.

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