Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La construction, levier de la relance » publié dans notre édition du mois de février.

SAGUENAY – Le bois est un matériau très intéressant pour la construction. Son usage est de plus en plus répandu pour l’érection des bâtiments commerciaux et industriels, même si certains défis, notamment réglementaires, demeurent.

Le premier avantage du bois est qu’il est un matériau économique. Il s’agit d’une ressource locale et renouvelable. Il est également utile dans la lutte contre le réchauffement climatique, alors qu’il permet de piéger des gaz à effet de serre (GES). En effet, le carbone capté en forêt est conservé dans les produits faits de bois, et ce, pour la durée de leur usage. Sylvain Ménard, ingénieur et professeur en génie civil, structure bois, au département des sciences appliquées de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), mentionne qu’on calcule qu’un mètre cube de bois va stocker une tonne de GES. De plus, il en consomme une tonne de moins pour sa fabrication, que l’acier.

Par ailleurs, le bois est un matériau très performant au niveau structural. À résistance égale, c’est le matériau le plus léger, ce qui est intéressant pour la construction en zones sismiques, par exemple, ou sur des types de terrains où le poids du bâtiment est un enjeu. Le professeur précise que le bois, en raison de cette propriété, peut aussi être utilisé, par exemple, pour ajouter des étages à des bâtiments en béton déjà existants.

On ajoute à cela une excellente performance thermique et acoustique. « Le bois, ce n’est pas la seule solution, mais c’est une des solutions. […] Ça prend le bon matériau à la bonne place. On voit souvent des bâtiments avec le premier étage en béton, par exemple. […] De plus en plus, ce qu’on va voir, ce sont des systèmes hybrides où on utilise différents matériaux [bois, béton, acier, etc.] pour la structure », souligne M. Ménard.

Défi réglementaire

Le Québec, par le biais de son ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), s’est doté en 2013 d’une Charte du bois pour favoriser l’utilisation de ce matériau dans la construction de bâtiments. À l’automne 2020, le gouvernement a publié une nouvelle version par la Politique d’intégration du bois dans la construction, qui présente cinq axes d’intervention divisés en 11 objectifs. On y retrouve notamment l’engagement gouvernemental à l’exemplarité; la réglementation; la recherche et l’innovation; la formation et le soutien technique ainsi que le rayonnement.

La réglementation est en effet l’un des principaux défis de l’utilisation du bois. Au Québec, la construction de bâtiments en bois à ossature légère de cinq à six étages est permise. Au-delà de six étages, la Régie du bâtiment du Québec a rédigé un guide technique pour des bâtiments jusqu’à 12 étages, ce qui a permis la réalisation du projet Origine à Québec. « Ce guide donne un peu la recette pour le faire. Si l’on sort de cette recette, il faut faire encore une demande à la RBQ pour des solutions de rechange. C’est en évolution, mais les constructions de plus de six étages ne sont pas encore dans le Code de la construction du Québec. Ça se travaille actuellement et c’est quelque chose qui va s’en venir », indique Sylvain Ménard.

Formation essentielle

Pour construire en bois, il faut des connaissances sur ce matériau. La formation et la recherche dans ce domaine sont donc essentielles. L’UQAC a d’ailleurs misé sur cette « niche » et est la seule université au Québec à offrir deux cours obligatoires sur le bois dans son programme de baccalauréat en génie civil. Des maîtrises et des doctorats en ingénierie peuvent aussi concerner des structures en bois. La maîtrise professionnelle offre notamment des cours intéressants dans ce domaine et attire de nombreux étudiants internationaux.

Un programme court de deuxième cycle pour l’utilisation du matériau bois dans la construction, qui se donne majoritairement à distance, a finalement été créé pour répondre au besoin de formation exprimé par les ingénieurs, architectes et autres professionnels de la construction. Mentionnons que le Québec compte aussi, entre autres, sur le Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois (CECOBOIS) et sur FPInnovations, un OSBL qui se spécialise dans la création de solutions pour soutenir la compétitivité du secteur forestier canadien.

Aller vers le préfabriqué

Pour Sylvain Ménard, un autre défi de la construction bois est de se tourner vers le préfabriqué. Ces composants de bois, que ce soient du bois lamellé-collé ou lamellé-croisé, des solives, des murs, poutrelles, etc., sont réalisés en usine. Cela permet de contrôler la qualité du produit et les coûts, en plus de réduire la durée des chantiers. « C’est un autre avantage du bois, la rapidité d’érection d’un bâtiment. Ça va plus vite par rapport à l’acier ou au béton », note M. Ménard.

Dans ce domaine, la région compte d’ailleurs des entreprises qui font figure de leaders mondiaux, comme Nordic Structures de Chantier Chibougamau, spécialisé dans les produits de bois d’ingénierie dans le domaine de la construction, ou La Charpenterie, qui fait notamment des murs préfabriqués. « Dans le domaine de la forêt, on a tous les acteurs ici au Saguenay–Lac-Saint-Jean. On est bien positionnés », conclut le professeur.

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