SAGUENAY – Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, nous sommes dépendants de l’eau souterraine. Les municipalités de la région la pompent pour alimenter leurs citoyens, pour leur agriculture et pour faire fonctionner leurs industries. Beaucoup moins coûteuse à traiter que l’eau de surface provenant des lacs et rivières, elle représente une valeur économique sûre.
Il est écrit sur le site du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qu’au Québec, l’eau souterraine est la ressource en eau potable la plus sollicitée. Qu’elle permet d’approvisionner 90 % du territoire habité, d’alimenter 20 % de la population et qu’elle constitue souvent l’unique source d’eau économiquement exploitable.
« La région compte 49 municipalités et seulement Chicoutimi, Jonquière, Alma, Lac-Bouchette, Roberval, Dolbeau et Sainte-Jeanne-d’Arc prélèvent leur eau de lacs et rivières. Les autres agglomérations s’alimentent à la nappe phréatique », explique Julien Walter, professeur et chercheur en hydrogéologie au Département des sciences appliquées de l’UQAC.
Une ressource commercialisable
Annuellement, les moyennes de précipitation d’eau et de neige pour la région atteignent 1000 millimètres. Les zones aquifères, c’est-à-dire le sol poreux qui permet à l’eau de s’infiltrer, récolte 50 % du volume tombé pour recharger les nappes phréatiques. « Cette eau est donc filtrée naturellement. En s’infiltrant dans les différentes couches du sous-sol, elle se charge de calcium, de potassium, de magnésium et d’autres sels qui lui confèrent des qualités nutritives. Selon les secteurs, nous avons au Saguenay–Lac-Saint-Jean de grandes quantités d’eau souterraine de bonne qualité. »
C’est notamment le cas à Laterrière où une importante nappe phréatique a été découverte en 2012. Gazon Savard, l’entreprise possédant les terrains au-dessus de la ressource, projette d’ailleurs son exploitation au cours des prochaines années. Ça ne serait pas la première source à être exploitée dans la région puisque la coopérative Nutrinor pompe et embouteille une eau souterraine à Hébertville.
Une ressource économique
« Le secteur de l’agriculture utilise l’eau souterraine pour l’irrigation des champs et pour nourrir les bêtes. L’industrie lourde puise l’eau également du sous-sol pour refroidir les équipements, ceux-ci requièrent parfois une eau de qualité pour éviter d’endommager certaines composantes. De plus, au sud, on évite souvent les ravages des sécheresses en utilisant de l’eau souterraine. C’est donc une ressource qui permet de réaliser des économies importantes.
Si cette ressource venait à se tarir, il serait juste de penser que l’eau de surface deviendrait l’unique point de ravitaillement. Une solution qui risquerait de coûter cher à la population québécoise. « Dans d’autres pays, l’eau est taxée. Les gens la payent à l’entrée quand ils ouvrent le robinet et à la sortie, puisqu’il faut la traiter avant de la retourner dans la nature. En France, la consommation se situe autour de 150 litres par personne par jour. Au Québec, nous sommes plus autour de 400 litres par personne par jour. »
Protection et conservation
L’étalement urbain et l’activité industrielle sont des causes de la détérioration des eaux souterraines. Pour Julien Walter, la solution réside dans la réalisation d’études d’impact en amont des projets industriels et miniers afin d’en réduire les conséquences sur les milieux aquifères. « C’est le cas notamment avec les gens chez Arianne Phosphate, qui avant même le début des forages, connaissent déjà les impacts hydrologiques du projet. L’important c’est de comprendre le cycle de l’eau et de le préserver le plus possible. »
En 2008, le gouvernement québécois a lancé le Projets d’acquisition de connaissances sur les eaux souterraines (PACES). Le programme vise à cartographier l’étendue de cette ressource sur l’ensemble des territoires municipalisés de la province afin d’en assurer la protection et la pérennité. « À l’UQAC, notre équipe a produit des données qui permettent de brosser un portrait juste de l’eau souterraine au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Cet outil est essentiel dans le développement économique puisqu’il indique les zones aquifères critiques qui nécessitent d’être protégées », conclut le scientifique.