SAGUENAY – La pénurie de main-d’œuvre qui sévissait dans l’industrie du transport terrestre avant la pandémie demeure toujours l’un des principaux enjeux pour les entreprises de la région. « C’est même pire qu’avant, parce que maintenant on vit de la surenchère », affirme Caroline Girard, directrice générale de Transcol.
Cela rend le recrutement difficile, particulièrement pour les entreprises dont les employés sont syndiqués, comme Transcol, puisqu’elles doivent suivre la convention collective pour une durée de quelques années, tout en compétitionnant pour le recrutement avec des entreprises qui peuvent offrir n’importe quelle condition à n’importe quel candidat. « C’est très très très difficile. On a fait nos devoirs, on s’est remis en question, on a refait notre marque employeur, on a implanté des programmes de reconnaissance, on a mis beaucoup de choses en place. Notre équipe des ressources humaines est très créative », révèle Mme Girard, rappelant que l’entreprise a même offert le DEP en Transport par camion, classe 1, à l’intérieur de ses murs.
La longue distance, difficile
Plusieurs autres intervenants du domaine abondent aussi dans ce sens. « Le recrutement de conducteurs longue distance est encore plus difficile qu’en 2020. L’enjeu pour les entreprises, c’est encore le manque de main-d’œuvre et de stabilité », précise Carl Houde, président du Club de Trafic régional 02 et directeur de formation chez SPS. Jean Trudel, des Jardins du Saguenay indique chercher lui aussi encore des chauffeurs pour ce type de trajet. « On a l’impression que les jeunes cherchent souvent des horaires du lundi au vendredi, de huit heures à cinq heures. Mais on n’a pas le choix de faire des fins de semaine pour s’arrimer aux entreprises pour lesquelles on livre les produits. […] On arrive encore à trouver, mais ce n’est pas évident », explique-t-il.
Besoin de chauffeurs-livreurs
Du côté de Transcol, la pénurie touche aussi les chauffeurs-livreurs classe 3, soit ceux qui conduisent des véhicules un peu plus gros qu’un cube, mais plus petit que les camions de la classe 1. « C’est un métier qui, je trouve, est très dévalorisé. L’emploi n’a pas été valorisé dans les dernières années. L’industrie a beaucoup envoyé les gens vers la classe 1, sans se préoccuper trop trop de la classe 3. […] Et pourtant, avec ce qu’on vit actuellement, quand on achète sur Internet, ce sont ces travailleurs-là qui livrent ces colis aux résidences. La pandémie a accentué la pénurie dans ce domaine-là », précise la directrice générale de Transcol, ajoutant qu’actuellement, ce sont 30 % de ses employés pour ce type de camions qui devraient prendre leur retraite d’ici deux à trois ans.
La pénurie limite la croissance
Caroline Girard explique que l’entreprise a connu une hausse de 25 % dans le petit colis et le LTL (less-than-truckload ou moins qu’un camion complet), alors que la pénurie de chauffeurs-livreurs est intense. « On est comme déséquilibrés. On doit refuser une dizaine de nouveaux clients par jour. C’est incroyable ! […] On pourrait avoir une croissance d’au moins 10 % du chiffre d’affaires. C’est malheureux, parce qu’on voudrait grossir, mais on manque d’employés pour ça », raconte-t-elle. Transcol souhaite donc revaloriser ce métier. Ses gestionnaires espèrent d’ailleurs offrir la formation pour ce type d’emploi dans les murs de l’entreprise en alternance travail-études, comme elle l’avait fait pour les chauffeurs classe 1. Cela permettrait aux participants d’obtenir une Attestation de formation professionnelle (AFP). Mme Girard est en discussion avec le Centre de formation en transport de Charlesbourg (CFTC) pour pouvoir le faire. « C’est tout nouveau, ça ne s’est jamais fait », mentionne-t-elle, ajoutant que ces postes ont un horaire régulier, sur les heures de commerce, soit d’environ sept heures à cinq heures.
Des impacts de la pandémie
Entre augmentation de la demande et pénurie de main-d’œuvre, la pandémie a véritablement eu des impacts pour l’industrie du transport. Elle ajoute beaucoup de travail, en termes de gestion notamment. « On est tous débordés. Des fois, ça arrive qu’entre entreprises on s’entraide aussi pour les débordements. […] Les congés COVID, on en a. […] C’est spontané, ce n’est pas prévu. Un employé qui arrive demain matin et qui nous dit que son enfant a eu un cas dans son école et qu’il doit s’isoler, il faut gérer tout ça, et en manque de personnel, c’est encore pire », conclut Caroline Girard.