Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La main d'oeuvre, la clé de notre prospérité » publié dans notre édition du mois d'août.

SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN – Le quart de la main d’œuvre du futur n’habite présentement pas au Québec. L’immigration est un enjeu de taille pour la croissance de nos entreprises. Le CPQ s’affaire à dresser un bilan et propose plusieurs pistes de solutions afin de favoriser la rétention des travailleurs étrangers.

« Selon les experts, nous allons revenir à la normale du côté de l’emploi dans les 18 à 24 mois. Nous aurons alors les mêmes enjeux de rareté de main d’œuvre qu’avant la COVID-19 et le problème sera peut-être accentué puisque la pandémie aura poussé davantage de personnes à prendre une retraite anticipée », explique Denis Hamel, Vice-président aux Politiques de développement de la main-d’œuvre.

En effet, la situation est peu encourageante pour l’avenir et la COVID-19 n’a pas amélioré les choses. Dans le dernier rapport État d’équilibre du marché du travail à court et à moyen termes : Diagnostics pour 500 professions produit par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale en collaboration avec la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), 27 professions au Québec se retrouveront en pénurie de main-d’œuvre d’ici 2023.

Parmi ces métiers à risque, on dénombre les médecins spécialistes, les ingénieurs informatiques et les enseignants aux primaires et préscolaires. Par ailleurs, on précise qu’entre 2019 et 2028 la majeure partie des emplois créés exigeront minimalement un diplôme collégial. Même si la qualification tend à augmenter, le rapport stipule un manque accablant de main d’œuvre pour les métiers professionnels comme mécaniciens d’équipement lourd, machinistes et vérificateurs d’outillage, ouvriers agricoles et manœuvres dans la transformation du poisson. Le problème de rareté est donc généralisé sur l’ensemble des secteurs. En plus du phénomène de vieillissement de la population et du décrochage scolaire, il est impératif, selon le CPQ, de considérer l’immigration comme étant la voie à emprunter pour notre avenir économique.

Toutefois, ce n’est pas ce que l’on semble voir. La refonte, en 2019, du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) par le gouvernement Legault, en plus de créer l’émoi dans la société, ne répondait pas aux exigences du marché du travail. Rappelons que le PEQ permet la sélection de travailleuses et travailleurs qualifiés désireux de s’établir au Québec de façon permanente. Ce programme est destiné aux personnes diplômées du Québec et aux travailleuses et travailleurs étrangers temporaires qui occupent un emploi et qui remplissent certaines conditions, dont celle, entre autres, de démontrer une connaissance du français à l’oral.

Le PEQ, toujours pas parfait

« Nous étions totalement en désaccord avec la première mouture du PEQ. Nous avions même, par écrit, fait savoir à l’État notre opposition avec en pièce jointe des sondages démontrant que nos 70 000 membres nous appuyaient », relate Denis Hamel qui a vu dans la première proposition du gouvernement une vision simpliste et à court terme.

« Nous éteignions des feux dans littéralement tous les secteurs de notre économie à cause du manque de main d’œuvre et le gouvernement proposait de limiter encore plus l’accès au PEQ pour les travailleurs étrangers. » Une décision lourde de conséquences comme le rappel Denis Hamel « Ce n’est pas parce que dans un secteur où il n’y a pas de pénurie qu’il en sera toujours ainsi. De plus, quelqu’un qui a un diplôme collégial ou universitaire peut très bien travailler dans un domaine autre que son champ d’études. J’en suis la preuve, je suis économiste de formation, mais j’ai travaillé l’ensemble de ma vie en immigration ».

Donner la chance au coureur

L’approche que le CPQ préconise est donc de recruter les étrangers qui veulent travailler plutôt qu’uniquement se fier à leur niveau de diplomation. « Ça prend impérativement plus de flexibilité dans le PEQ. Il ne faut pas ouvrir le programme qu’aux gens ayant une formation collégiale ou universitaire. Nous devrions inclure aussi les formations professionnelles, nous manquons de main d’œuvre en construction, nous manquons de préposés aux bénéficiaires, etc. » En juillet, la nouvelle ministre de l’Immigration, Nadine Girault, a revu à la baisse plusieurs critères du PEQ le rendant ainsi plus accessible, mais pas encore parfait. « Il est mieux dans sa deuxième mouture, mais le processus est encore trop long. La personne doit arriver ici, travailler pendant trois ans et ensuite faire sa demande pour le Certificat de sélection Québec (CSQ). Par la suite, elle doit attendre cinq autres années avant de demander sa citoyenneté canadienne. En Australie, tout le processus prend 18 mois. Nous ne sommes pas compétitifs ! »

Guider vers les régions

« Montréal a besoin des immigrants, mais n’a pas besoin de la majorité de ceux-ci. La régionalisation des nouveaux arrivants est un enjeu important. » La majorité des emplois disponibles au Québec sont en dehors de Montréal, toutefois, on remarque peu de nouveaux arrivants prendre la direction de nos régions. Près de 75 % s’installent dans la métropole. « Les services d’aide aux immigrants sont à Montréal, la majorité des communautés ethniques sont à Montréal, etc. Donc lorsqu’un étranger arrive à l’aéroport international Pierre Elliott Trudeau et qu’on lui dit de se prendre une adresse pour faciliter son intégration et son accès aux services, on vient, sans le vouloir, de l’implanter dans la métropole. L’idée serait de l’amener à Saguenay, à Québec ou à Rimouski dès le départ. Parce que les programmes qui visent à chercher des immigrants installer à Montréal pour les amener en région ne connaissent pas un grand succès ».

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