Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « L’économie sociale, un modèle d’affaires prospère à l’échelle humaine » publié dans notre édition du mois de décembre.

SAGUENAY – La Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ), l’organisme qui soutient les entreprises collectives à démarrer, connaît l’une de ses plus grosses années. Selon l’organisation, un intérêt pour le modèle coopératif germe tranquillement dans l’écosystème entrepreneurial de la région.

« Nous opérons dans la région depuis 1985 et l’année 2020-2021 a été l’une des plus fortes au niveau du démarrage de coopératives. Nous n’avions pas vécu cela depuis les 20 dernières années. 2022 s’annonce tout aussi brillante puisqu’on prévoit la création de sept à dix entreprises collectives et l’an passé le bilan s’est établi à neuf », souligne Dominic Deschênes, directeur régional de la CDRQ.

Dans la région, on ne compterait pas moins de 170 coopératives, surtout concentrées dans l’industrie agroalimentaire, ce modèle d’affaires est néanmoins présent dans toutes les sphères d’activités économiques. « Il suffit de penser à Desjardins, aux coops funéraires, aux coops forestières ou encore à Nutrinor pour réaliser à quel point c’est une forme d’entreprise courante et œuvrant dans tous secteurs confondus ».

Plusieurs raisons expliqueraient l’intérêt pour le modèle collectif. Le vieillissement de la population en est un. « Plusieurs projets de relève se traduisent par la formation d’une coopérative de travailleurs qui rachète l’employeur ». La rareté de main-d’œuvre est également une problématique résoluble par la coopération. « Un dirigeant qui se montre ouvert à accueillir parmi ses actionnaires une coop formée de ses employés a tendance à améliorer la rétention du personnel. Ceux-ci se sentent plus impliqués dans la réussite de l’entreprise. »

Des CA de talents

Il existe cinq types de coopératives : de consommateurs, de producteurs, de travail, de solidarité et de travailleurs actionnaires, communément appelées CTA. Chaque modèle comprend ses particularités, mais toutes ont le même point commun : un conseil d’administration géré par les membres.

D’ailleurs l’une des forces des coopératives de solidarité réside dans la diversité de ses membres. En effet, son adhésion comprend des producteurs, des consommateurs et des travailleurs. En résumé, tous les acteurs en lien avec l’entreprise sont susceptibles à un moment ou à un autre de s’impliquer au niveau du conseil d’administration. « La coopérative Bizz ou encore la librairie Les Bouquinistes comptent parmi leurs administrateurs des gens d’affaires, des entrepreneurs et des professionnels issus de diverses industries. Ces coops peuvent s’appuyer sur une pluralité de talents parce que leur gestion est ouverte à une foison de membres. »

Privée et coop, pas si différentes

Que ce soit pour un repreneuriat collectif ou encore pour remplacer un actionnaire au sein d’une société par actions, le modèle coopératif rencontrera du succès s’il a un bon conseil d’administration et une direction générale efficace. En ce sens, les entreprises collectives ne sont pas si différentes des initiatives privées. Toutes deux sont également soumises aux mêmes lois du marché et à la rareté de main-d’œuvre. Toutefois, par leur nature, on remarque une meilleure rétention et un sentiment d’appartenance plus fort des travailleurs pour leur coop. « Cela peut expliquer, en partie, que le taux de survie d’une coopérative est d’environ 45 % sur une période de 10 ans comparativement à une entreprise privée qui affiche un taux de 20 % sur une même durée. »

Une vision brouillée

Les gestionnaires du CDRQ doivent jongler avec une vision « négative » qu’ont parfois certains entrepreneurs vis-à-vis le modèle coopératif. En effet, longtemps associé aux mouvements idéologiques de la gauche, le modèle d’affaires collectif a été perçu comme « peu sérieux » par la classe d’affaires. « La fermeture d’une
coopérative marque plus l’imaginaire collectif que celle d’une entreprise privée. On constate que lorsqu’une “inc.” ferme boutique, les raisons sont très bien expliquées ; souvent on met la faute sur le marché. Dans le cas d’une coopérative, il y a une sorte de raccourci intellectuel qui se fait et on blâme le modèle ou lieu du contexte socioéconomique. »

Il est également à noter que l’arrêt des activités d’une coopérative peut toucher beaucoup de monde. C’est le cas avec les coops de consommateurs qui ont parfois plus de 1000 membres.

Un travail de communication

Consciente du travail de démystification qui doit être fait, l’équipe du CDRQ se donne la mission de fournir un maximum d’informations. « Par exemple, dans un projet de repreunariat collectif, nous planifions une série de rencontres avec les travailleurs et les dirigeants afin de répondre aux questions. Chaque étape dans la création d’une coopérative est ponctuée de séances où l’on s’assure que chaque partie prenante est bien au fait des implications qu’exige une entreprise collective », conclut le directeur régional. La CDRQ offre une multitude de services tant sur la création de projets que sur le bon fonctionnement des assemblées générales et sur la planification de stratégies en transformation numérique.

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