Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier sur le commerce de détail présenté dans notre édition du mois de février.

SAGUENAY – La pandémie de COVID-19 n’aura finalement pas causé l’hécatombe présagée dans le secteur du commerce de détail. Même si les fermetures en 2020 ont été légèrement plus élevées qu’en 2019, en 2021, les ouvertures ont été plus nombreuses que les fermetures à l’échelle québécoise.

Selon les données de Statistique Canada, en 2020, il y a eu au Québec 9119 fermetures de commerces contre 8708 ouvertures, un déficit de 411 commerces, comparativement à 248 en 2019. En 2021, le bilan est positif, avec 300 ouvertures de plus que de fermetures, pour totaliser environ 20 200 entreprises actives.

« Il y a eu une très forte baisse [des chiffres de vente au détail] lors de la première vague, en mars-avril-mai 2020. En mai, on constatait une baisse de 45 %, c’était du jamais-vu. Guerre, catastrophe, il n’y a rien qui avait réussi à faire baisser le commerce de détail à ce point. Pour le reste de l’année, on a eu une très belle croissance, avec en moyenne 10 %. C’est beaucoup! Habituellement, quand on a 3 % à 5 %, on est très contents », révèle Joël Paquin, président de la firme spécialisée en études de marché, de potentiel et de localisation commerciale Paquin Recherche.

En 2021, la croissance a ralenti, mais s’est poursuivie avec une hausse de 4 % en moyenne. « C’est quand même bon. Et si on se compare à notre année de référence, avant la pandémie, on est 13 % plus élevé en 2021 qu’en 2019. »

Selon le spécialiste, une part de ces résultats est expliquée par un transfert des dépenses des consommateurs : l’argent qui aurait servi pour les voyages, les restaurants, certaines sorties ou l’essence a été transféré vers des dépenses dans le secteur du commerce de détail. « Le commerce en 2020 a aussi été en partie sauvé par les mesures gouvernementales de soutien aux personnes sans emploi, comme la PCU. Ces mesures, dont on paiera collectivement le prix plus tard, ont eu pour effet de ne pas faire chuter la demande des consommateurs, et même de laisser à certains un nouveau revenu discrétionnaire qui a été dépensé », estime M. Paquin.

La restauration souffre

Il faut toutefois apporter une nuance à cette croissance. Si certains secteurs vont très bien, d’autres éprouvent des difficultés importantes. « La restauration et le vêtement sont les deux secteurs qui ont le plus souffert de la pandémie et, dans ces secteurs, ça ne s’améliore pas », rappelle le président de Paquin Recherche.

Dans la restauration, on constate une hausse importante de fermetures, alors que le nombre de restaurants et bars est passé d’environ 12 000 en 2019 à près de 10 750 en 2021. En 2020, il y a eu 1500 fermetures de plus que d’ouvertures, alors qu’en 2021, ce sont 3086 restaurants en moins qui ont été comptabilisés. « Ça représente une baisse totale de plus de 4500 restaurants depuis janvier 2020. La perte s’accélère en 2021, ce qui peut être expliqué par des liquidités épuisées après une longue période sans ventes et une perte d’espoir. L’industrie est fragilisée. Il y aura de gros problèmes de liquidités et les plus à risque sont les restaurateurs indépendants avec service aux tables », mentionne Joël Paquin.

En ce qui a trait aux ventes, la restauration a perdu 12 % par rapport à 2019. Ceux avec service aux tables ont connu une baisse de 24 %. La restauration rapide, elle, a conclu 2021 avec une hausse de 5 %. M. Paquin se dit inquiet pour les joueurs actuels dans le domaine, qui ont souffert des mesures sanitaires, mais pas pour le secteur de la restauration en tant que tel, puisqu’il demeure très dynamique. « Je pense qu’on verra assez rapidement de nouveaux établissements remplacer ceux qui auront fermé leurs portes durant cette période. » Dans la région, on a pu le constater lors de la réouverture des restaurants en février, après les restrictions sanitaires de janvier dernier : les salles étaient remplies.

Internet

Du côté des ventes par Internet, M. Paquin observe un retour vers les magasins physiques en 2021. « En 2020, de mars à décembre, Internet avait une croissance moyenne de 79 % par mois. En 2021, de mai à octobre, cette croissance moyenne était de 4,8 %. Il faut mentionner que Statistique Canada nous donne les ventes par Internet des détaillants canadiens. Ils n’ont pas les commerces basés aux États-Unis, comme Amazon, mais ça nous donne une idée. »

Les ventes Internet des détaillants canadiens constituaient, en 2019, 3,6 % du commerce de détail. Ce chiffre a grimpé à 6,2 % en 2020, pour se stabiliser à 6,5 % entre janvier et octobre 2021. « On estime généralement que les détaillants canadiens constituent environ la moitié des ventes Internet totales. Donc ça voudrait dire qu’en 2021, l’Internet au total aurait environ 13 % du commerce de détail. Ceux qui ont dit qu’Internet allait tuer le commerce se sont mis le doigt dans l’œil. On voit que la croissance d’Internet a beaucoup ralenti dans la deuxième moitié de 2021. »

M. Paquin conclut que les ventes par Internet diminueront avec le retour à la normale, mais demeureront plus élevées qu’avant la pandémie. Il croit que plusieurs commerçants choisiront de stimuler les ventes en magasin, notamment parce que la rentabilité des ventes en ligne est généralement plus basse en raison des coûts qui y sont liés (livraison, retours).

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